Villaeys-Poirré
Je cherche à comprendre.
Abonné·e de Mediapart

129 Billets

0 Édition

Billet de blog 12 octobre 2021

Villaeys-Poirré
Je cherche à comprendre.
Abonné·e de Mediapart

Double, triple peine ...

Dans le box des accusés, c'est un prisonnier maltraité après trois ans d'incarcération, isolé par la langue et son origine étrangère et reconnu comme ayant besoin d'un accompagnement psychologique qui comparaît et que l'on condamne. A une double et triple peine dont on se demande comment il pourra tout simplement la supporter.

Villaeys-Poirré
Je cherche à comprendre.
Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

Deuxième article sur le procès qui a eu lieu à Auxerre après la mort d'un réfugié au foyer Coallia Auxerre en novembre 2018 :

C'est un prisonnier maltraité, qu'on a tenu en laisse, entouré constamment de policiers lourdement armés, prisonnier du silence, enfermé dans un quartier d'isolement que nous avons vu dans le box ...

 Peu de gens imaginent, connaissent la violence extrême de la prison en France. On pense cela réservé au passé des QHS, aux pays dictatoriaux. Peu de gens ont donc la possibilité de comprendre qui nous avons vu en fait dans le box des accusés lors de ce procès après déjà trois ans d'incarcération et ce qui l'attend dans une prison pour majeurs, isolé par la langue et son origine étrangère et reconnu comme ayant besoin d'un accompagnement psychologique. C'est une double et triple peine dont on se demande comment il pourra tout simplement la supporter. Pour les jurés, c'est certainement un monde totalement inconnu dont ils devraient pourtant être informés puisqu'ils sont chargés de décider ou non d'une peine de prison et de sa longueur.

http://demandeursdasileen89.over-blog.com/2021/10/caro-osas-c-est-un-prisonnier-maltraite-tenu-en-laisse-entoure-constamment-de-robocops-enferme-en-quartier-d-isolement-que-nous-avon / http://demandeursdasileen89.over-blog.com/2021/10/un-journalisme-a-charge.pour-la-journliste-de-l-yonne-republicaine-l-information-est-une-affaire-de-tri.html

Caro Osas est un jeune prisonnier maltraité au nom de la sécurité

 . Encore presque un MNA (mineur non accompagné - mineur isolé)

Caro Osas a tout juste 19 ans au moment du drame. Il est majeur sur le papier, mais à peine sorti de la minorité. On sait qu'un mineur demandeur d'asile a un accompagnement spécifique, certes imparfait mais correspondant plus à ses besoins en apprentissage, en attention, en protection. Et que dans les prisons en France, il doit avoir des conditions différentes correspondant à son âge. Caro Osas ne peut en bénéficier à quelques mois près. Mais tout ceux qui ont des enfants grands adolescents savent qu'à 19 ans la personnalité est encore en train de se former.

Au foyer, pourtant il se retrouve avec des résident plus âgés, il n'est plus avec des jeunes de son âge En prison, il en est de même. A Coallia, le personnel a-t-il compte de cet âge? La police, la prison en tiennent-elles compte? Dans ce procès, en a-t-on tenu compte? Et maintenant qu'il est condamné, qu'il ne peut aller dans un établissement pour mineurs, que sera sa vie dans un établissement pour adultes.

. Un prisonnier tenu en laisse

Audience. Nous sommes en train de regarder une suite de photos prises lors de la reconstitution. L'un des deux avocats, Me Mariotti, fait arrêter le déroulé et fait pointer sur un "détail" que ne pouvaient voir seuls les jurés ...  la "laisse" à laquelle est rattaché Caro Osas. Déjà dire ce mot est en soi intolérable.  Toutes ces photos qui reviennent en mémoire, comme celles de ces demandeurs d'asile ainsi trainés vers des avions. On nous dit que Caro Osas est dangereux. Mais quel sentiment peut naître chez un être humain ainsi traité.

 . Refus de l'avocat de s'entretenir avec son client qu'on prétendait laissé menotté

L'autre avocat Me Kempf dira plus tard qu'à chaque visite, on voulait lui imposer un prisonnier menotté, et qu'il devait exiger qu'on y renonce sous peine d'une protestation officielle d'atteinte aux droits de la défense. Il a décrit aussi les déplacements de ce jeune entouré de "robocops", ces policiers surarmés, impressionnants pour nous--mêmes qui ne dépendons pas d'eux. Et que nous avons vus au procès.

(Une petite remarque qui montre bien ce qu'est ce quotidien entouré de gens qui ont tout pouvoir sur vous : une personne du public veut recharger son portable craignant de se retrouver après une journée au palais sans téléphone. Aussitôt la décision tombe non, pourquoi non, parce que non. La vie prisonnière c'est cela, dépendre pour chaque petit acte de la vie du bon vouloir de l'autre jusqu'à l'absurdité.)

(Une deuxième remarque significative. C'est le début de l'audience, une policière affectée je pense au palais, derrière moi dit fort à son collègue : et ce genre de type en plus a deux avocats. Je me retourne vers cette personne qui dans l'exercice de ses fonctions fait ces remarques inappropriées et audibles du banc des témoin où je me trouve, significatives de ce que ce jeune peut vivre, de cette condamnation a priori. En fait Me Kempf, devant la gravité du procès a souhaité la présence de Me Mariotti. Ils se partagent royalement la rémunération prévue pour un avocat commis d'office! Ce qui est sûr, c'est que la double plaidoirie a été nécessaire permettant une défense plus précise et deux approches complémentaires du dossier.)

 . Le régime d'isolement

Ce qui cependant est le plus intolérable à penser, c'est le retour de ce jeune homme ... dans un quartier d'isolement, dans une cellule d'isolement. A Orléans, il avait été accusé d'actes de violence (un journal du même groupe que L'Yonne républicaine, avait fait un article tout aussi odieux et aussi unilatéral que celui décrit dans notre précédent article et qui a pu être lu sur le net par le jury!).

Une vidéo permet de voir ce qu'est l'isolement. Certes aux Etats-Unis, je n'ai pas trouvé l'équivalent sur la France. Mais ce qui est commun, c'est la cellule, espace réduit, c'est la solitude absolue, aucun contact avec d'autres prisonniers, Seul, sans communication toutes les heures de la journée. C'est la mesure la plus dure en prison.

Et que peut faire un jeune qui ne peut ni lire, ni écrire, ni parler enfermé ainsi toute une journée.

Retourner à l'isolement,  qu'est ce que cela a pu signifier pour ce jeune après ces trois journées, après un verdict si lourd. En détention normale, c'est difficile, mais au moins peut-on en parler.

(https://www.youtube.com/watch?v=8ubgIPbeXJw&ab_channel=NatGeoFrance)

 . Un jeune isolé,  prisonnier du silence

Caro Osas est un jeune condamné au silence, ne maîtrisant pas la langue, parlant un anglais plus qu'approximatif, ne sachant pas  écrire. L’interprète a fait de son mieux, mais par exemple il n'a pas pu savoir ce que disait l'avocate générale. On parlait de lui mais que disait-on? Il ne pouvait le savoir. On lui a demandé ce qu'il voulait, car l'accusé est le dernier à parler. Mais que pouvait-il dire, lui qui n'a pu comprendre pratiquement rien en direct de ce qui se disait.

Seul de sa nationalité, avec des hommes n'ayant pas vécu le même parcours, présenté comme ayant comme seul langage celui de la violence, comme étant un être violent presque animal, que peut-il dire et comment va-t-il vivre?

https://www.hrw.org/fr/report/2016/04/05/double-peine/conditions-de-detention-inappropriees-pour-les-personnes-presentant

A la recherche de documents sur l'isolement, je trouve ce document (sur un autre détenu), certes extrême, mais qui témoigne que certains surveillants peuvent voir de cette manière ce jeune. https://www.fopenitentiaire.fr/post/2019/10/01/prison-de-ch%C3%A2teauroux-un-crachat-une-meurtrissure

 . Un jeune au parcours traumatisé

C'est donc un prisonnier constamment traité comme un animal fauve que nous avons vu lors de ce procès. Un prisonnier qui ne peut communiquer avec personne, un prisonnier qui ne connaît que la violence du système. Entre son parcours d'immigration poussé par la faim, la rue et le foyer Coallia. Un prisonnier condamné par la presse et la prison. Abandonné par le foyer qui devait le protéger.

. Double, triple peine

Un prisonnier pourtant que nous avons vu assister à ces trois jours, en mesure de se contrôler. Un prisonnier que même l'avocate générale a dit en mesure de retrouver une place s'il était suivi et bénéficiait d’activités d'apprentissage.

Mais ce que nous vu aussi aujourd'hui dans ce prisonnier qui a été tenu en laisse, placé en cellule d'isolement, condamné au silence, c'est un accusé, seul dans le box, dans un procès sans témoins présents, qui se déroule à marche forcé, sans public, que la presse avait déjà condamné dans un précédent article disponible sur le net et pouvant influencer les jurés. Et condamné à une double, triple peine

C'est l'horreur de la prison et de la justice

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bienvenue dans Le Club de Mediapart

Tout·e abonné·e à Mediapart dispose d’un blog et peut exercer sa liberté d’expression dans le respect de notre charte de participation.

Les textes ne sont ni validés, ni modérés en amont de leur publication.

Voir notre charte