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Billet de blog 13 mars 2023

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Liebknecht, la grève de masse ... "Les bras croisés"

Liebknecht en 1905 défend devant le Congrès du parti, la grève de masse. "Legien dit que nous devrions dans certaines circonstances d’ailleurs remettre nos armes à l’épaule. Mais nous n’avons pas ces armes ; cependant le prolétariat lui a  ses bras et le pouvoir de les utiliser ou de les croiser." ...

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Illustration 1
Karl Liebknecht vers 1900

Le blog comprendre-avec-rosa-luxemburg  a entamé cette semaine la publication des textes de Karl Liebknecht sur la grève de masse. C'est une manière pour le blog de contribuer au mouvement contre la destruction des droits à la retraite, que le pouvoir veut imposer aux prolétaires, aux mépris de leurs droits les plus fondamentaux : droits à la vie, à la santé, à une fin de vie professionnelle dans des conditions humaines. Karl Liebknecht a consacré une bonne partie de ses engagements à défendre la grève de masse, que les instances réformistes du parti et des syndicats ont toujours tenté de juguler. Ces articles et interventions n'existent pratiquement pas en français et sur le net. Pourtant comme le montre le texte ci-après, ils ont une valeur incontestable pour alimenter notre réflexion. Dominique Villaeys-Poirré, 2023


Karl Liebknecht, 1905. La grève de masse, le moyen de lutte spécifique du prolétariat .

Intervention au Congrès de Iéna dans la discussion sur la grève de masse. 1905

Les élections de 1903 ont dans une certaine mesure précipité vers la mort le parlementarisme formel. La social-démocratie, dont l’organisation et les campagnes d’agitation en Allemagne se sont depuis toujours essentiellement liées au  parlementarisme et aux élections législatives, a de plus en plus dû se rendre à l’évidence que l’espoir, existant malgré tout dans de larges cercles, d’obtenir des résultats significatifs par les succès électoraux, était trompeur. On constate que malgré les succès électoraux importants, tout est resté comme avant. C’est ainsi que s’explique le changement d’atmosphère, que l’on soit devenu plus sensible aux actions extraparlementaires, comme le 1er mai, que l’on recherche de nouveaux moyens d’action extraparlementaires et que la grève générale trouve de plus en plus de partisans. Bien sûr la révolution russe y a aussi contribué et éveillé à nouveau la compréhension face à l’évolution catastrophique de la situation.

Il est complètement inexact de dire que faire la différence entre grève générale et grève de masse serait spécieuse. La première veut se substituer au combat parlementaire, la seconde en premier lieu le rendre possible en lui donnant un fondement solide, mais de plus constituer un moyen de lutte extraparlementaire indépendant pour protéger et gagner des droits essentiels. C’est là une différence fondamentale.

Legien dit que nous devrions dans certaines circonstances d’ailleurs remettre nos armes à l’épaule. Mais nous n’avons pas ces armes ; cependant le prolétariat lui a  ses bras et le pouvoir de les utiliser ou de les croiser. Que la grève de masse soit synonyme de révolution n’est pas vrai dans toutes les circonstances, moins encore lorsqu’il s’agit de la défense des droits.

Si la grève est un moyen de lutte approprié pour les combats économiques, il devrait être utilisable dans certains contextes pour des buts politiques. Ce que le prolétariat peut mettre en œuvre pour 5 Pfennig de salaire, il doit pouvoir le faire pour ce qui lui est le plus sacré, ses droits fondamentaux ! Après que la révolution sous la forme de "jacqueries" a disparu, la grève de masse s’est développée organiquement à partir de la position et de la fonction du prolétariat dans l’ordre économique capitaliste, comme le moyen de lutte prolétaire spécifique dans presque tous les domaines de la lutte des classes. C’est la réalisation politique  du pouvoir économique de la classe ouvrière.

Certes, comme le souligne Schmidt, nous verrons lors de la grève politique beaucoup de renégats ; mais des milliers de prolétaires qui sont aujourd'hui éloignés de la lutte de classe nous rejoindront avec enthousiasme et volonté de sacrifice ; la lutte pour des buts élevés les emportera.

Heine demande : « Gagnerons-nous?” Il n’y a certes jamais eu de police d’assurance pour les révolutions. Il faudrait d’abord l’inventer. Certes ! Le sang du peuple nous est précieux, mais les idéaux et les droits politiques du peuple ne nous sont pas moins précieux, et nous ne voulons pas nous les laisser voler sans résistance. La responsabilité de l'inaction  s'oppose à la responsabilité d'agir. Le droit engendre la tendance au formalisme et rend plus difficiles la pensée et le sentiment révolutionnaires. C’est ainsi que je m’explique des nombreuses réticences de Heine. (Le temps de parole s’est écoulé)

Remarque :

Lors de ce congrès du parti social-démocrate, la discussion sur la grève de masse devient centrale. Et l’intervention de Liebknecht gagne en force. Il distingue grève générale décidée par les instances et la grève de masse issue des conditions que vit le prolétariat. Cela ne disqualifie pas, au contraire, l'action du parti dont le rôle est d’œuvrer à la prise de conscience. Il voit dans la grève de masse, le moyen spécifique qui correspond à la phase de développement capitaliste. Elle prend d’autant plus de force que les limites du parlementarisme apparaissent et que les ouvriers disposent d’une arme dont les politiques ne disposent pas, qui leur est propre : "Le prolétariat a ses bras et le pouvoir de les utiliser ou de les croiser". Il convient donc d’être prêt car l’épreuve de force ne peut pas être évitée dans tous les cas. Et si au moment crucial, beaucoup se renieront, le mouvement permettra aussi de mobiliser l’enthousiasme et la volonté de sacrifice des prolétaires : "...  mais des milliers de prolétaires qui sont aujourd'hui éloignés de la lutte de classe nous rejoindront avec enthousiasme et volonté de sacrifice ; la lutte pour des buts élevés les emportera.

(Legien et Heine sont des dirigeants réformistes du syndicat et du parti)

Congrès de Iéna, 1905. Liebkecht est tout en haut à droite.

Traduction Dominique Villaeys-Poirré, mars 2023, mise en ligne 13 mars 2023. Le texte est disponible sur le net en allemand. Merci pour toute amélioration de la traduction.

Lire la présentation générale https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/03/karl-liebknecht-et-la-greve-de-masse.le-proletariat-a-ses-bras-et-le-pouvoir-de-les-utiliser-ou-de-les-croiser.html 

Le 1er texte : https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/03/karl-liebknecht-1904-pour-la-greve-de-masse-politique.cette-question-est-la-plus-actuelle-de-notre-politique-presente-et-future.html


Citations

"Les élections de 1903 ont dans une certaine mesure précipité vers la mort le parlementarisme formel. La social-démocratie, dont l’organisation et les campagnes d’agitation en Allemagne se sont depuis toujours essentiellement liées au  parlementarisme et aux élections législatives, a de plus en plus dû se rendre à l’évidence que l’espoir, existant malgré tout dans de larges cercles, d’obtenir des résultats significatifs par les succès électoraux, était trompeur."

"Il est complètement inexact de dire que faire la différence entre grève générale et grève de masse serait spécieuse. La première veut se substituer au combat parlementaire, la seconde en premier lieu le rendre possible en lui donnant un fondement solide, mais de plus constituer un moyen de lutte extraparlementaire indépendant pour protéger et gagner des droits essentiels."

"Legien dit que nous devrions dans certaines circonstances d’ailleurs remettre nos armes à l’épaule. Mais nous n’avons pas ces armes ; cependant le prolétariat lui a  ses bras et le pouvoir de les utiliser ou de les croiser."

"Il n'est pas vrai que nous puissions en toutes circonstances éviter une épreuve de force. Le cas peut se produire, où il nous faudra manifester notre force, dont nous faisons maintenant un usage exclusivement formel. Et nous y parviendrons sous la forme la plus percutante au moyen d'une grève de masse."

"Ce que le prolétariat peut mettre en œuvre pour 5 Pfennig de salaire, il doit pouvoir le faire pour ce qui lui est le plus sacré, ses droits fondamentaux ! Après que la révolution sous la forme de "jacqueries" a disparu, la grève de masse s’est développée organiquement à partir de la position et de la fonction du prolétariat dans l’ordre économique capitaliste, comme le moyen de lutte prolétaire spécifique dans presque tous les domaines de la lutte des classes."

"Certes, comme le souligne Schmidt, nous verrons lors de la grève politique beaucoup de renégats ; mais des milliers de prolétaires qui sont aujourd'hui éloignés de la lutte de classe nous rejoindront avec enthousiasme et volonté de sacrifice ; la lutte pour des buts élevés les emportera."

"Il n’y a c'est vrais jamais eu de police d’assurance pour les révolutions. Il faudrait d’abord l’inventer. Certes ! Le sang du peuple nous est précieux, mais les idéaux et les droits politiques du peuple ne nous sont pas moins précieux, et nous ne voulons pas nous les laisser voler sans résistance. La responsabilité de l'inaction  s'oppose à la responsabilité d'agir."

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