"Le 18 mars de Berlin et le 18 mars de Paris seront suivis d'un nouveau printemps des peuples, le printemps de l'humanité, qui couronnera l'œuvre du premier et consacrera la victoire du second. Et aucune puissance sur terre ne pourra l'arrêter." Wilhelm Liebknecht 1898.
Le blog comprendre-avec-rosa-luxemburg a déjà commencé la publication de textes en français (certains sont disponibles sur ce blog mediapart), ceux-ci étant presque inexistants sur le net, en espérant qu'en France aussi des initiatives naîtront à cette occasion. Cela contribuerait à avoir une connaissance plus précise de la naissance et du développement de la social-démocratie
...Pas de doute : la révolution était morte ! Morte et mise en bière ou ensevelie sans autre forme de procès. À Berlin, étranglée et enterrée sans combat et sans bruit. À Vienne, réduite en poussière et en plomb et ensevelie sans autre forme de procès — à Rastatt, Mannheim, Fribourg, fusillée et ensevelie sans autre forme de procès. À Francfort, plus de parlement, et le Bundestag se remettant à son ancien travail de bourreau et de sbire. À Vienne et à Berlin, le triumvirat : la soldatesque, la police, le clergé (ici tondu, là coiffé). À Berlin et à Vienne, les orgies sauvages de la soif de puissance dynastique au détriment du peuple allemand et de la patrie. Les constitutions sont brisées et remplacées par des caprices réactionnaires et l'arbitraire imposés au peuple soumis — la presse est détruite, ce qui ne mérite pas d'être détruit est bâillonné, le droit d'association est transmis avec une corde autour du cou de la servilité ambitieuse des fonctionnaires – l'Allemagne redevenue un cimetière, comme après la guerre de Trente Ans – partout la paix des cimetières. Du cimetière et de la prison. Et comme elles étaient pleines, les prisons ! – car ceux qui, parmi les plus nobles de la nation, n'avaient pas trouvé la mort derrière les barricades, sur les champs de bataille, dans les tranchées derrière les tas de sable, ou qui ne s'étaient pas enfuis à l’étranger, remplissaient les prisons.
C'était l'époque de la réaction la plus sombre, comme le déplorait alors la démocratie bourgeoise vaincue, sans se douter qu'avant la fin du quart de siècle, elle-même – à quelques rares exceptions près – applaudirait un régime réactionnaire et y participerait, un régime à côté duquel cette « réaction la plus sombre » apparaîtrait presque comme une ère libérale.
Ce miracle fut accompli par une autre révolution, une révolution plus grande et plus profonde que celles qui avaient échoué à Vienne, Berlin, Dresde, Baden et dans le Palatinat.
Par un étrange concours de circonstances, la fin de la révolution de mars marqua le début d'une nouvelle révolution, qui recelait en elle-même des forces de renversement et de création bien plus puissantes. La révolution politique fut suivie d'une révolution économique qui, sur le moments, favorisa les ennemis de la révolution politique et encouragea la réaction, mais qui, dans le même temps, sapa et emporta les fondements sur lesquels reposait la réaction et donna naissance à une force qui renversera l’Empire de la réaction et rendra
Selon la conception matérialiste du monde et de l'histoire de la social-démocratie – dite matérialiste parce qu'elle rejette les facteurs suprasensibles et extrasensoriels –, les formes et les institutions politiques et sociales sont conditionnées par les formes et les modes de travail nécessaires à la subsistance des êtres humains. Une société dans laquelle les outils de travail (arc et flèches, filets, métier à tisser, fuseau, branche d'arbre carbonisée servant de soc de charrue) sont si simples que tout le monde peut les fabriquer, et les méthodes de travail si faciles que tout le monde peut les apprendre, doit avoir une forme différente d'une société dans laquelle les outils de travail sont si variés et si sophistiqués que seuls quelques-uns peuvent les fabriquer et les acquérir. Un peuple de bergers ne peut pas avoir les mêmes institutions étatiques et sociales qu'un peuple d'agriculteurs, ni un peuple d'agriculteurs qu'un peuple industriel. Le remplacement des formes de production dépassées par des formes plus efficaces entraîne également la nécessité de modifier les institutions étatiques et sociales. La révolution anglaise du XVIIe siècle et la révolution française du XVIIIe siècle ont été le résultat du dépassement du mode de production féodal médiéval par le mode de production bourgeois. Mais le bouleversement économique le plus important et le plus profond de tous les temps est sans doute celui provoqué par le capitalisme moderne.
Il a détruit l'ancienne structure sociale bien plus profondément que la Révolution française n'a détruit la structure de l'État. Il a séparé le travail des moyens de production à tel point que seule une infime minorité possède ces moyens et que la masse des gens est condamnée à être au service de cette minorité ; en concentrant les moyens de production entre quelques mains, il a augmenté de manière gigantesque le rendement du travail et condamné les masses à la misère ; il a, au nom de la propriété, dépouillé de sa propriété l'immense majorité du peuple ; dans sa soif vorace de main-d'œuvre exploitable, il a traîné les enfants et les femmes dans les usines, dissout les familles, bouleversé la population à tel point que les migrations des peuples au début de l'ère chrétienne sont insignifiantes par rapport à la grande migration de peuples du capitalisme, qui, rien qu'en Allemagne, a poussé au moins 10 millions de personnes à quitter la campagne pour la ville au cours des trois dernières décennies, sans parler de la migration vers l'étranger, qui se compte également en millions.
L'Allemagne, qui était à la fin des années 40 un pays agricole – 3/5 des habitants de la Confédération allemande et 2/3 des habitants de la Prusse vivaient à la campagne – est aujourd'hui un pays industriel avec une population majoritairement urbaine ; et la grande entreprise capitaliste, qui n'en était alors qu'à ses débuts dispersés en Rhénanie-Westphalie – dans les deux autres centres industriels de l'Allemagne, la Saxe et la Silésie, c'était l'artisanat qui dominait –, a aujourd'hui surpassé, supplanté et condamné à disparaître la petite entreprise bourgeoise dans toute l'Allemagne. Une révolution matérielle aussi gigantesque devait bien sûr entraîner une révolution dans les esprits. Les anciens slogans et mots d'ordre ont perdu leur signification, les anciens principes des partis se sont estompés, les anciens idéaux des partis se sont effacés. La bourgeoisie est devenue différente.
Jusqu'à la fin des années 1840, la bourgeoisie allemande, depuis qu'elle s'était éveillée à la vie politique, avait été libérale et démocratique. L'expression « liberté bourgeoise » correspondait à la notion de liberté politique. Mais avec le développement du capitalisme, une couche sociale émergea de la vaste bourgeoisie qui, se démarquant de son environnement, devint rapidement un monde à part, avec d'autres intérêts, d'autres points de vue, d'autres objectifs : la grande bourgeoisie capitaliste, la bourgeoisie.
C'est un processus commun à tous les pays civilisés, notamment l'Allemagne et la France. La bourgeoisie n'a plus rien du libéralisme et de l'idéalisme bourgeois. Elle déteste la liberté bourgeoise. Elle renie les idéaux de jeunesse de la grande Révolution française, de la Révolution de juillet, des révolutions de février et de mars. La révolution économique qu'elle a elle-même provoquée et à laquelle elle doit sa domination sur l'État et la société a complètement bouleversé sa position politique et poussé la bourgeoisie devenue capitaliste du côté de la réaction, c'est-à-dire du côté des éléments qui s'efforcent d'abuser du pouvoir de l'État pour combattre les nouvelles couches populaires qui luttent pour leur émancipation politique et sociale – du côté de la même réaction qui, il y a 50 ans, détestait et craignait la bourgeoisie, qui n'était pas encore devenue capitaliste, comme le diable incarné. Cette contradiction apparente s'explique très simplement. À l'époque, la bourgeoisie était elle-même la nouvelle classe sociale qui aspirait à l'émancipation et au pouvoir politique. Aujourd'hui, la bourgeoisie devenue capitaliste détient non seulement le pouvoir dans l'État, mais aussi, de fait, la domination ; et une nouvelle classe sociale, dont les intérêts et les objectifs sont diamétralement opposés à ceux de la bourgeoisie capitaliste, lutte pour son émancipation politique et sociale : le prolétariat, dont l'égalité des droits signifie la fin du capitalisme.
La bourgeoisie s'est ainsi réconciliée avec son ennemi mortel : l'État junker, policier et militaire ; elle renonce au pouvoir politique direct et se contente de la domination économique, qui rend l'État servile et tributaire, même s'il est en nom gouverné par des éléments non bourgeois. Ce dont le capitalisme avait besoin, c'était d'un gouvernement fort, c'est-à-dire exactement le contraire de la démocratie – un gouvernement qui réprimait d'une main de fer les ennemis du capitalisme et mettait à sa disposition l'ensemble du pouvoir et de la richesse de l'État – un gouvernement qui, en tant qu'agent du capitalisme, s'occupait à tous égards de ses affaires et repoussait les assauts du prolétariat, en d'autres termes : la dictature du capitalisme.
Cette dictature existe en France depuis décembre 1848, en Allemagne depuis l'automne 1862. Elle s'incarnait là-bas dans Bonaparte, ici dans Bismarck.
Alors que, d'un côté, le développement capitaliste favorise la réaction politique et la pousse à l'extrême, de l'autre, il libère et crée, par la révolution économique, des forces qui, se multipliant et se renforçant de jour en jour, arrachent leurs soutiens et leur base à la réaction politique et, s'appuyant sur la révolution économique, préparent la révolution sociale etpolitique qui balaiera les obstacles à la réalisation du socialisme.
Cette force élémentaire, c'est la classe ouvrière, dont l'exploitation fait vivre le capitalisme, ce sont les couches moyennes de la population : la petite bourgeoisie, les petits paysans, les artisans, que le capitalisme prive de propriété et d'existence par la concurrence écrasante des grandes entreprises et qui, avec les ouvriers, forment l'armée toujours croissante du prolétariat.
Et cette armée, à laquelle l'activité du capitalisme, réactionnaire sur le plan politique et révolutionnaire sur le plan économique, fournit sans cesse, malgré toute son hostilité, de nouvelles recrues, s'organise sous la bannière du socialisme international dans tous les pays du monde. Elle comprend déjà aujourd'hui l'ensemble des travailleurs réfléchis et conscients de leur classe, ainsi que les éléments les plus nobles des classes bourgeoises. La « question » interne à la nation ne peut plus semer la confusion et détourner l'Allemagne de son chemin. Après l'échec de la deuxième tentative de réunification du Reich par le bas en 1848/49, tout comme la première tentative à l'époque de la grande guerre des paysans en 1520, il ne restait plus que la solution dynastique. Après des querelles répugnantes et des manœuvres frauduleuses avec l'étranger, les lois d’airain de la guerre et les fausses cartes de la diplomatie ont décidé en faveur de la dynastie des Hohenzollern contre les Habsbourg. Mais qui est satisfait ? Et qui ne sait pas aujourd'hui que derrière la question politique se cache la question sociale, qui les domine toutes et les obscurcit ?
On a comparé la période actuelle à celle qui a précédé le déclenchement de la Révolution française, où la transformation économique poussait irrésistiblement à une transformation politique. Tout comme la société féodale à l'époque, la société bourgeoise est aujourd'hui en pleine dissolution. Et la société bourgeoise est encore plus en contradiction flagrante avec les intérêts du peuple. L'augmentation de la productivité du travail n'enrichit qu'une minorité et condamne les masses à la pauvreté ; la lutte des classes s'intensifie de jour en jour ; l'État, sous la tutelle du roi, reste muet et doit prêter ses moyens de pouvoir au capitalisme. Toutes les tentatives des partis capitalistes pour perpétuer cet état de choses échouent face à la logique des faits, qui plongent des masses toujours plus nombreuses dans la misère et dans la lutte contre le capitalisme. À l'image des conditions qui l'ont fait naître, le parti socialiste ouvrier est international. Pour lui, il n'existe que deux peuples : les oppresseurs et les opprimés, les exploiteurs et les exploités. En Allemagne, malgré les persécutions les plus cruelles et les plus brutales, la social-démocratie est devenue le plus puissant de tous les partis – l'axe autour duquel, de l'aveu même du chancelier Caprivi, tourne la vie politique de l'Empire – et suffisamment forte pour pouvoir affronter victorieusement une coalition des partis capitalistes. Et pour ceux qui savent évaluer les forces en présence, la victoire de la social-démocratie est le résultat d'un simple calcul arithmétique. Alors que la social-démocratie se développe dans tous les pays du monde et forme une seule grande armée, le capitalisme perd déjà la capacité d'imposer aux travailleurs le joug de l'exploitation de manière si stricte qu'ils doivent travailler sous sa coupe. Les grèves géantes des mineurs de charbon anglais, et plus récemment des ouvriers de la construction mécanique anglaise, qui ont paralysé pendant longtemps deux des branches industrielles les plus importantes, sont autant de preuves que le capitalisme n'est plus en mesure de diriger le travail de la société humaine à long terme, que les jours de sa domination sont comptés. Le prolétariat n'est certes pas aussi heureux que l'était la bourgeoisie française à la fin du siècle dernier : celle-ci était porteuse du savoir, de la science et de l'art lorsqu'elle a entamé sa lutte pour l'émancipation ; le prolétariat, quant à lui, est exclu du temple de la science et de l'art par l'esclavage économique. Mais la conscience de classe, la conscience de l'injustice et de la misère économiques et sociales, ainsi que la compréhension de leurs causes, vivent et agissent dans tous les travailleurs réfléchis – et la poigne de fer des circonstances les pousse à la victoire et brise les armes de l'ennemi. Dieu frappe d'aveuglement ceux qu'il veut perdre. Cette maxime est particulièrement vraie si l'on observe les agissements des dirigeants actuels qui, passant d'erreur en erreur, sont incapables de résoudre les questions politiques les plus simples. Il suffit de penser à la farce du concert européen et à la confusion babylonienne qui règne en Autriche. « Plus rien ne fonctionne. »
Le 18 mars de Berlin, qui fut une victoire de la démocratie, a été suivi, 23 ans plus tard, par le 18 mars de Paris, qui fut un triomphe, mais pas encore une victoire du socialisme.
Le 18 mars de Berlin et le 18 mars de Paris seront suivis d'un nouveau printemps des peuples, le printemps de l'humanité, qui couronnera l'œuvre du premier et consacrera la victoire du second. Et aucune puissance sur terre ne pourra l'arrêter.
La social-démocratie allemande l'attend et le prépare en se préparant elle-même.
Le texte en allemand se trouve sur le site marxist.org. La traduction est issue d'un travail avec l'aide de deepl. Merci de toute amélioration. D.V.P.
Une note accompagnait le texte indiquant qu'il avait été rédigé durant l'été 1897. Wilhelm Liebknecht était alors en prison pour la septième fois, à plus de 61 ans, cet emprisonnement témoignant de la permanence de ses engagement contre le pouvoir impérial et de l'acharnement de celui-ci. Il avait été demandé par la direction du parti pour présenter son ouvrage devant paraître le 18 mars 1898 pour la commémoration du 50e anniversaire de la révolution de 1848, « Zum Jubeljahr der Märzrevolution »
Contexte biographique : " En 1895, [Wilhelm Liebknecht] avait été condamné à quatre mois de prison pour crime de lèse-majesté. Il purgea cette peine en 1897-1898 à la prison de Plötzensee. A sa sortie, qui coïncidait avec le cinquantième anniversaire de la révolution de 1848 (!), les ouvriers berlinois firent un accueil triomphal à celui que l’on appelait, mi-respectueusement, mi-affectueusement, le « vieux ». Le 29 juillet 1900, il prononça son dernier grand discours, à Dresde, par lequel il condamnait la politique navale du Reich, flétrit la rapacité des puissances impérialistes et répondit au discours de Guillaume II, prononcé deux jours plus tôt, qui devint tristement célèbre sous le vocable Hunnenrede. Huit jours plus tard, il mourut pendant son sommeil. Sa mort souleva une émotion immense, tant en Allemagne qu’en Europe" à partir du Maitron
Die Revolution ist todt.
Es lebe die Revolution!
Zum 18. März [1]
(März 1898)
Quelle: Sozialistische Monatshefte, Jg. 1898, Nr.3, März 1898, pp.99-103.
Transkription u. HTML-Markierung: Einde O’Callaghan für das Marxists’ Internet Archive.
... Kein Zweifel: sie war todt, die Revolution! Todt und eingesargt oder verscharrt. In Berlin ohne Kampf und Lärm erdrosselt und eingesargt. In Wien zu Pulver und Blei begnadigt und verscharrt — in Rastatt, Mannheim, Freiburg standrechtlich erschossen und verscharrt. In Frankfurt kein Parlament mehr, und der Bundestag sich wieder aufrichtend zur alten Büttel- und Henkerarbeit. In Wien und Berlin das Triumvirat: Soldateska, Polizei, Pfaffenthum (dort geschoren, hier gescheitelt). In Berlin und Wien die wilden Orgien dynastischer Grossmachtssucht auf Kosten des deutschen Volkes und Vaterlandes. Die Verfassungen zerbrochen und an ihrer Stelle Wechselbälge reaktionärer Laune und Willkür dem Unterthanenvolk in die Wiege gelegt — die Presse zerstört, das nicht Zerstörenswerthe geknebelt, das Vereinsrecht mit einem Strick um den Hals der streberischen Beamtenservilität überliefert – Deutschland wieder ein Kirchhof, wie nach dem dreissigjährigen Krieg – überall die Ruhe des Kirchhofes. Des Kirchhofes und des Zuchthauses. Und wie waren sie vollgepfropft die Zuchthäuser – denn was von den Edelsten der Nation nicht hinter den Barrikaden, auf den Schlachtfeldern, in den Laufgräben vor dem Sandhaufen den Tod gefunden, oder ins Ausland entflohen war, das sass im Zuchthaus. — —
Es war die Zeit der schwärzesten Reaktion, wie die besiegte bürgerliche Demokratie damals wehklagte, nicht ahnend, dass vor Ablauf eines Vierteljahrhunderts sie selber – mit seltenen Ausnahmen. – einer Reaktion zujubeln und an einer Reaktion mitarbeiten werde, neben der jene „schwärzeste Reaktion" fast als liberale Aera erscheint.
Dieses Wunder wurde durch eine andere Revolution bewirkt, eine Revolution, grösser und tiefer als die, welche in Wien, Berlin, Dresden; Baden und der Pfalz erlegen war.
Durch ein merkwürdiges Zusammentreffen von Umständen war das Ende der Märzrevolution der Beginn einer neuen Revolution, die ungleich stärkere Kräfte des Umsturzes und des Schaffens in sich barg. Der politischen folgte die ökonomische Revolution, welche für den Augenblick den Feinden der politischen Revolution Vorschub leistete und die Reaktion förderte, aber zugleich den Böden unterhöhlte und wegschwemmte, auf welchem die Reaktion ruhte, und eine Macht ins Leben rief, welche das Reich der Reaktion stürzen und dessen Wiederaufrichtung für immer unmöglich machen wird.
Nach der materialistischen Welt- und Geschichtsauffassung der Sozialdemokratie – materialistisch genannt, weil sie die über- und aussersinnlichen Faktoren zurückweist – sind die politischen und gesellschaftlichen Formen und Einrichtungen bedingt durch die Formen und Weisen der zur Erhaltung der Menschen nothwendigen Arbeit. Eine Gesellschaft, in welcher die Arbeitsmittel (Pfeil und Bogen, Netz, Webebaum, Wirtel, angekohlter Baumast als Pflugschaar) so einfach sind, dass Jeder sie herstellen, und die Arbeitsmethoden so leicht, dass Jeder sie erlernen kann, muss eine andere Gestalt haben, als eine Gesellschaft, in der die Arbeitsmittel so mannigfaltig und so kunstvoll zusammengesetzt sind, dass die Herstellung und Erwerbung nur Wenigen möglich ist. Ein Hirtenvolk kann nicht dieselben staatlichen und gesellschaftlichen Einrichtungen haben, wie ein Ackerbauvolk; ein Ackerbauvolk nicht wie ein Industrievolk. Mit der Verdrängung überlebter Produktionsformen durch höhere ergiebt sich auch die Notwendigkeit veränderter staatlicher und gesellschaftlicher Einrichtungen. Die englische Revolution des 17., die französische Revolution des 18. Jahrhunderts waren die Folge des Hinauswachsens der bürgerlichen Produktionsform über die mitteralterlich feudale. Die grösste und tiefstgreifende wirthschaftliche Umwälzung wohl aller Zeiten ist aber die, welche der moderne Kapitalismus bewirkt hat. Er hat den alten Gesellschaftsbau weit gründlicher zerstört, als die französische Revolution den Bau des Staates. Er hat die Arbeit so vollständig von den Arbeitsmitteln getrennt, dass nur noch eine winzige Minderheit im Besitz der Arbeitsmittel und die Masse der Menschen zur Dienstbarkeit gegenüber diesen Wenigen verurtheilt ist; er hat durch Konzentrirung der Arbeitsmittel in wenig Händen den Ertrag der Arbeit riesenhaft gesteigert und die Massen dem Elend geweiht; er hat im Namen des Eigenthums das Eigenthum der ungeheuren Mehrzahl des Volkes geraubt; er hat in seinem Heisshunger nach auszubeutender Arbeitskraft die Kinder und Frauen in die Fabrik geschleppt, die Familie aufgelöst, die Bevölkerung dermassen herumgewirbelt, dass die Völkerwanderungen zu Anfang der christlichen Aera eine Kleinigkeit sind gegen die grosse Völkerwanderung des Kapitalismus, der in Deutschland allein binnen der letzten drei Jahrzehnte mindestens 10 Millionen Menschen vom Lande in die Stadt getrieben hat, – der Völkerwanderung ins Ausland, die ebenfalls nach Millionen zählt, nicht zu erwähnen. Deutschland, das Ende der vierziger Jahre ein Ackerbaustaat war – im deutschen Bund wohnten 3/5, in Preussen allein 2/3 der Einwohner auf dem Lande – ist heute ein Industriestaat mit überwiegend städtischer Bevölkerung; und der kapitalistische Grossbetrieb, der damals blos in Rheinland-Westfalen zerstreute Anfänge zeigte – in den beiden anderen Industrie-Mittelpunkten Deutschlands, Sachsen und Schlesien, herrschte die Hausindustrie – hat heute in ganz Deutschland den bürgerlichen Kleinbetrieb überflügelt, überwunden, auf den Aussterbe-Etat gesetzt. Eine so ungeheure materielle Revolution musste selbstverständlich auch eine Revolution in den Geistern zur Folge haben. Die alten Stich- und Schlagworte verloren ihre Bedeutung, die alten Partei-Prinzipien verwischten sich – die alten Partei-Ideale verblassten. Das Bürgerthum wurde ein anderes.
Bis Ende der vierziger Jahre war das deutsche Bürgerthum, seit und soweit es zum politischen Leben erwacht war, liberal, demokratisch gewesen. Der Ausdruck „bürgerliche Freiheit" deckte sich mit dem Begriff der politischen Freiheit. Mit der Entwickelung des Kapitalismus tauchte aber aus der breiten Fläche des Bürgerthums eine Schicht empor, die, von ihrer Umgebung sich abhebend, schnell eine Welt für sich wurde, mit anderen Interessen, anderen Gesichtspunkten, anderen Zielen: das kapitalistische Grossbürgerthum, die Bourgeoisie. Es ist das ein Vorgang, der allen Kulturländern gemein ist, namentlich Deutschland und Frankreich. Die Bourgeoisie hat nichts mehr in sich von bürgerlichem Liberalismus und Idealismus. Sie hasst die bürgerliche Freiheit. Sie verleugnet die Jugendeseleien der grossen französischen Revolution, der Julirevolution, der Februar- und Märzrevolution. Die ökonomische Revolution, welche sie selbst herbeigeführt hat und der sie ihre Obmacht über Staat und Gesellschaft verdankt, hat.ihre politische Stellung völlig verschoben, und das kapitalistisch gewordene Bürgerthum auf Seiten der Reaktion gedrängt, das heisst der Elemente, welche die Staatsmacht zur Bekämpfung der für ihre politische und soziale Emanzipation kämpfenden neuen Volksschichten zu missbrauchen bemüht sind – auf Seiten derselben Reaktion, die das Bürgerthum, noch nicht kapitalistisch geworden, vor 50. Jahren als den Gottseibeiuns hasste und fürchtete. Der scheinbare Widerspruch erklärt sich sehr einfach. Damals war. das Bürgerthum selber die neue Volksschicht, die nach Emanzipation und politischer Macht strebte, heute hat das kapitalistisch gewordene Bürgerthum nicht blos die Macht im Staate, sondern thatsächlich auch die Herrschaft; und eine neue Bevölkerungsschicht, deren Interessen und Ziele denen des. kapitalistischen Bürgerthums schnurstracks zuwiderlaufen, ringt um ihre politische und soziale Emanzipation, – das Proletariat, dessen Gleichberechtigung das Ende des Kapitalismus ist.
So hat das Bürgerthum sich denn mit seinem Todfeind: dem Junker-, Polizei- und Militärstaat ausgesöhnt; es verzichtet auf die direkte politische Regierungsgewalt und begnügt sich mit der ökonomischen Herrschaft, welche ihm den Staat dienstbar und tributpflichtig macht, auch wenn er nominell von nicht bürgerlichen Elementen regiert wird. Was der Kapitalismus brauchte, das war eine starke Regierung, also das gerade Gegentheil der Demokratie – eine Regierung, die mit starker Faust die Feinde des Kapitalismus niederhielt und diesem die Gesammtmacht und den Gesammtreichthum des Staates zur Verfügung stellte – eine Regierung, die, als Agentin des Kapitalismus in jeder Hinsicht dessen Geschäfte besorgt und den Ansturm des Proletariats abwehrt, – mit anderen Worten: die Diktatur des Kapitalismus.
Diese Diktatur haben wir in Frankreich seit Dezember 1848, in Deutschland seit Herbst 1862. Dort verkörperte sie sich in Bonaparte, hier in Bismarck.
Während so auf der einen Seite die kapitalistische Entwickelung die politische Reaktion begünstigt und auf die äusserste Spitze treibt, entfesselt und schafft sie auf der anderen Seite durch die ökonomische Revolution Kräfte, die, von Tag zu Tag sich mehrend und stärkend, der politischen Reaktion ihre Stützen und den Boden abringen und, fussend auf der ökonomischen Revolution, die sozialpolitische Revolution vorbereiten, welche die der Verwirklichung des Sozialismus im Wege stehenden Hindernisse fortschwemmt.
Diese Elementarkraft ist die Arbeiterklasse, von deren Ausbeutung der Kapitalismus lebt, sind die mittleren Schichten der Bevölkerung: Kleinbürger, Kleinbauern, Handwerker, die der Kapitalismus durch die erdrückende Konkurrenz des Grossbetriebes eigenthums- und existenzlos macht und die, zusammen mit den Arbeitern, die stets anschwellende Armee des Proletariats bilden.
Und diese Armee, der die politisch reaktionäre, ökonomisch revolutionäre Thätigkeit des Kapitalismus, trotz aller Feindschaft, unablässig neue Rekruten zuführt, zuführen muss, organisirt sich unter dem Banner des internationalen Sozialismus in allen Ländern der Erde. Sie umfasst heute schon die gesammte denkende und klassenbewusste Arbeiterschaft, sowie die edelsten Elemente der bürgerlichen Klassen. Die inner-nationale „Frage" kann nicht mehr verwirren und Deutschland vom Weg ablenken. Nachdem der zweite Versuch, die Reichseinheit von unten herbeizuführen, im Jahre 1848/49 ebenso gescheitert war wie der erste Versuch zur Zeit des grossen Bauernkrieges im Jahre 1520, blieb nur noch die dynastische Lösung. Nach ekelhafter Katzbalgerei und widerlichster Mogelei mit dem Ausland haben die eisernen Würfel des Krieges und die Falschkarten der Diplomatie für die Hohenzollerndynastie gegen die Habsburger entschieden. Wer aber ist zufrieden? Und wer weiss heute nicht, dass hinter der politischen Frage die soziale Frage steht, sie alle überragend, verdunkelnd?
Man hat die heutige Zeit mit der vor Ausbruch der französischen Revolution verglichen, wo die wirtschaftliche Umgestaltung einer politischen Umgestaltung unwiderstehlich zudrängte. Wie damals die feudale, so ist heute die bürgerliche Gesellschaft in der Auflösung begriffen. Und die bürgerliche Gesellschaft ist noch in schreienderen Gegensatz zu den Interessen des Volkes gerathen. Die gesteigerte Produktivität der Arbeit bereichert nur Wenige, verhängt Armuth über die Massen; der Klassenkampf steigert sich von Tag zu. Tag; der Staat ist unter der Kuratel des Königs Stumm und muss seine Machtmittel dem Kapitalismus leihen. Alle Versuche der kapitalistischen Parteien, diese Zustände zu verewigen, scheitern an der Logik der Thatsachen, die immer grössere Massen ins Elend und in den Kampf gegen den Kapitalismus wirft. Wie die Zustände, äusi denen sie hervorgewachsen, ist die sozialistische Arbeiterpartei international. Für sie giebt es nur zwei Völker: die Unterdrücker und die Unterdrückten, die Ausbeuter und die Ausgebeuteten. In Deutschland ist die Sozialdemokratie trotz grausamster und brutalster Verfolgungen die Stärkste aller Parteien geworden – die Achse, um welche nach dem Eingeständniss des Kanzlers Caprivi das politische Leben des Reiches sich dreht – und stark genug, um auch einer Koalition der kapitalistischen Parteien siegreich die Stirn bieten zu können. Und wer die Kräfte hüben und drüben zu berechnen versteht, für den ist der Sieg der Sozialdemokratie das Facit eines Rechenexempels. Während die Sozialdemokratie wächst, in allen Ländern der Erde wächst und eine einzige grosse Armee bildet, verliert der Kapitalismus schon die Fähigkeit, das Joch der Ausbeutung den Arbeitern so fest aufzulegen, dass sie unter seiner Fuchtel für ihn arbeiten müssen. Die Riesenstreiks der englischen Kohlenarbeiter, neuerdings der englischen Maschinenbau-Arbeiter, durch welche Streiks und Lockouts zwei der wichtigsten Industriezweige auf längere Zeit zum Stillstand gebracht wurden, sind ebensoviele Beweise dafür, dass der Kapitalismus die Arbeit der menschlichen Gesellschaft nicht mehr auf lange zu leiten vermag, dass die Tage seiner Herrschaft gezählt sind. So glücklich wie die französische Bourgeoisie am Ende des vorigen Jahrhunderts ist freilich das Proletariat nicht – jene war die Trägerin des Wissens, der Wissenschaft und Kunst, als sie den Emanzipationskampf begann; dieses ist durch die ökonomische Sklaverei aus dem Tempel der Wissenschaft und Kunst ausgesperrt. Doch das Klassenbewustsein, das Bewustsein des ökonomischen und sozialen Unrechts und Elends und die Erkenntniss der Ursachen desselben lebt und wirkt in allen denkenden Arbeitern – und die Eisenfaust der Verhältnisse treibt sie zum Sieg und zerbricht die Waffen des Feindes. Wen Gott verderben will, den schlägt er mit Blindheit. Wie wahr dieser Spruch, das zeigt das Treiben der Gewalthaber von heute, die, von Fehlern zu Fehlern eilend, die einfachsten Fragen der Politik nicht erledigen können. Man denke nur an die Posse des europäischen Konzerts und an die babylonische Sprachenverwirrung in Oesterreich. „Es will nichts mehr gelingen."
Die Welt aber geht vorwärts.
Dem achtzehnten März von Berlin, der ein Sieg der Demokratie war, ist 23 Jahre nachher der achtzehnte März von Paris gefolgt, der ein Triumph, doch noch kein Sieg des Sozialismus war.
Dem achtzehnten März von Berlin und dem achtzehnten März von Paris wird ein neuer Völkerfrühling, der Menschheitsfrühling folgen, der das Werk des ersten krönen und dem Triumph des zweiten die Weihe des Sieges geben wird. Und keine Macht der Erde wird ihn aufhalten.
Die deutsche Sozialdemokratie erwartet ihn und bereitet ihn vor, indem sie sich vorbereitet.
Fußnote der Redaktion
1. Am 18. März d.J. verlässt Wilhelm Liebknecht das Gefängniss. Zu diesem Tage wird aus seiner Feder eine Festschrift Zum Jubeljahr der Märzrevolution erscheinen, die er im Auftrage des Parteivorstandes im vorigen Sommer verfasst hat. Durch das freundliche Entgegenkommen des Verlages (Buchhandlung Vorwärts, Berlin) sind wir in der Lage, den Schluss-Abschnitt der interessanten Schrift unseren Lesern hier bieten zu können.