
Rêves en désordre
Je rêve d’îlots rieurs et de criques ombragées
Je rêve de cités verdoyantes silencieuses la nuit
Je rêve de villages blancs bleues sans trachome
Je rêve de fleuves profonds sagement paresseux
Je rêve de protection pour les forêts convalescentes
Je rêve de sources annonciatrices de cerisaies ...
Soirée de soutien à la réalisation du film "Gilberte et William Sportisse ...", 1er décembre, 19h, Bistrot Père-Lachaise, 15 Boulevard de Ménilmontant, Paris
https://blogs.mediapart.fr/1078287/blog/291123/soiree-de-soutien-au-film-gilberte-william-sportisse
Homme politique connu (un des principaux dirigeants du Parti Communiste Algérien, condamné par le régime colonial, militant clandestin durant toute la guerre de libération, arrêté et torturé après le coup d'état militaire de 1965), Bachir Hadj Ali a également occupé une place importante en tant qu'homme de culture. D'abord par ses conférences et écrits sur la culture, notamment sur la poésie et la musique :
Culture nationale et révolution (1963). - Qu'est-ce qu'une musique nationale ? (1964). - El Anka et la tradition "chaâbi" (1979). - Le Mal de vivre et la volonté d'être dans la jeune poésie algérienne (1977). - Problèmes culturels de notre temps (1981). Il est également connu, même si c'est de façon plus tardive, pour sa poésie qui reste cependant assez peu diffusée même si des travaux universitaires lui ont été consacrés tant en France qu'en Algérie. Dans ses lettre à son épouse Safia (Lucette), la présence, la connaissance et la sensibilité à la musique est impressionnante.
BachirHadj Ali est un militant important, il négocie en 1956 avec Sadek Hadjerès, l'intégration à titre individuel dans l'Armée de libération nationale (ALN) des "Combattants de la libération", organisation militaire des communistes algériens, créée en 1954, dont il est responsable. Il prend alors la direction du Parti communiste algérien, comme secrétaire général..
Quelques poèmes de Bachir Hadj Ali
https://tipaza.typepad.fr/mon_weblog/2018/04/quelques-po%C3%A8mes-de-.html
Rêves en désordres
Je rêve d’îlots rieurs et de criques ombragées
Je rêve de cités verdoyantes silencieuses la nuit
Je rêve de villages blancs bleues sans trachome
Je rêve de fleuves profonds sagement paresseux
Je rêve de protection pour les forêts convalescentes
Je rêve de sources annonciatrices de cerisaies
Je rêve de vagues blondes éclaboussant les pylônes
Je rêve de derricks couleur de premier ami
Je rêve de dentelles langoureuses sur les pistes brûlées
Je rêve d’usines fuselées et de mains adroites
Je rêve de bibliothèques cosmiques au clair de lune
Je rêve de réfectoires fresques méditerranéennes
Je rêve de tuiles rouges au sommet du Chélia
je rêve de rideaux froncés aux vitres de mes tribus
Je rêve d’un commutateur ivoire par pièce
Je rêve d’une pièce claire par enfant
Je rêve d’une table transparente par famille
Je rêve d’une nappe fleurie par table
Je rêve de pouvoirs d’achat élégants
Je rêve de fiancées délivrées des transactions secrètes
Je rêve de couples harmonieusement accordés
Je rêve d’hommes équilibrés en présence de la femme
Je rêve de femmes à l’aise en présence de l’homme
Je rêve de danses rythmique sur les stades
Et de paysannes chaussées de cuir spectatrices
Je rêve de tournois géométriques inter-lycées
Je rêve de joutes oratoires entre les crêtes et les vallées
Je rêve de concerts l’été dans les jardins suspendus
Je rêve de marchés persans modernisés
Pour chacun selon se besoins
Je rêve de mon peuple valeureux cultivé bon
Je rêve de mon pays sans torture sans prisons
Je scrute de mes yeux myopes mes rêves dans ma prison.
Serment
Je jure sur la raison de ma fille attachée
Hurlant au passage des avions
Je jure sur la patience de ma mère
Dans l'attente de son enfant perdu dans l'exode
Je jure sur l'intelligence et la bonté d'Ali Boumendjel
Et le front large de Maurice Audin
Mes frères mes espoirs brisés en plein élan
Je jure sur les rêves généreux de Ben M'hidi et d'Inal
Je jure sur le silence de mes villages surpris
Ensevelis à l'aube sans larmes sans prières
Je jure sur les horizons élargis de mes rivages
A mesure que la plaie s'approfondit hérissée de lames
Je jure sur la sagesse des Moudjahidine maîtres de la nuit
Je jure sur la certitude du jour happée par la nuit transfigurée
Je jure sur les vagues déchaînées de mes tourments
Je jure sur la colère qui embellit nos femmes
Je jure sur l'amitié vécue les amours différées
Je jure sur la haine et la foi qui entretiennent la flamme
Que nous n'avons pas de haine contre le peuple français.
Alger, le 15 décembre 1960
(Chants pour le onze décembre, p. 23)
Nuits algériennes
La nuit, longue est la nuit
Les gens en tremblent
Le lion est détrôné
C'est le règne du chacal
(Paroles d'un prélude algérois)
Pincer sur une guitare
Khaït laoutar et chasser l'ennui
C'est facile mes frères
Utiliser sur le métier
Khaït men smaâ et rêver de pluie
C'est facile mes frères
Ceindre sur le front de la ville
Khaït errouh et l'espoir luit
C'est facile mes frères
Trancher au boussaadi
Khaït el ghord et tuer la nuit
C'est facile mes frères
Mais dire
La plainte du cèdre déraciné
Mais taire
Les mille souffrances de la chair
Quand les tenailles arrachent l'ongle
Ce n'est pas facile mes frères
O donnez-moi le souffle de Belkhaïr
Pour dire les nuits dénaturées
Pour dire les nuits algériennes
(Ecrit à Alger en 1961)
LETTRES A LUCETTE

Ce sont les lettres de prison de 1965-1966. Elles sont rassemblées dans une très belle édition avec les lettres illustrées de Bachir Hadj Ali, et cette reproduction du supplicié.
Cet ouvrage est l'un des plus beaux sur l'emprisonnement. Bachir El Hadj Ali y décrit pour sa femme par le menu son quotidien. On y voit son amour et sa connaissance de la musique, son travail intellectuel intensif, la genèse de ses poèmes. Et la vie quotidienne où William Sportisse y apparaît au détour d'une anecdote, d'une activité. Ces lettres témoignent de la profonde solidarité et connivence qui existe entre ces prisonniers politiques.
Au fur et à mesure les conditions de détention se durciront. Il y aura aussi la parution de L'arbitraire écrit avec Mohamed Hocine.
Ils entameront alors avec un grand courage une grève de la faim pour l'amélioration des conditions, l'information sur leur situation, les problèmes de communication avec leurs avocats, la suppression des visites dominicales, le statut de prisonniers politique, qui entraînera leur dispersion, la suppression des parloirs pendant des mois, des restriction importantes du courrier et l'isolement en prison et avec l'extérieur.

Agrandissement : Illustration 3

Quelques notations amusantes qui renseignent sur William en prison à Lambèse quand les conditions étaient encore "humaines"

Fausse discussion, vraie ironie sur la préparation du café du matin
"je me suis levé à sept heures trente. Gex nous a apporté le café que William prépare. Longue discussion, en plaisantant avec lui, pour le convaincre que la répartition des tâches était juste : William fait le café, Gex l'apporte à Mohamed et à moi, nous deux, nous le buvons. Gex estime que la répartition n'est pas équitable ... Toutes ces discussion étaient accompagnées de rires et de clin d’œil". Une telle discussion très amusante aussi mais où William n'est pas présent se déroule sur les méthodes pour faire la vaisselle ...
Corvée générale
William est aujourd'hui de corvée générale. Comme chaque fois, il astique à fond, lave, balaye : ça brille. On voit qu'il a l'habitude de la faire chez lui ...
Linge délicat
Gex est allongé à côté, William lave du linge "délicat", Jacques lit le journal, les autres sont dans le bâtiment. A tout à l'heure.
Foot
De dix-sept heures quarante-cinq à dix-huit heures, partie de foot avec Mourad et William sans forcer ...
Le bruit que tu entends dans la cour est celui du ballon shooté. William et Mourad s'exercent encore, l'un à faire le goal, l'autre à shooter.
Le yé-yé
Tout le monde trouve le chant de Ferrat très beau et le livre sur l'Espagne magnifique. Je te parle d'une façon décousue. Mourad est dans le couloir à distribuer ses kaâk (confiseries en forme de couronnes que je t'ai données) aux frères. William écoute une charge contre le yé-yé (très comique paraît-il).
Dominos
Dix-neuf heures. Je suis dans "la salle de travail" de nouveau. Je t'écrirai demain et chaque jour. Mohamed et William, à côté, font une partie de dominos...
A Lucette (Safia), comment naissent les poèmes
Je recopie au propre les poèmes d'amour et les travaille en même temps un peu. Je laisse pour l'essentiel le premier jet. Ils me plaisent, parce qu'ils me remuent. Ils te plairont, j'en suis certain. Ils seront prêts dans une quinzaine, définitivement élaborés. Ils racontent notre première rencontre il y a presque vingt ans, ma découverte, puis nos chemins différents, la nouvelle rencontre, notre amour, notre mariage.
A Lucette, il écrit cette si belle phrase
"Safia, des temps des épreuves et des temps des cerises."