Les communs
Aujourd’hui je vais vous parler du « commun » dans un sens que nous avons un peu oublié tellement nous sommes habités par la notion de « propriété privée » et tellement la plupart de nos actes s’effectuent aujourd’hui à partir d’elle. La propriété privée est une notion relativement récente dans l’histoire de l’humanité. Ce sont au contraire le fait d’oeuvrer en commun, de disposer ensemble de bien communs, de communaux, et de vivre en communauté qui ont longtemps primés et qui ont permis à la vie humaine de s’établir et de s’épanouir partout sur la planète. C’est ainsi que jusqu’à tout récemment, comme le savent de nombreux lecteurs, les communs avaient un rôle essentiel dans la vie villageoise. La terre, les bois et l’eau en particulier ont ainsi très longtemps été des biens communs dont la gestion équitable faisait l’objet de délibérations démocratiques régulières.
La propriété "privée"
Jusqu’à ce que la propriété privée ne s’empare de ces biens, parfois au prix de conflits féroces, produisant de la rareté et de la pauvreté au lieu de l'abondance et finissant par jeter des centaines de milliers de petits paysans sur les routes. Ces derniers venaient alors grossir les bidonvilles et les banlieues entourant les métropoles et fournir une main d’oeuvre captive et bon marché aux industriels… Et ce, depuis l’Angleterre de la fin du moyen-âge jusqu’aux pays du Sud à l’époque moderne. Les grandes entreprises et les grands propriétaires, continuent d’ailleurs toujours d’exproprier, encore aujourd’hui et comme autrefois, au moyen de promesses mensongères, de techniques juridiques iniques, d’intimidations physiques ou d’assassins stipendiés.
C’est au fond ce mouvement historique d’accaparement progressif des communs par une petite minorité de la population qui est à l’origine du capitalisme, de la fétichisation de la valeur et de toutes les destructions induites: cette crise à deux faces - écologique et sociale - dans laquelle la planète continue de s’enfoncer.
Le livre de Kohei Saito
Un livre vient nous en parler, d’une façon singulière. Il s’agit de « Moins !» de Kohei Saito, paru aux éditions du Seuil. C’est un livre facile d’accès, au ton amical et qui vous fait du bien. Un livre clair aussi et dont la perspective n’est ni ambiguë ni fumeuse mais assez radicale. C’est un livre riche, qui démontre avec simplicité pourquoi il faut réfuter les arguments et les projets politiques qui s’appuient sur les vieilles lunes du productivisme, de la performance et du toujours plus.
On s’étonnera que ce jeune auteur japonais se réclame aujourd’hui de Marx et vise un « communisme de décroissance » mais on comprendra mieux ce qu’il veut dire après qu’il nous ait exposé le cheminement de la réflexion théorique du « vieux » Marx, celui d’après « Le Capital ». Car Marx avait compris sur ses vieux jours l’incidence ravageuse du toujours plus de productivité sur l’environnement et les systèmes sociaux.
Les 4 options
Kohei Saito décrit ainsi les quatre options qui, selon lui, s’offrent à nos sociétés dans un tableau à quatre cases. La ligne du haut est celle d’un pouvoir central fort, celle du bas caractérisant les options à pouvoir central faible, tandis que la colonne de gauche désigne les sociétés visant à l’égalité là où celles qui sont classées à droite n’ont aucun état d’âme avec l’inégalité. Il en résulte que, face aux défis du changement climatique qui commence à bousculer la planète, la société pourrait, pour tenter d'y répondre, prendre les formes suivantes: en haut à droite le fascisme climatique, en haut à gauche le maoïsme climatique, en bas à droite la barbarie et en bas à gauche la société communiste de décroissance. Le choix, comme vous le voyez, est assez limité!…
Bien sûr, dans ce livre l’auteur prône l’action et l’engagement de chacun pour restaurer des espaces et des biens communs. Et indique quelques mouvements actuels qui oeuvrent activement et très consciemment dans ce sens.Il est simplement peut-être un peu dommage pour sa diffusion que ce livre ait pour titre « Moins » et que sa visée soit désignée par le terme de « communisme de décroissance ».
A lire !
Mais avant tout un livre que je recommande et qu’il faut lire, surtout si l’on n’est pas encore très familier des réflexions sociales, écologiques, économiques et politiques qui s’efforcent de tracer un avenir face à aux défis et aux menaces du changement climatique.