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Billet de blog 3 mars 2024

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2023 : Tourisme, retour au monde d'avant

Les comportements de mobilité touristique effrénée d'avant le covid reviennent au galop, et cela offense mon idéal de mobilité sociale, socialiste et durable.

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Au mois de janvier, l'Organisation mondiale du tourisme a annoncé dans un communiqué de presse qu'en 2023 le nombre d'arrivées touristiques internationales a atteint 88 % de son niveau de 2019 et devrait, en 2024, dépasser les niveaux qu'on observait avant la crise.


Ce nombre était passé de 600 millions en 2000 à 1,5 milliards en 2019 ; il avait explosé dans les années d'avant le covid, essentiellement à cause du transport aérien : non seulement le nombre de l'ensemble des arrivées touristiques s'orientait à la hausse, mais la proportion relative d'arrivées effectuées en avion augmentait. Ainsi, la part de l'avion y est passée de 46 % en 2006 à 58 % en 2018. Le train ne détient que des parts de marché marginales.


Or les chiffres de l'IATA (l'association internationale du transport aérien, qui regroupe les principales compagnies aériennes), montrent que le trafic aérien, lui aussi, a quasiment retrouvé son niveau d'avant la crise : sur l'ensemble de l'année dernière, le trafic aérien exprimé en voyageurs-kilomètres payants (RPK, dans le jargon) a atteint 94 % de son niveau de 2019, et 97 % pour le mois de décembre. Autant dire que le retour à la phase d'hyper croissance (et surtout d'hyper bougite) est en vue.


Ce qui espéraient autrement en seront pour leurs frais : les mœurs du monde d'après ressemblent beaucoup à celles du monde d'avant, d'autant plus que le nombre d'arrivées touristiques internationales dans l’Europe méditerranéenne, symbole des villes victimes du surtourisme aéroporté, a déjà dépassé le niveau de 2019, comme le trafic des aéroports espagnols...


Il ne s'agit pas ici de diaboliser l'avion ni les gens qui l'utilisent, juste de rappeler que ce moyen de transport est le moins durable pour un cumul de deux raisons : parce qu'il est le plus émissif au kilomètre parcouru, et parce qu'il permet de parcourir des distances très longues en un trait de temps ; il permet aussi d'enchaîner les destinations comme on change de chemise. Ryanair, Easyjet et consorts incitent le consommateur à enchaîner les destinations, comme Shein et Zara à changer de vêtement : elles instaurent un système de voyage jetable, pendant de la mode jetable dans le secteur de l'habillement.


Mais quid du tourisme lent, de proximité, du train de nuit, que le discours journalistique évoque à l'envi ? Alors je pratique moi-même ce mode de tourisme, mais tout en ayant conscience de ses limites : pour appréciables que soient ces alternatives, elles constituent davantage une niche de marché ;  bref, elles complètent le mode de tourisme dominant plus qu'elles ne le contestent, comme la mode durable le fait avec la mode jetable, ou les AMAP avec l'industrie agroalimentaire - dont elles sont un complément de gamme, selon l'heureuse formule que  L'Atelier paysan utilise, dans le livre Reprendre la Terre aux machines. La remise en cause systémique du tourisme par avion passe par des choix politiques eux-mêmes systémiques, plus que par des comportements individuels par ailleurs bienvenus.


D'un point de vue philosophique, cette frénésie de mobilité me porte à méditer la phrase de Blaise Pascal, selon laquelle... « tout le malheur des hommes vient de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre. »... il est vrai que cette bougite offense mon idéal de mobilité socialiste et durable, et me laisse même un sentiment d'absurdité... un vaste sujet, que je laisse aux philosophes.


Bien cordialement,

Vincent Doumayrou,
auteur de La Fracture ferroviaire, pourquoi le TGV ne sauvera pas le chemin de fer,
Préface de Georges Ribeill. Les Éditions de l'Atelier, Ivry-sur-Seine, 2007.
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Le communiqué de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT) qui devient "ONU Tourisme" :
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