Il s’agit d’un aller -retour quotidien ; au départ (vu de France), le train quitte la Gare de l’Est à 9 h 55, arrive à son terminus Berlin Ostbahnhof à 18 h 16. Dans l’autre sens, il quitte la Ostbahnhof à 11 h 41 et arrive à Paris à 19 h 59. Il dessert Strasbourg, Karlsruhe et Francfort (dans cette dernière ville, la Gare du Sud et non la gare principale, pour éviter le rebroussement dans cette dernière), à Berlin, outre son point de départ ou d’arrivée Berlin Ostbahnhof, il s’arrête à la gare principale et à la gare de Spandau.
Alors tout d’abord une réflexion plus géopolitique que ferroviaire : dans un contexte où l’amitié franco-allemande connaît quelques turbulences depuis quelques années, je ne cracherai pour ma part pas sur le symbole que représente ce train et, souhaitons-le, sur son succès et sa pérennité commerciale.
D'autant moins que le nombre de places offert, de l’ordre de 330 000 par an, est faible mais n’a rien de négligeable par rapport au trafic constaté entre les deux pays (en 2023, environ sept millions de passagers en avion et deux millions de passagers en train de longue distance).
Ce train correspond à un changement de braquet de la SNCF, qui constate que même sur des trajets assez longs, le train fait le plein de réservations, contrairement au discours selon lequel il serait hors marché au-delà de quatre heures de trajet... même si, par rapport à l’avion, il constituera sans doute davantage un complément de gamme qu’une concurrence frontale.
La liaison en question résulte d'une collaboration entre la SNCF et son homologue allemande la Deutsche Bahn, et non d'une exploitation en concurrence, dont le discours dominant souligne pourtant les vertus. Mais qui dit collaboration dit compromis : le train garde la marque ICE (Intercity Express), à savoir le terme générique qui désigne le matériel roulant à grande vitesse utilisé en Allemagne, équivalent des trois lettres du TGV. La DB a toujours refusé (à mon sens, à juste titre) la yaourtisation du train pratiquée par la SNCF, et son déluge de marques à la mode Thalys, Eurostar, Lyria, Ouigo, Inoui, j’en passe et des meilleures (voire des pires).
C'est pourquoi le train garde la marque ICE alors que sur la liaison entre Paris et Bruxelles, les trains à grande vitesse prennent la marque Eurostar et les trains classiques la marque Ouigo, la SNCB ayant accepté le marketing à la sauce des commerciaux SNCF, aussi indigeste soit-elle...
Pour revenir à Paris – Berlin, contrairement à ce que certains articles ont laissé entendre, le train se contente de circuler sur les lignes existantes, il est beaucoup plus rapide en France, LGV de bout en bout et absence d’arrêt entre Paris et Strasbourg oblige (tant pis pour Metz et Nancy…), alors qu'en Allemagne, malgré la suppression d'arrêts (il dessert seulement Karlsruhe et Francfort, dans ce dernier cas, il évite la gare centrale en terminus), il ne va pas plus vite que les ICE du service intérieur, qui pourtant desservent une huitaine d'arrêts à parcours identique, du fait de lignes non intégralement à grande vitesse : les trains empruntent tour à tour une ligne classique, une ligne classique aménagée et une ligne à grande vitesse. Cela permet une meilleure desserte, il est vrai au prix d’une ponctualité en dégradation très marquée...
Selon la formule consacrée, en Allemagne, l’ICE est un train classique accéléré, alors qu’en France, le TGV est un avion sur rail.
Pour cette raison, le matériel roulant ICE, spacieux avec notamment sa voiture restaurant, paraît mieux adapté à ce type de parcours d'une durée relativement longue que le TGV et son confort spartiate. Par rapport à l’avion, il s’agit d’un précieux argument pour les gens qui préfèrent voyager de manière plus confortable.
Enfin, pour rappel, la SNCF pratique le train fermé et la réservation obligatoire, alors que la Deutsche Bahn reste fidèle au principe dit du train ouvert où la réservation reste facultative. Pour cet ICE en particulier, le train est à réservation obligatoire entre la France et l’Allemagne, puis à réservation facultative pour les parcours effectués à l'intérieur de l'Allemagne.
C’est ainsi : même pour ce train exploité en collaboration, chaque entreprise nationale garde ses principes d’exploitation, chacune dans sa zone de compétence territoriale. Comme dit le proverbe, chacun son pré, les vaches seront bien gardées... ou selon la formule pascalienne, vérité au-delà des Pyrénées, erreur en deçà… une illustration de plus du fait que comme en matière de défense, l’unification de l’Europe ferroviaire peut attendre…
Vincent Doumayrou,
auteur de La Fracture ferroviaire, pourquoi le TGV ne sauvera pas le chemin de fer,
Préface de Georges Ribeill. Les Éditions de l'Atelier, Ivry-sur-Seine, 2007.
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