(ATTENTION ce texte est une fiction… toute éventuelle ressemblance avec des personnages réels étant cependant intentionnelle)
Partie 4 : dès 2024, la bascule avait commencé
A gauche, au printemps 2024, la plupart couinaient, pestaient, juraient, vomissaient, éructaient, déprimaient. Presque tous jugeaient les autres mouvements trop ou pas assez radicaux, les uns expliquant aux autres comment « eux » connaissaient mieux que les autres les « contours du peuple ».
Il y avait bien entendu une insatisfaction un peu partout, et en guise de « partage », l’intuition commune que la « main invisible du marché » était décidément ruineuse pour l’humain et les écosystèmes. En vérité, cette main, on se l’était tous bien pris dans la gueule. Sauf ceux qui la dirigeaient depuis les buildings et leurs mots d’ordre simplissimes: just do it, parce que je le vaux bien, venez comme vous êtes … des slogans des logos universellement réputés comme une pomme croquée ou les combinaisons de trois lettres derrière lesquelles s’amoncelaient bien des chiffres: LCL CIC BNP… ou LCI BFM RTL… Tu parles d’une main invisible. Les géants privés trônaient partout, des omniprésences devenues tellement « naturelles » qu’on les avait intégré comme des dominants… naturels.
« Naturel » aussi, l’usage des termes « controversés », « ambigus » pour désigner ceux qui nommaient un chat un chat et jugeaient la politique d’Israël monstrueuse. Transformer ça en antisémitisme n’était pas fait pour calmer les plus énervés d’entre nous. Dire que la juriste Rima Hassan justifiait un quelconque terrorisme n’était pas moins scandaleux que d’oser justifier même du bout des lèvres qu’il était normal d’assassiner 40000 personnes au nom de la lutte anti-terroriste. Une phrase a circulé, à l’époque, qui m’a un peu apaisé : « la colère est le messager protecteur de ce qui a de la valeur pour toi ». C’est en effet assez universel. On enrage quand on voit l’autre piétiner écraser détruire maltraiter mépriser ce qui a de la valeur pour soi…
Voilà donc pourquoi nous serons toujours en colère.
Juste avant la bascule, la plupart des politiques cherchaient obsessionnellement ce qui pourrait bien émerger de « populaire » dès lors que la NUPES semblait avoir sombrée corps et bien. On sait à présent que ce n’était pas tout à fait ça mais à l’époque… Comment atteindre la « masse critique » ? Comment créer un Nous puissant, suffisamment pour nous sortir de la tutelle de plus en plus agressive et décomplexée du Capital organisé ? Comment faire valoir une autre logique humaine que celle qui conduisait au « nettoyage social » pour permettre des JO bien propres ? Qui réussirait la synthèse et plus difficile encore, à incarner la synthèse ? « Il n’y a que Ruffin » disaient les uns ; « trop clivant, comme Mélenchon », contredisait d'autres, « c’est un Cyril Dion qu’il faudrait » . « Il faut quelqu’un de rassurant » assura un universitaire sur un plateau télé. « Vous voyez bien que c’est Glucksmann » balançaient ceux qui avaient les yeux braqués sur les scores des Européennes. « Ce sera Laurent Berger » paria un éditorial de Franc-tireur, journal classé à l’extrême centre tendance toujours du côté du manche. Tout le monde jetait des noms en pâture jusqu’à l’idée d’inciter Vincent Lindon à concourir. « Mais parlez donc de ceux et celles qui veulent y allez » titrait un article dénonçant la foire aux présidentiables en rappelant au passage l’illusion Delors (1) que seuls les sexagénaires gardaient en mémoire.
D’autres encore dénonçaient le « présidentialisme patriarcal » qui perdurait dans la plupart des esprits. L’activiste Camille Etienne plaidait l’insurrection avec des arguments bien pesés et invitait à l’avènement d’une société ni « tous pourris » ni « tous pour un »; il faut observer que de plus en plus de jeunes femmes combatives témoignaient non seulement qu’elles pouvaient parler aussi avantageusement à la tribune, mais avec cette radicalité et ce calme en même temps. Ce fut le fameux ton « radicalme » dont on ne réalise pas toujours combien il s’est propulsé loin de notre petit pays pour devenir un succès politico-philosophique planétaire. En novembre 2025, L’Institut Radicalme (IR) de Pekin a ouvert la même semaine que celui d’Islamabad et celui d’Oslo !
Quant au scénario Laurent Berger, il était porté par un petit cercle dans l'économie sociale et solidaires, qui pensaient non sans arguments, l'exigence d'une figure consensuelle, combative, qui ne méconnaîtrait pas non plus la réalité des puissances économiques face auxquelles nous nous trouvions. On sait aujourd’hui que tous avaient « un peu » raison. L’essentiel restait encore inimaginé, en particulier le fameux changement de ton. Après les Européennes de 2024, il n’y avait plus trop le choix.
Le bain culturel comportait à la fois à beaucoup d’hystérie et beaucoup de fatigue… l'absence de croyance que demain serait mieux qu’hier, le nihilisme grimpant partout à force d’habituer les gens à la catastrophe en cours, à coups de tsunamis économiques, d’intoxications massives et d’épidémies, d'élimination des forêts, de souillure des eaux, de trafic d’armes « au nom de la paix »...
L'émergence des altermédias est complexe à cerner, mais la plupart des observateurs considèrent qu'à elle seule, l’émission « Sur quoi on est d’accord » de Diogène et Alima, a beaucoup pesé dans l'évolution de l'humeur ambiante. Il suffit parfois d'une seule vraie résistance pour générer des effets insoupçonnables. La culture du clash vulgaire, portée aux nues avec maestria par les Hanouna, Praud et consort, avait connu une ascension rapide. La vitesse de sa chute donna l'impression qu'un éclair l'avait désintégré.
A contrario, le temps d’une construction excitante poussée par une « force tranquille » s’imposait, et l'on constatait que les graines avaient été semées bien des années auparavant. C'est le moment où le mythique grafitti QOSCSTIATV apparaissait un peu partout sur les murs du pays. Djamil le Schlag avait beau l'avoir inscrit en gros sur son tee shirt au moment de sa prise de fonction à la direction collégiale de Radio France, personne ne su ce que c'était. Cela ouvrait sur ces « installation lentes » le parachutage par drone des millions de petits papiers arrivant plusieurs mois plus tard et déchiffrant le fameux QOSCSTIATV : Quand on sait comment ça se termine, inutile d’y aller trop vite. C'est de là qu'est né le mouvement Semences, qui a bloqué une fois pour toutes les prétentions de Bayer-Monsanto.
Tout cela est assez bien identifié et cela n'empêche bien entendu, qu'il reste toutes sortes de petits et grand mystères…
Comment une ambiance si plombée a-t-elle pu laisser place au mouvement « bouffée d'R » entrainant des millions de jeunes comme si un logiciel les avaient entraîné comme un seul homme ? Que s’est-il passé psychologiquement pour qu’en si peu de temps, les Communistes français gagnent l'image de sincères défenseurs des communs et non plus comme les promoteurs d'une idéologie d'un autre âge quand ils n’étaient pas raillé comme la « gauche barbecue » …? Comment les « Insoumis » ont-ils saisi si brusquement la nécessité de changer de nom, réalisant qu’avec celui-ci, ils infériorisaient implicitement tous ceux et celles qui ne partageaient pas leur vision… ? Comment la CGT a-t-elle été conduite à soutenir une initiative issue du Parti socialiste qui a ensuite infusé dans tout le pays ? Comment la CFDT a commencé à chercher à travailler avec la Confédération paysanne et avec les Soulèvements de la terre ? Je n’ai qu’une toute petite partie des réponses, qui relèvent assurément d'une longue série de pas de côté, d’encouragements mutuels et de changements de posture. Pourquoi là ? Permettez-moi de donner ma langue au chat.
La liste des micro bifurcations, elle, est assez bien identifiable. La participation rigoureusement improbable d’une minorité de la Coordination rurale au village de la défense l’eau compte parmi ceux-là. Le fait d’agiter la possible candidature de Guillaume Meurice à la Présidentielle a joué dans le même sens. Une figure comme celle de Kamera Merovic doit aussi être incluse parmi ceux et celles qui ont fait levier au bon moment et à l’endroit où il fallait le faire, portant la « voix des quartier » avec brio et sans poujadisme. Je crois qu’on peut inscrire dans la chronique des événements, le moment où l'écrivain Nicolas Mathieu révélant sa liaison avec une princesse de Monaco fit d’abord beaucoup moquer, puis apporta une salutaire jonction avec le collectif des Riches pour la transition : les millionnaires américains qui avaient lancé le « taxez nous plus » commençaient à émettre depuis leur nouvelle Chaîne de l’information et des solidarités (Cids). D'étonnants et puissants relais faisaient jour. On se souvenait des Indiens du Chiapas qui , dès les années 90 avaient exprimé les choses de façon énigmatique mais expliquant peut-être leur longévité: « l’ennemi fait partie de la solution. » Il y avait de ça. Tout au moins, déjà, on commençait enfin à parler des affinités, de quelques grandes évidences vitales et à hiérarchiser les désaccords.
L'alliance, de Nantes à Saint-Nazaire des dockers et des universitaires est évidemment à inscrire au registre de ce qui a fait grandir la fameuse Caisse de résonance. (CDR) Quant à ceux qu’on a appelé la bande du Festival des idées, on sait qu’elle a démultiplé son rayonnement dès lors que les artistes du « Comedy club » les ont rejoint et qu'il devint clair pour tout le monde qu'on ne pouvait correctement penser sans rigoler. Le collectif Trop de sérieux tue en a procédé directement.
Djamel le Shlag et Naïm, Aymeric Lompret, le groupe IAM, les camarades de l'Après M à Marseille ou encore la jonction avec Kevin Vacher et la galaxie des réseaux cocagne, ont réussi, dans la foulée de Kaméra Merovic à faire entendre la voix des quartiers populaires et à surtout à donner le célèbre « coup de pieds à la sidération » qui fit la Une de Libé. Tout le monde n'a d'ailleurs pas toujours perçu la référence à D.H. Lawrence et Camus : le « grand coup de pied donné au malheur » s’est pourtant attaqué à beaucoup de petites et grandes résignations qui jusque-là, minimisaient ou invisibilisaient les élans d’entraides.
Il faut aussi intégrer à cette alchimie politique le fait que les partis politiques écolo-sociaux ont vite compris que la grande chaîne des énergies se devait bien entendu de rallier les étudiants, les 2 millions d’allocataires du RSA, les petits commerçants et de façon plus large, tous les « relégués de la République ». De même les réseaux Territoires zéro chômeurs ou les organisations du Pacte du pouvoir de vivre ont fait partie de la grande vague qui montait. Alain Damasio et ses amis, plutôt proches des ZAD et de l'autogestion libertaire, produisirent comme on sait le merveilleux appel pour la Res Publica qui fait aujourd’hui référence par sa clarté exemplaire et son lyrisme. Les mains sur terre, sans oublier le collectif comme un pas commun sont nés de ces alliances inédit entre artistes, activistes, mouvements de jeunes et syndicalistes.
Sur un autre versant, quand l’idée de convaincre Mélenchon d’accepter la présidence de l’Assemblée nationale constituante a germé, nous étions si peu nombreux à y apporter crédit que c’était devenu une blague... Et pourtant, quel changement de perspective et de climat psychique ! Créer une puissante dynamique citoyenne, c’était cesser radicalement d’inventer l’eau chaude ou le fil à couper le beurre. Il fallait apprendre mieux de nos erreurs, mettre des limites, mais également utiliser le principe du recyclage et de la transmission pour ne pas à chaque fois repartir de zéro. Un minimum de droit d’inventaire mais surtout, le recyclage devenant un des beaux-arts. Tout le monde se croyait obligé de se prononcer « avec ou sans Mélenchon ». Il fallait bien les deux pour que ça marche : sans lui comme lider maximo mais avec lui pour intégrer sa puissante expérience organisatrice et de ses capacités de formulation hors du commun. Les embrouilleurs professionnels ont eu beau l’accabler de tous les maux, on sait à présent qu’à part sa tonalité de perpétuel gueulard, 95% de ce qu’il exprimait était juste. Et surtout en phase avec la grande bascule de fin 2025/2026.
A gauche, nous étions un peu comme les pieuvres, qui sont dotés d’une prodigieuse intelligence mais incapables de transmettre aux nouveaux venus ce qui a marché et ce qui a échoué. Au lieu d’apprendre des expériences de 1871, de 1905, de 1917, de 1924, de 1936, de 1945, de 1968, de 1981, de 1995, ou même de 2005, les organisations qui prenaient le parti des ouvriers, des pauvres, des descendants d’esclaves ou des colonisés semblaient déterminées à prouver qu’il n’y avait rien avant eux. Et que c'est en s'en prenant à plus précaire que soi que l'on existait. De plus en plus fréquent, il y avait le sous-entendu que tous les autres étaient des abrutis ou tout simplement « n’existaient pas ». Le désormais célèbre syndrome du couloir de nage aboutissait à une brasse coulée collective qui revenait à se mettre collectivement à genou devant l’adversaire. Et cet adversaire était d’autant plus fort que l’on rejoignait les narrateurs qui s’auto-infériorisaient en s’adonnant au récit de sa propre gloire : « qu’est-ce qu’ils sont forts ».
En 2024, les Écologistes étaient encore totalement engoncés dans leur combat existentiel visant à faire grandir leur boutique. Comme les autres, ils ont rallié la dynamique peu après les élections européennes, non sans d’âpres discussion sur l’accord électoral et le pacte régissant la répartition financière dans la perspective des législatives de 2027. Il y avait tout de même ce jeu pervers, et jusque là quasi invisible pour le commun des mortels : l’intérêt des Partis était de promouvoir le plus de candidats possibles, puisque non seulement cela leur assurait de la visibilité mais également des revenus proportionnés au nombre de voix. L’accord financier pour 2027 prévoyait 3 scénarios, du plus pessimiste au plus optimiste. Dans les 3 cas, il valait mieux jouer l’alliance, y compris sur le plan strictement financier. C’est un des volets important que d'avoir réussi cette petite cuisine des partis, qui fut pensée avec une intelligence collective inédite depuis au moins 1981.
Quand tout le monde a compris ça, chacun a eu la possibilité non seulement de quitter l’auto-promotion de « son organisation », mais de pouvoir soutenir et énergiser toute une série de projets entrepris sur les territoires en mettant l’accent sur la richesse et la dynamique des alliances et non plus sur l’hégémonie. Comme chacun sait, à cette même période, l’association Attac a retrouvé le sens originel de ses fondations : instaurer une taxe sur les transactions financières, forger une « aide au citoyen ». Pas seulement faire de l'éducation populaire, mais réussir à instaurer la taxe pour de bon. Ce fut en soi une bonne louche de crédibilité apportée à la dynamique globale. Et des fonds.
Après la création des ciné-transfo (2) beaucoup se demandait comment réussir à faire venir les jeunes (y compris les syndicats étudiants et les militants de Bouffée d'R) Mais plus largement, tous les relégués ayant été éjecté comme "quantités négligeables" et qui, pour beaucoup, ne demandaient qu'à recevoir une formation politique. Il fallait leur prouver que cela servait à quelque chose, que les biens communs existent et qu’on allait obtenir des moyens très concrets dans la vie de tous les jours. Et pour tout cela, il fallait de l’argent. Les porteurs du projet « un milliard pour la transition » alimentaient l’exigence de trouver « les moyens de notre politique ». Et tout cela, là encore a généré l’énergie communicative caractéristique de la période. L'argent était une nécessité vitale... autant que réduire son importance dans la vie humaine. L'occupation des Bourses du travail du pays par le mouvement Argent Enrage est resté dans les mémoires.
La remise en cause de la place démesurée accordée aux économistes a commencé dans la foulée à s’étendre plus profondément dans les pratiques citoyennes. Ce sont Les déconomistes qui, main dans la main avec les économistes atterrés, ont pesé de tout leur poids, tous étant portés par le succès de leur ouvrage « comment, avec tout ce qu’on a dit comme conneries, on a fini par se convertir à la philo ».
On sembla redécouvrir que cette propension à tout compter, à tout transformer en coût/risque/bénéfice/marchandise n'était pas une fatalité et que la richesse de la vie n'avait qu'indirectement rapport avec le culte du profit... Le mouvement des rupins repentis (RuRe) a compté parmi les grandes émergences transformatrices avec leurs alliés américains, russes et surtout indiens.
Mais rien de tout cela n’aurait sans doute été décisif sans l’émergence très puissante de la notion de Communs sur le devant de la scène. Ce n’était pas seulement que le nouveau Parti communiste français en avait fait son cœur de métier. C’était porté partout. En particulier par la coordination de la mediAlternance.
Quand les Mutins de Pangée, Blast, Politis, Reporterre, Au Poste, le Monde diplomatique et Mediapart ont organisé les choses pour qu’enfin un canal audiovisuel non dédié aux intérêts du capital dépasse les audiences de Cnews et TF1 réunis, quelque chose avait commencé à changer pour de bon.
Et quand les amis d’Agir contre le chômage se sont entendus sur une stratégie avec le Secours Catholique et ATD-Quart-monde cela relevait du même élan anti-sectaire et pro-intérêt public.
C’est à peu près au même moment, à l'été 2026, que des milliers de municipalités ont mis à disposition des associations labellisées « Intérêt Général » (IG), des kilomètres carrés de locaux inoccupés, de terres cultivables, d’infrastructures publiques : c’est cela qui a permis cette extension formidable de l’agriculture et la promotion de l’autonomie alimentaire comme une des grande causes nationales.
C’est aussi cette mise à disposition d’espace qui a conduit plusieurs centaines de documentaristes et de journalistes de connecter leurs narrations, recouper les informations qualitatives et les transmettre plus largement. Faire vivre une information bio était autrement excitant que se contenter de contester le récit dominant. Le démon de la dispersion semblait baisser en intensité à mesure que la diversité cessait d’être une faiblesse et se donnait le souffle d’une force de vie. Personne ne se plaignait face à un jardin potager fort de mille couleurs et saveurs. Pourquoi se désespérait-on encore, en 2024, des 37 listes aux élections européennes? Parce que cela témoignait d'une incapacité de considération mutuelle et un impensé profond de l’intérêt général et de ce qui faisait du bien aux écosystèmes dans la durée.
Pour prendre la mesure de ce bol d’air, il faut garder à l’esprit comment, juste avant les élections Européennes, les grands médias et les leaders d’opinion promettaient l’évolution vers des sociétés encore plus dures, comment l’action de soumettre ou d’écraser les précaires n’était plus débattue que sur le degré de brutalité envisagé. Par les gens « sérieux » j’entends. Comme toujours, la puissance alternative allait provenir des marges. Mais des marges cette fois nourries du désir d’être entendues du plus grand nombre. Nous étions quelques semaines à peine après la mort de Sam. Le consumérisme nous enserrait comme religion dominante, pseudo-évidence dominante, confusionnisme abouti, presque parfait: un deepfake nous collant les yeux sur « ce qu’il fallait comprendre » pour entretenir l’illusion de l'infinité de la marchandise.
La « flemme » était flattée partout par les vendeurs de produits congelés et les services de livraison à domicile. Le gras était vendu partout en même temps que l'incitation à manger 5 fruits par jour, le moutonisme battait son plein. Être bien comme tout le monde dans l’extension du domaine de l’égoïsme morbide. Faire la queue le matin, prendre la route à la même heure le week-end, être dans la file en attendant d’entrer dans la boîte de nuit ou pour monter sur le télésiège tant qu’il y aura un peu de neige. Faire comme tout le monde, mimétiques… en tournant de plus en plus le dos à la conscience sociale et à ce qui alimente le vivant.
L’idée de cogner beaucoup plus fort sur ces feignasses de pauvres et ces étrangers islamisant était partagée du Nord au Sud et d’Est en Ouest. La guerre semblait sans fin. C’est dans ce contexte qu’est sorti l’Appel 20 091 fois plus fort. Quand on ne connait pas ou mal ces événements convergents, ce qui est mystérieux n’était pas le contenu de cet Appel, mais bien dans le succès qui lui fut réservé.
(1) Jacques Delors, (1925-2023) socialiste, plusieurs fois président de la Commission européenne. Donné favori comme candidat à la Présidence de la République, il annonça officiellement qu'il n'était pas candidat en 1994, soit un an avant l'élection de Jacques Chirac (la défaite au premier tour de Lionel Jospin et l'accès au second de Jean-Marie Le Pen)
(2) ciné-transfo : séances d'éducation populaire initiées sur tout les territoire par une alliance d'associations comportant Attac, Autour du premier mai, mais aussi la CGT, la CFDT et le mouvement étudiant Bouffées d'R
A suivre, la partie 5 : l’Appel 20091 plus fort, d’ici quelques jours