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Billet de blog 30 novembre 2025

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TOUT EST FOUTU, VOTEZ POUR MOI (ou d’autres ministères sont possibles)

Redouter le crash de l’avion en tant que passager a peu de chance de limiter les risques mais il vaut mieux que les pilotes ne soient pas trop craintifs au moment du décollage. Si la peur n'écarte pas le danger, elle connaît un succès inédit un peu partout. Un remarquable texte consacré à Zohran Mamdani (1) dans AOC suggère de nouveaux possibles.

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Les raisons d’avoir peur surabondent. Peur des différentes formes de terrorismes en activité ou peur de ces forces de l’ordre qui font parfois cruellement désordre. Peur des discours qui demandent de nous préparer à la guerre et des réalités du commerce d’armement. Peur de la surproduction et du frigo vide le 10 du mois… Peur du réchauffement climatique et des pénuries d’eau potable… On peut également redouter la montée visible du désir de brutalité avec les « pas comme nous », du projet de protection policière des riches et de la répression carcérale des pauvres. Un curieux spectre hante la planète, mêlant les brumes du ressentiment aux discours de renforcement militaire, l’angoisse de l’avenir, la sacralisation des “techniques” et fascination devant l'essor irrépressible des Intelligences artificielles. L’ensemble paraît tâtonner vers une hybridation du nationalisme et du nihilisme. Quand à la politique, elle apparaît de plus en plus réduite à des confiscations carriéristes du pouvoir au service des intérêts des plus fortunés, à des jeux de technocrates hors sol, ou encore à de purs rapports de force nauséabonds. 

A gauche, l’exposition de sous-groupes disparates inspire de sombres pronostics, de même que l’alternance d'inimitiés et d’invectives entre Mélenchophobes et Mélenchophiles. Après avoir plaidé pendant des années l'alliage des forces écolos-sociales, je ne cache pas vivre cette situation comme l'un de mes échecs personnels. Depuis des années, j'ai cherché toutes sortes de solutions pour réussir un pas de côté face au long glissement toujours plus à droite et l’observation des replis chacun sur son couloir de nage et je n’ai trouvé aujourd’hui qu’une bravade : imaginer ce que je ferais si j’avais l’énergie, la jeunesse et la fougue d’un Zohran Mamdani. 

Ayant en mémoire certains prises de position de Jean-Louis Trintignant ou de Jane Fonda, de Jean-Pierre Bacri, Jodie Foster, Gérard Philippe ou Jean Seberg, de Jeanne Moreau, Waly Dia ou Blanche Gardin, d'Emma Watson, Haroun ou Vincent Lindon, je rêve depuis un certain temps qu’un saltimbanque brigue l'élection suprême dans le pays. Au moins pour faire un.e porte-voix qui ose une autre tonalité. A la façon d’un Coluche mais avec des propositions politiques tenant compte des réalités de l'Etat moderne. Un élan généreux qui irait sensiblement plus loin que les formidables Resto du cœur, vers un équivalent du programme national de la résistance étendu à d’autres droits fondamentaux et vers une société du soin. Tiens, on pourrait appeler ça, le Programme national de la résilience... 

Faute de star déclarée pour l'heure, s’il y avait un.e intermittent.e du spectacle volontaire, je serais peut-être prêt à suivre. Quelqu’un qui ne craigne ni de monter à la tribune, ni de faire lien entre toutes sortes d’engagements façon Mamdani. Avec quelques camarades, nous allons lancer très prochainement une chaîne YouTube : Foutu Pour Foutu Votez Pour Moi. L'objectif sera d'effectuer un casting avec la plus grande des rigueurs en vue de déterminer des portes-paroles s’engageant à :

-mettre en avant toutes les idées qui pourraient vraiment atténuer les précarités, identifier toutes les sources qui rendent insécures.

-mettre en débat, au tout premier plan des enjeux de la République, la contradiction majeure qui nous conduit à ériger le travail en valeur suprême dans un pays qui a recensé 2 millions et demis de burn out en 2024 et comporte presque 8 millions de personnes inscrites à Pôle emploi.

-faire mieux connaître la longue liste de propositions émanant de la société civique (associations, syndicats et partis politiques inclus) en sortant ouvertement la tête des chiffres : partir de ce qu’il faudrait faire puis chercher les moyens et non déterminer l’objectif en fonction des outils disponibles. 

-élargir le principe des conventions citoyennes à toutes les grandes questions politiques et humaines du pays.

-porter un esprit libertaire égalitaire et fraternitaire, le moins sectaire possible.  

Ça y est, je vous devine fronçant les sourcils : par où ça commencerait ? Pour ma part, cela tient en une phrase : changer l’eau du bain culturel sans jeter les bébés de la République. A cette fin, voici le résultat d’une insomnie qui m'a conduit à imaginer quelques ministères pour un gouvernement, certes improbable, dont le but serait de nous extirper de l’impression nauséeuse que se dessinent aujourd'hui cinquante nuances de no-futur.

Il faudrait sans doute déjà un.e premier.e ministre dédié.e exclusivement au ressourcement des biens communs et des services publics qui vont avec. En résumé, une toute nouvelle République, bien fraîche, pour faire face à l’ébullition climatique.

Dans ce gouvernement, il y aura un ministère délégué à la sanction immédiate des élus dont les mensonges sont avérés.

Et puis

un Ministère de la transition agri-culturelle faisant de l’autonomie alimentaire l'un des tout premiers objectif de la République 

un Ministère de la réparation urbaine et de la résilience des sols, de l’air, des eaux et des forêts

un Ministère de l’éducation tout au long de la vie 

un Ministère de la sérénité nationale (avec option Yoga du rire et réflexions sur les limites nécessaires à la liberté pour qu'elle ne soit plus mitée par l'ultra-libéralisme)

un Ministère du redéploiement des industries vitales (et de la conversion des industries toxiques)

un Ministère de l'apprentissage de la démocratie et des règles de base

un Ministère de la dépense collective appropriée et de la réduction de l'avarice 

un Ministère du détour par les actes qui rapprochent de l'essentiel

un Ministère chargé de remplacer les machines par des humains partout où il faut juste avoir la compétence de savoir dire bonjour  

un Ministère du signal éthique et du fléchage pour ne pas se paumer dans les gares  

un Ministère des arts, des musées vivants, des compagnies théâtrales et des guinguettes fleuries

un Ministère des sports, des jeux et des contre-addictions 

un Ministère de l'identification des malaises et des ressorts psycho-sociaux qui conduisent à l’usage stupéfiant des narcotiques 

un Ministère du linge aux fenêtres et des promenades dans la mémoire

un Ministère des hôpitaux publics et de ce qui donne le moral 

un Ministère des stades de compétition et des activités pour en découdre pacifiquement 

un Ministère de l'information bio, du tri électif et du virage avant de se prendre l'iceberg 

un Ministère des dépollutions et des épiceries communales 

un Ministère pour payer le juste prix du travail et des ressources

un Ministère de la diversités des langues et de l’accès à un langage commun

un Ministère du développement des métiers du soin, de la psychiatrie à visage humain et de la compréhension des réalités carcérales 

un Ministère des transports publics et de l’art de prendre son temps 

un Ministère de l’amélioration du mix énergétique au service des besoins essentiels

un Ministère des composts et des recyclages

un Ministère de ceux et celles qui font de leur mieux 

un Ministère du ralentissement, de l’exploration géographique et des gens du voyage

un Ministère de la Planète et des arts de vivre

un ministère de l’extinction du gaz sous la cocotte minute

un Ministère de la réconciliation avec les Américains et les Russes 

un Ministère des attitudes radicalmes

un Ministère des zones humides, des abeilles et des territoires zéro chômage 

un Ministère de la liberté d'entreprendre et de la préservation de la sieste

un Ministère de l’inventivité sociale, de l'artisanat et des agoras cinématographiques 

un Ministère de l’accompagnement des vieux par les jeunes et des jeunes par les vieux

un Ministère chargé des dialogues entre les continents

un Ministère du désarmement et de la désescalade militaire mondiale

Je soupçonne une majorité d’entre vous de ne pas prendre tout cela très au sérieux. Parce que je vois combien sont de plus en plus méprisées ces petites choses de rien du tout que sont les idées, les utopies, les rêves, les désirs, la présence qui fait du bien, la réconciliation, la mémoire, l’entraide, l'art, l'amour, la gratuité. Tout cela ne pèse pas grand chose dans le PIB. 

Les grandes pollutions, elles, rapportent du cash, beaucoup, comme l'argent de la drogue ou de la guerre. Ce pourquoi, la "gestion" fidèle de l'économie "normale" et le culte de la croissance, professés par tant de gens sérieux est en réalité un étouffoir écologique et social et une machine de guerre qui nous emmènent droit vers l'obsolescence de l'humain(2), anticipée par Gunther Anders. Il se trouve que je vais prochainement parcourir la France à bord d'un petit vaisseau spatial, un film documentaire que j’ai réalisé avec mon père(3). Il se trouve qu'en sa mémoire j’irai colporter les grandes lignes de ce message utopico-pragmatique, en mémoire de ces toutes petites choses de rien du tout qui aident pas mal à vivre quand même. 

Si cela vous parle un peu, abonnez-vous donc à ce blog qui invite à tenter toutes sortes de connections, à minimiser nos différences et travailler à nous rassembler là où il est possible d'activer quelques leviers. Au mieux ça se passera moins mal que si c’était pire... Et foutu pour foutu autant s’y mettre, chacun.e à son échelle, avec en ligne de mire, l'imaginaire inventif d'un grand mouvement civique qui finirait par prendre un essor plus important que les tendances politiques actuelles qui soufflent dans les voiles du ressentiment, de l'ultra-compétition ou de la politique des boucs-émissaires. 

Vincent Glenn

(1)  Zohran Mamdani ou l’art du (new) deal : quand la cité nous délivre du peuple (par Nadia Marzouki). Dans l'AOC du 28 novembre se trouve un article remarquable conscré aux ressorts qui ont permis à Zohran Mamdani d’être élu maire de New York. En très résumé, sa faculté de s’adresser à tout le monde, croyants et incroyants, juifs, musulmans protestants et catholiques, à parler clairement du point de vue des précaires. L’article parle de rituels et de foi. Deux dimensions hautement difficile à intégrer au PIB mais probablement déterminantes pour quiconque voudrait éviter d' « essayer » le régime promis par Bardella, Ciotti et leurs amis. Cela implique une politique radicale de ré-humanisation là où les IA sont en passe d’apporter une vague de remplacement de l’humain qui s'annonce monstrueuse 

(2) L'obsolescence de l'homme, de Günther Anders, 1956, éditions L'encyclopédie des nuisances

(3) Dis pas de bêtises, en sortie nationale à partir du 26 novembre 2025, (soutien possible à la sortie et plus d'informations en cliquant ici)

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