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Billet de blog 31 janvier 2022

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Moi, je vote Jabichon

La primaire populaire ne m’a pas fait changer d’avis sur la Présidentielle. Mais elle m’a clairement fléché là où étaient les confusions et les divisions.

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Ne cherchez pas à m’en dissuader, je voterai Jabichon

Il y a ces derniers temps une faculté assez extraordinaire à tout mélanger en mode jus-de-camembert-tequila puis d’ajouter en rehaussant doctement ses lunettes … « c’est confus dites donc »... cela revient un peu à regarder un puzzle et de dire : c’est un peu morcelé non? 

Prenons Mélenchon se plaignant d’avoir été malgré lui associé à une primaire à laquelle il ne candidatait pas … mais cher Jean-Luc, c’est justement le principe même de cette primaire, extrêmement clair depuis le départ : ce sont les gens - tu sais, les gens - qui choisissent librement qui ils souhaiteraient avoir comme candidat. On pouvait dire Stéphane Bern, ou Mireille Mathieu s’ils se trouvaient un certain nombre de « parrains » pensant qu’ils incarnaient avantageusement la gauche écolo, il ou elle pouvait se retrouver dans la liste. Voilà comment Mélenchon et Jadot se sont retrouvés sur la liste, ce n’est pas confus, c’est simple. Pour une fois, les gens déterminent et proposent des leaders. Diable quelle effronterie ! Une proposition de citoyen-ne-s, en l’occurrence des jeunes militants que chaque candidat connaît bien, parce que cela fait plus d’un an que de façon très tenace, ces activistes de la Primaire populaire ont fait des va-et-vient entre toutes les formations, EELV, PS, PC, Insoumis inclus.

Quand on connaît l’histoire et qu’on sait comment le socle commun s’est forgé on rigole devant la tartufferie des candidats qui disent aujourd’hui « pas donné mon accord non mais ! ». Ou mieux, ça n’existe pas, ils ne sont rien. Donc, nous, à 467 000 inscrits, nous ne sommes rien. Bien reçu camarades. 

Prenons maintenant ceux qui yoyotent en parlant d’une « candidature de plus ». Genre, cette primaire va nous faire perdre nous la gauche… Sérieux… Mais vous ne voyez pas les frontières, que dis-je les miradors existant entre les présidentiables jusqu’ici ?

Depuis un an, les organisateurs de la Primaire populaire n’ont eu de cesse d'organiser des connexions, un programme intégrant les grandes idées de toutes les tendances, pour tenter l’impensable : une bataille où les différentes tendances deviennent alliées et complémentaires, font force et non candidature Caliméro sur le mode « c’est vraiment trop injuste ». 

Et voici que ce sont eux qui « ajoutent une candidature de plus ». L’échéance était portant ultra claire et annoncée très à l'avance. Est ce la faute des organisateurs si plusieurs candidats les ont gentiment envoyé balader sur l’air de « vous n’existez pas » ?!

L’enjeu de survie des appareils est indiscutable et non négligeable, cela se défend … mais ce sont bien les différents partis qui ont joué chacun pour sa peau, pas la Primaire populaire. Tous ont été invités, la plupart ont refusé préférant se lancer dans la compétition avec leur seule écurie sur le mode « vous verrez bien que c’est nous qu’on pèse le plus lourd ». Est-ce donc pour cela qu’il faut incriminer la Primaire et les candidats qui ont joué le jeu? 

Prenons à présent le thème de « l’absence de programme » … Chers camarades qui se gargarisent de « programmes de rupture » mais, si vous lisez bien, le socle commun est beaucoup plus clair à lui seul que tous les « nous on a le programmeu » que promeut chaque écurie adverse. La « rupture »? Parlons-en. Qui est prêt, aujourd’hui, à rompre vraiment, quotidiennement avec le productivisme et le consumérisme ambiant? Qui croit sérieusement que le grand capital va du jour au lendemain rendre grâce grâce à un « programme » ? Des rapports de force oui, à condition précisément d’être une force et non de petits clans qui font rigoler les mastodontes financiers. Des changement de vision, oui ça commence sans doute par là, et ce n’est pas forcément un catalogue de mesures techniques. 

La plupart de ceux qui méprisent avec leurs mots les plus sales l’initiative de la Primaire populaire veulent « un chef incontesté vite », « comme ça on va gagner » … Gagner quoi? Quelle victoire si aucune évolution culturelle sérieuse n’a lieu parce que vous vous arc-boutez sur cette fichue présidentielle? Quelle victoire quand, après avoir dénoncé Bolloré et ses soutiens ostentatoires à l’extrême droite, la plupart des élu-e-s du cinéma français iront dire merci sur la chaîne de Bolloré à la remise des César? 

Alors oui, camarades, à force de tout mélanger c’est sûr que c’est confus. À force de dénigrer, c’est sûr ça ne fait pas très envie. À force de remuer les poubelles, ça sent moyennement bon… Pourtant, la Primaire populaire, pour ceux qui ont fait l’effort de lire et de participer, a non pas « un programme » mais une vision très synthétique et orientée de ce que serait une rupture. Ce « socle commun » qui peut servir de base commune pour une authentique délibération dans tout le pays, qui pourrait voir germer des conventions citoyennes sur tous les grand sujets qui nous importent. 

Quant au « programme », il n’est rien sans individus crédibles pour l’appliquer et surtout sans un peuple lucide et déterminé à faire qu’il ait des répercussions dans la société : les 10 ruptures proposées dans le socle commun pourraient donner lieu non pas à une application aveugle d’un programme genre Matrix-faites-ce-que-dit-le-logiciel, mais au contraire de délibérer très largement, de documenter en profondeur en créant autant de conventions citoyennes que nécessaire1.

Dire que la Primaire ajoute de la confusion et de la division à ce stade, tandis que chacun a joué sa partition façon « j’existe et puis c’est tout si vous n’êtes pas d’accord dégagez », c’est ajouter un foutage de gueule extrême à l’aveuglement des partisans qui jouent à la grenouille-à-qui-il-manque-un-tout-petit-peu-pour-passer-dans-le-trou-de-souris et devenir aussi grosse que le bœuf. Non, camarades, il ne manque pas « quelques pour-cent » mais un vrai élan commun à des tas de gens dotés de sensibilités et d’histoires différentes.

Personnellement, je pense qu'en démocratie, le citoyen et non le client, est roi. Je n’ai donc pas besoin d’un chef suprême pour y participer. Ce n’est pas ça la démocratie, ce n’est pas un octroi des puissants. La démocratie qui m’emporte, m’excite, m’impose le respect et l’envie, c’est la mise en jeu de processus où les gens s’éduquent communiquent coopèrent co-décident et y compris, un certain nombre de fois, délèguent. Là, pour le moment, on ne délègue pas, on dégueule. On n’énergise ni ne renforce rien sinon le ressentiment. Enfin « on » … ceux et celles qui dégoisent sur le thème « la faute à Taubira cette inconsciente et ces foutus starteupeurs de la primaire. » Sérieux ?

Indéniablement, certains des activistes de la Primaire populaire ont emboîté les logiques de rapports de force comme de vrais politiques, « ah vous nous prenez pour des rien du tout eh bien on va jouer au bras de fer comme vous, et même on va vous emmerder comme dirait l’autre ». Pourtant, malgré son présidentialisme, (incontournable affirme la Sainte Rationalité) la primaire est exemplaire sur le plan d’une dynamique à côté, avec et malgré les partis. Elle fera vraisemblablement des petits au-dessus des aigreurs lovées dans les estomacs et les foies des partisans obtus qui pensent que les autres sont des crétins. 

Je ne crois pas que les partisans de Jadot de Mélenchon et de Taubira soient des crétins (ni évidemment que leur leader le soit) mais j’observe que leur degré de fermeture d’esprit et leur inclinaison à la défaite se dévoilent dans l’agressivité de leur propos et leur sarcasmes vide de drôlerie. Quelle pluie de boue, de mesquinerie, de gnagnagna, de tchat racistes, qui se disent de gauche, à gauche, toujours plus à gauche. La gauche redeviendra elle-même quand elle sera désirable, porteuse d’un espoir fort sans illusionnisme, qu’elle réunira comme le dit brillamment Patrick Viveret les héritages de Jean Jaurès, de Rosa Luxembourg, de Karl Marx, d'André Gorz, d’Edgar Morin et de bien d’autres. 

Quand je lis que la Primaire populaire - et donc Taubira cette grosse fautive d’exister - viendrait « ajouter à la division et la confusion à gauche»… je me demande : peut-on à ce point s’aveugler et décréter simultanément que l’on travaille à l’éclairage public ? 

Mais allons bon, ce sont des « starteupeurs », des petits bourgeois qui font voter avec une carte bleue… Vous n’allez quand même pas légitimer un machin pareil ? 

Eh ben si… Je déplore certes la société de l’omniprésence-carte bleue et de l’impossible excursion dans un bar ou une gare sans son smartphone. Mais si on veut déconstruire ça, il va falloir gagner des élections. Et pour gagner les élections il va falloir réunir bien au delà de 10% de la population. Et dire selon quelles alliances, sur quels fondamentaux partagés avec beaucoup d’autres. Voilà ce dont la Primaire populaire est coupable. Oser dire ça. Et proposer concrètement des objectifs communs.

Il n’y a à gauche aucune « confusion » juste une absence de crédibilité. Et peu de fraternité. Pour le moment, on explique la non crédibilité par l’inexistence d’un personnage dont la population puisse penser sérieusement qu’il ou elle est réalistement « présidentiable ». Il y en a plein mais trop peu de gens s’unissent pour dire que c’est elle ou c’est lui. 

La « confusion », c’est l’absence d’un accord clair et d’une vision clairement exprimée par un nombre conséquent de personnalités à gauche. Ceux qui mettent ça sur les épaules de la Primaire populaire confondent le remède et les causes, la solution et le problème. 

Que des centaines des milliers de personnes se soient mobilisées pour un socle commun tel qu’il est, n’est ni confus ni divisant sauf dans l’esprit qui refuse un état de fait : pour l’heure la gauche est distanciée, sociologiquement pas en phase avec la majorité des 66 millions de Français-e-s que nous sommes ; pas suffisamment motrice et mobilisatrice, pas suffisamment enthousiaste et enthousiasmante. Et ce ne sont ni les rodomontades de Melenchon aboyant chez Hanouna ni la campagne pour l’heure inaudible de Jadot qui y changent quelque chose à eux seuls, pas plus que leur ébouriffant et indiscutable « programme ».

Vous me direz « et Taubira plus? »

Moi je vote Jabichon. Je ne crois pas en cette Présidentielle. Je me trompe sans doute. Je crois en une synthèse intelligente et fraternelle des 3 tendances qui sont arrivées en tête de la primaire populaire. Et de leur possible victoire aux législatives. 

Oui, malgré le succès indéniable non seulement de la Primaire populaire mais également de Taubira elle même (qui a un style et un esprit très convaincants quels que soient ses détracteurs), je garde la même option depuis des mois : Laisser filer cette foutue Présidentielle et les millions d’euros dépensés en pure perte zizaniste pour me concentrer sur les Législatives qui arrivent 2 petits mois plus tard. 

Intégrer le meilleur des tendances Mélenchon-Jadot-Taubira, qui incarnent chacun une partie pertinente de l’histoire de la gauche et de l’écologie. Pointer les convergences inlassablement. Bref ce que continuent de tenter les militants de la Primaire populaire. 

Tout de même il faut que je dise ici mon plaisir, hier soir, lors du résultat de cette Primaire, d'avoir entendu autant de bon esprit : tous ces - jeunes - gens qui ont compris l’enjeu de faire force à la place de reproduire les impasses maladives des écuries qui ne comprennent pas qu’elles ne réuniront pas au delà de leurs soutiens déjà acquis. Qu’il ne faut pas « un programme de rupture » mais bifurquer là où c’est supérieurement viable et désirable, en n’ayant pas peur d’avoir des positions simplement et très clairement à gauche.

Je remercie vivement tous ces gens de ne pas s’être dégonflé devant les tombereaux de merde, de commentaires tous plus glauques et désolants  les uns que les autres qui leur ont été envoyé sur la gueule. (Il fallait lire les tchats en direct pour comprendre ce qu’il se passe et le déferlement de propos obscènes, haineux qui se disent de gauche tout en étant des incarnations du contraire à savoir une absolue intolérance fielleuse et dominatrice.)

Non, cette Primaire populaire n’était absolument pas rien, et elle va prochainement faire la preuve qu’il valait mieux compter avec elle plutôt que la snober avec des postures hautaines.

Que ceux qui n’ont jamais fait de connerie, ni été jeune et peu expérimenté, ni jamais eu envie de bousculer un jeu trop bien tracé (vers la défaite), leur jettent de nouvelles pierres de mépris. 

En tout cas, l’énergie est là, et le sens aussi : faire force pour la justice sociale et l’écologie. 

Je leur souhaite de transformer l’essai avec la même vitalité. Et si je ne crois pas à la victoire présidentielle de la gauche, je suis convaincu que tout ceci peut déclencher, en chaîne, dans la durée, une dynamique gagnante pour les législatives… Ou pour les élections qui suivront ces prochaines années. Cela tomberait bien, car je n’ai aucune passion pour cette élection monarchisante que tout le monde dénonce mais que tout le monde suit comme une horde de clébards se flairant le cul. 

Donc si les élections de juin venaient justement minimiser fortement l’élection du souverain j’en serais fichtrement réjoui. Tss tss Incontournable on vous dit. Présidence présidence présidence. 

Voilà pourquoi, je persiste et signe, et ferai campagne pour Jabichon. Cela me permettra peut-être de continuer de parler avec toutes les tendances existantes le moment venu. Quand certains se feront la gueule pour les 10 prochaines années à force de s’être toisé et humilié. 

Ainsi, quel que soit le résultat du 24 avril, j’envoie un grand bravo aux activistes de la Primaire populaire d’avoir permis ce commencement là. 

Je nous souhaite qu’après ces préliminaires populaires, nous réussissions à construire un maillage et un esprit par et entre des millions de personnes, à porter un chantier législatif clair et crédible, qui fera envie et sera jugé indispensable par une population remotivée. 

Voilà tout au moins un imaginaire moins déprimé ou aigre que la plupart des commentaires que j’entends depuis la « gauche ». Où es-tu ma chère gauche? Du côté de la chaleur humaine et de l’entraide. Elle existe, dans des actes vrais, je l'observe chaque jour derrière les fatalismes et les vagues de mauvais esprit. 

Hasta la victoria ! 

1Sur le modèle de la convention sur le climat, 100 personnes tirées au sort, éclairées par une pluralité d’experts, formulent des propositions qui deviennent une loi. Ce qui a manqué pour le climat, c’est un président honnête, un parlement courageux, ou les deux.

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