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Billet de blog 5 février 2016

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Quelques précisions à propos de mon portfolio «Visages du Front» publié sur Mediapart

Je suis Vincent Jarousseau. J’ai lu avec attention les nombreux commentaires qui ont suivi la publication de mon Portfolio « Visages du Front » sur Médiapart. Je tiens par ce billet à apporter quelques précisions sur le sens de ma démarche et répondre à certaines remarques et réactions que mon travail a suscitées.

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Bonjour,

Je suis Vincent Jarousseau. J’ai lu avec attention les nombreux commentaires qui ont suivi la publication de mon portfolio « Visages du Front » sur Médiapart. J'y ai même répondu dans un commentaire publié le 31 janvier à 17:06 (pour ceux qui veulent le retrouver). Je tiens par ce billet à apporter quelques précisions sur le sens de ma démarche et répondre à certaines remarques et réactions que mon travail a suscitées. 

Illustration 1
Nîmes, le 2 décembre 2015. Jeune militant pendant le meeting de Marine Le Pen, venue soutenir Louis Aliot aux régionales © Vincent Jarousseau | hanslucas

Depuis bientôt deux ans, j'ai entrepris un travail photographique sur le Front national, pour mieux le documenter et mieux comprendre sa progression électorale et culturelle. Les différentes enquêtes d'opinion me paraissent très imparfaites et tendent à enfermer les électeurs dans des cases, sans prendre en compte la fragilité de leurs positionnement idéologique. La réalité et les motivations de leur vote sont à mon sens plus complexes. 

Aussi, ai-je choisi de travailler sur trois territoires conquis lors des municipales de 2014 : Beaucaire, Hayange et Hénin-Beaumont. Avec l'historienne Valérie Igounet, nous rencontrons des électeurs, des militants et des élus dans ces trois villes. Au-delà de leur positionnement politique, nous nous intéressons à leur cadre de vie au contexte social et économique, à leur cheminement idéologique pour les plus impliqués.

Vous avez été plusieurs à me reprocher de photographier, je cite : « le sous-prolétariat », des « proies faciles » , en noir et blanc, le style factieux nazi des années 30, de stigmatiser voire mépriser « ceux qui votent mal ». Je ne partage pas la nature des termes employés dans ces remarques. Les électeurs ou militants du Front national présents dans ce portfolio ne sont pas, loin de là, tous issus des classes paupérisées. Dans les photos 2, 3, 13, 19 et 20, ce sont plutôt des personnes issues de classes moyennes et supérieures. 

Je réfute le terme « de proies ». Je suis engagé dans une démarche photographique et documentaire au long cours, et il ne m’est pas concevable de mépriser les personnes que je suis amenés à voir et photographier. Dans le cas contraire, il me serait impossible de mener à bien mon travail. Je ne fais que montrer une réalité brute. J'aurais pu très facilement caricaturer, notamment lors de la fête du cochon à Hayange ou dans certains meetings. Mais ce n’est pas le sens de ma démarche. 

Le choix du noir et blanc n'a rien d'extraordinaire en photographie. Quand je photographie la politique, mon obsession est justement de contourner l'hypercommunication qui nous est imposée par les états-majors. Le noir et blanc est justement un moyen d'atténuer la présence parfois envahissante du bleu-blanc-rouge et de se concentrer sur les regards et les attitudes des gens. C’est vrai pour le FN comme pour les autres partis. Quand je travaille pour la presse quotidienne, je suis contraint de travailler en couleur. Un travail d’auteur comme ce portfolio m’offre cette opportunité et je ne m’en prive pas. Et comme disait Henri Cartier-Bresson, « la couleur est une négation de toutes les valeurs plastiques : esthétisante, une vision édulcorée de la réalité ».

Dans un commentaire, il m’a été reproché « d’avoir truqué la dernière photo » de la série. J’avoue ne pas très bien comprendre le sens de cette observation. Cette photo a été prise quelques instants après l’annonce des résultats des élections régionales pour la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Nous étions au QG de campagne de Marine Le Pen. Je me retrouve face à ce groupe de cinq militants. Leur attitude et la déception, voire la colère rentrée qui se lie sur leurs visages contrastent avec les réactions de joie du 1er tour. Je les photographie avec leur accord, sans mise en scène particulière. 

Enfin, vous avez été plusieurs à vous adresser directement à moi par mail. J’ai systématiquement pris le temps de répondre individuellement à chacun d’entre-vous. Je n’ai pas cherché à convaincre mais à expliquer le sens de ma démarche.

Pour aller plus loin et saisir encore mieux le sens de mon propos, vous pouvez lire le roman-photo-documentaire publié avec Valérie Igounet dans le dernier numéro de la revue XXI et intitulé "A Hayange". Si vous êtes à Paris, le 16 février à 20h, je vous donne RDV à la librairie le Genre urbain dans le XXe arrondissement où nous présenterons ce travail, en présence du rédacteur en chef de la revue, Patrick de Saint-Exupéry.

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