On se doute bien de tout cela, mais jamais on ne le voit. En Irak, comme en Afghanistan ou ailleurs, la propagande militaire maquille, dissimule, travestit. Dans la meilleure des traditions, voici donc une bavure, un massacre, qui a échappé à la communication de l'armée américaine pour se retrouver sur Wikileaks.
Cela se passe en juillet 2007. Deux hélicoptères Apache de l'armée des Etats-Unis survolent la ville qui s'étire en banlieue, à l'est de Bagdad. Un groupe d'hommes déambule, sans menacer qui que ce soit, a priori. A bord, une voix dit avoir identifié une arme, puis une deuxième. «Nous avons 5 ou 6 individus avec des AK-47 (des fusils-mitrailleurs Kalachnikov) Nous demandons l'autorisation d'engager le combat» (il parlera aussi d'un «RPG», un lance-roquette). Sur cette simple base, le militaire obtient l'autorisation et ouvre le feu sur les «insurgés» avec des canons de 30 mm.
Après la première salve, des adultes et des enfants sans armes débarquent d'un mini-van pour transporter les blessés. Les militaires lancent une seconde attaque. Deux enfants seront blessés, une dizaine d'hommes vont mourir. Parmi eux, le journaliste (photographe) de l'agence Reuters Namir Noor-Eldeen et son chauffeur Saeed Chmagh. (La vidéo continue pendant une quarantaine de minutes, avec d'autres bavures et un mémorable «Look at those dead bastards. Nice», d'un tireur américain.)
Pendant des mois, Reuters a tenté en vain d'obtenir ce film, au nom du Freedom of Information Act. Les militaires ont toujours refusé de révéler les circonstances de la mort de ces personnes et l'armée américaine a conclu son enquête en déclarant que les actes des soldats avaient été accomplis «conformément aux lois des conflits armés» et de «règles d'engagement» des soldats.
Il y a moins d'un mois, Wikileaks avait révélé un autre document du Pentagone qui parlait de... Wikileaks. On pouvait y lire que «WikiLeaks.org représente une menace pour l'armée américaine, les opérations de sécurité et le contre-espionnage» et que le ministère de la défense américain devait mettre en œuvre tous les efforts possibles pour «protéger les opérations de sécurisation des lanceurs d'alertes» (whistleblowers).