«L'AFP n'est pas un service public quoi qu'elle ait à assumer des missions d'intérêt général; l'AFP n'est pas un établissement public quoi que sa propriété appartienne sans doute à la collectivité nationale; l'AFP n'est pas une société quoi qu'elle présente toutes les caractéristiques d'une entreprise à but lucratif». Dans un avis, le juriste Guy Carcassonne souligne l'extraterritorialité juridique de la doyenne des agences de presse. Il aurait pu y ajouter la particularité historique qui fait que les deux tiers de son conseil d'administration représentent aussi ses clients (presse et de la radiotélévision française), qui totalisent au mieux...8,5% de son chiffre d'affaire: clients et décideurs, les journaux tirent les prix vers le bas au point que l'agence gagne surtout de l'argent à l'étranger. Il aurait aussi pu souligner que plus de 40% de son budget (110 millions d'euros sur 270) est fourni par l'Etat. Une agence allemande, DDP, a d'ailleurs porté plainte pour distortion de concurrence devant la Commission européenne.
La donne pourrait pourtant changer en 2011. Le ministre de la culture et de la communication, Frédéric Mitterrand a annoncé une réforme du statut de l'agence (dit «statut de 1957») sous la forme d'une prochaine proposition de loi déposée soit par le député UMP Michel Herbillon soit par le sénateur UMP Jacques Legendre. Le nouveau PDG de l'AFP, Emmanuel Hoog, aimerait modifier le mode de gouvernement de l'agence en réformant le conseil d'administration pour y intégrer «des personnalités fortes du monde de l'université, du droit, de la presse, du social, du culturel, y compris y introduire un ou deux étrangers qui sont des références du numérique, de l'internet ou un ancien secrétaire général de l'ONU».
En outre, il entend changer la donne «changer le type de relations économiques que l'AFP entretien avec l'Etat» en pérénisant l'aide de l'Etat en échange d'un contrat d'objectifs qui fixerait les obligations de l'agence:
- Rechercher, produire et diffuser, sur tout support et sous toute forme, à titre onéreux, tant en France qu'à l'étranger, les éléments d'une information nationale et internationale complète, exacte et objective;
- Assurer une production diversifiée couvrant tous les sujets nécessaires au débat démocratique, à la connaissance, à l'économie, à la culture, au sport;
- Mettre sans interruption cette information à la disposition de ses clients simultanément et dans les meilleurs délais;
- S'adapter aux mutations techniques en embrassant tous types de médias existants ou futurs: textes, images fixes et animées, sons;
- Contribuer au rayonnement de la langue française dans lemonde en assurant une présence permanente de sa rédaction à l'étranger et en produisant en français et autres langues d'intérêt régional et mondial.
Concrètement, ces principes opposables se découpent en «14 chantiers prioritaires» allant du développement de marchés (renforcement en Afrique et dans le monde arabe, développement des marchés indien et brésilien), de supports (le multimédia qui représente 37% du chiffre d'affaires 2010) ou de communication selon deux études TNS-Sofrès, 32% des sondés seulement disent «bien connaître» l'activité de l'agence).
Dans son plan à dix ans, présenté en comité d'entreprise le 16 décembre, la direction de l'agence décrit également «quatre espace à réinventer, à conquérir»:la marque AFP, la vidéo, la mobilité et Internet.
- La marque
- La vidéo
- La mobilité
- Internet
Selon le document, «20 à 30% des contenus textes de l'AFP seraient présent sur le Web sans autorisation». Or, constate-t-il: «les portails nouent des relations comerciales avec les éditeurs et ceux-ci incluent généralement les contenus des agences dont l'AFP dans leur accords, sans autorisation, sans crédit et sans revenus additionnels pour l'agence». Il s'agit donc pour l'AFP de «lutter contre le piratage» en identifiant les contenus (photos, textes) qui pourraient trouver leur origine dans la production de l'agence pour amener l'entreprise utilisatrice à payer son dû.
Curieusement, c'est l'analyse faite par un concurrent, le PDG de Reuters, qui guide la stratégie de l'AFP: «Depuis l'invention du web social, il y a dix ans, il est difficile de séparer le B2B du B2C. En fait, toute l'innovation vient désormais du marché grand public et influence en retour les produits pour professionnels. C'est donc très important pour nous de ne pas séparer les deux. Nous faisons des produits grand public pour le rayonnement de la marque Reuters, tout d'abord, mais aussi parce qu'on y gagne de l'argent et enfin, parce qu'il faut être innovateur avec les nouvelles technologies», avait déclaré Thomas Glocer au Figaro.Emmanuel Hoog, au Monde, avait indiqué clairement qu'il ne souhaitait n'être qu'un grossiste de l'information: «Nous devons sortir d'un système strict où les agences vendent des contenus aux journaux, qui les vendent au grand public. Cette histoire de pré carré témoigne d'une vision malthusienne des choses, alors que la consommation d'informations dans le monde connaît une croissance exponentielle.» Aussitôt, les syndicats patronaux de la presse ont dénoncé une «concurrence directe» de l'AFP avec ses clients. Francis Morel, président du SPQN avait notamment estimé que l'agence «ne peut pas à la fois être dans une mission de service public et recevoir des financements publics et venir concurrencer des opérateurs privés».