Samedi 7 avril, par l'AFP, on apprenait la mise en examen de Sébastien de Montessus, l'ancien directeur des Mines d'Areva, pour corruption d'agent public étranger, corruption privée et abus de confiance. Ce volet semble toucher les opérations namibiennes, et en particulier le développement de l'usine de déssalement de Swakopmund - projet périphérique au gisement fantôme de Trekkopje - , dans laquelle Areva a englouti quelques centaines de millions d'euros en presque pure perte, conduisant le naufrage final UraMin à 3,1 milliards d'euros. Final ? Orano conserve ces projets sur les bras. Combien d'ailleurs coûte annuellement la poursuite de la maintenance et de la sécurité du gisement de Trekkopje ?
Sébastien de Montessus semble rattrapé par la facette australe de cette affaire tentaculaire, avec notamment pour corollaire le mystère du Cape Arrow, ce yacht à 7,5 millions dont personne ne connaît le propriétaire. Mediapart et Yann Philippin avaient en janvier 2016 levé de premières pistes qui échouaient à Dublin, passant par Dubaï, Panama, les Îles Vierges Britanniques, toutes places internationales de grande transparence. Dans l'affaire du Cape Arrow, on retrouve le partenaire d'Areva en Namibie, le lobbyste Haddis Tilahun qui a perçu en 2010 3,4 millions d'euros d'honoraires - rien de moins - pour assurer le "développement" de l'usine de déssalement. Tilahun, millionnaire-militant de la Swapo, le parti au pouvoir namibien, conduit à l'actuel chef d'état, Hage Geingob, qui a reconnu avoir touché en tant que consultant 3 millions de dollars namibiens (200.000 euros) pour "fluidifier" l'acquisition du gisement de Trekkopje par Areva. Côté Geingob, l'affaire est entendue, ce dernier ayant même confié en juin 2015 aux journalistes du Namibian avoir remboursé 2 des 3 millions de dollars namibiens. À qui du reste ?
Même si on est ici très loin des sommets de corruption présumée touchant un autre président d'Afrique Australe dans l'affaire UraMin (470 millions de dollars ?), Hage Geingob est le premier chef d'état à être impacté par le travail de la justice. Cette piste namibienne n'est pas que symbolique, elle permet aussi d'explorer les territoires de la corruption ordinaire dans cette partie du continent. On retrouvera auprès de Tilahun et Geingob certaines des silhouettes proches du pouvoir sud-africain ayant joué un rôle majeur dans UraMin.
Le grand intérêt du dossier UraMin, c'est qu'il concerne une vingtaine, voire plus, de pays, de la Chine au Canada, en passant par le Kazakhstan, une demi-douzaine de pays africains, la place financière de Londres et évidemment la litanie des paradis fiscaux, de Guernesey à Monaco, passant par les Bermudes, Les Îles Vierges Britanniques et autres fantaisies du genre. La partie namibienne ne représente en rien un détail. Elle au coeur de cette toile gigantesque.
Enfin, l'AFP nous apprend selon ses sources que Daniel Wouters, l'un des hommes clés de la transaction de 2007, aurait été placé en garde à vue cette semaine. À ma connaissance, il s'agirait alors de la première garde à vue dans la procédure UraMin, signifiant ainsi une accélération significative des investigations. Un soulagement pour les témoins, les lanceurs d'alerte, car le mot d'"impunis" souvent revenait en boucle ces dernières semaines, nous laissant à tous un goût d'amertume.
Je réécoutais, comme beaucoup ces dernières heures, Jacques Higelin. Et des paroles m'ont sauté à la gueule, résumant finalement mon sentiment profond sur ce dossier.
Soudain les arbres frissonnent
Car Lucifer en personne
Fait une courte apparition
L'air tellement accablé
Qu'on lui donnerait volontiers
Le bon Dieu sans confession
S'il ne laissait malicieux
Courir le bout de sa queue
Devant ses yeux maléfiques
Et ne se dressait d'un bond
Dans un concert de jurons
Disant d'un ton pathétique
Que les damnés obscènes cyniques et corrompus
Fassent griefs de leur peine à ceux qu'ils ont élus
Car devant tant de problèmes
Et de malentendus
Les dieux et les diables en sont venus à douter d'eux-mêmes
Dédain suprême
Car UraMin, c'est encore, Champagne pour les uns, Caviar pour les autres.