Un contexte bouleversé
Nous vivons une période inédite et tout le monde s’accorde à penser que l’après-crise ne sera pas un retour à l’avant Coronavirus. Entreprises et individus vont être amenés à repenser leurs façons de travailler, qu’il s’agisse de la localisation des usines ou de celle, à distance, de certains collaborateurs.
Suspect aux yeux de certaines entreprises, bien implanté ailleurs, le télétravail avait déjà considérablement progressé lors des grèves de décembre 2019. La crise du COVID-19 le justifie et l’implante définitivement partout où il peut se mettre en place.
Les premiers retours d’expériences révèlent de nombreux avantages : plus de perte de temps dans les transports, meilleure concentration… Ils mettent également en lumière certains inconvénients : tout le monde ne dispose pas de la quiétude et de la place souhaitée, d’autres constatent paradoxalement une intensification de la demande et de la charge de travail, certains sont plus isolés que jamais.
Le télétravail, recette miracle ?
Le télétravailleur ne « perd plus de temps » à la machine à café ou en conversation de couloir. Il n’est plus « interrompu dans son travail » par le débarquement inopiné de son boss ou par les questions incessantes de collègues, quoique….
La réunion virtuelle, cela fonctionne bien, et d’autant mieux que les équipes se connaissent pour avoir eu l’habitude de travailler ensemble dans le monde d’avant. Certains trouvent même que les réunions sont plus efficaces qu’auparavant, parce qu’elles font l’objet de moins d’apartés ou de digressions. Les technologies collaboratives permettent de travailler par petits groupes sur des documents partagés. A priori, nous sommes dans le gagnant - gagnant.
Tout se passe un peu comme après la mise en place du lean management : les temps morts disparaissent, l’efficacité semble en bénéficier.
En théorie. Car dans la réalité, et comme après la mise en place trop zélée d’un lean management, des premiers signaux délétères apparaissent : « je travaille en continu de 8h à 21h », « mon boss m’appelle 5 fois par jour », « et dans le même temps, les RH nous envoient des messages nous invitant à nous ménager ». Nous serons donc amenés à repenser la journée de télétravail comme autre chose qu’une journée normale de travail, à distance.
De nouveau risques psychosociaux
En premier se pose la question de la disponibilité du télétravailleur-parent dont les enfants sont présents au domicile et des difficultés de tous ordres qui en résultent. Et ce n’est pas tout : « Je passe plusieurs heures par jour le casque sur les oreilles, elles sont enflammées, je n’en peux plus ». « J’ai encore plus mal au dos que d’habitude ». Le télétravailleur, recroquevillé sur son ordinateur portable, installé comme il le peut, sur la table de sa cuisine ou sur son canapé, sans la moindre vigilance ergonomique, s’expose à de nouveaux TMS (Troubles Musculo-Squelettiques). L’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des conditions de Travail) s’est depuis longtemps emparée du sujet, elle ne manquera sans doute pas d’actualiser ses recommandations en la matière.
De même qu'il faut de la discipline pour se concentrer sur son travail lorsqu'on est à la maison, il en faut pour s'en détacher à intervalles réguliers, faire des pauses, commencer et s’arrêter à des heures décentes. Les gains de temps professionnels (transport, moins d’interruptions) ne doivent pas engendrer une réduction de la qualité de vie au travail.
Travailler 25 à 30 heures par semaine
Cela va poser de nouvelles exigences sur le management et sur l’entreprise, toujours obligés par le devoir de santé et de sécurité au travail. Le télétravail va demander une nouvelle approche du travail au quotidien, pour prévenir les risques psychosociaux qui guettent le travailleur à distance, pour concilier finement vie professionnelle et vie personnelle, quelle que soit la nature de son cercle familial. De nouveaux standards sont appelés à émerger.
Citons au minimum :
- Un lieu et une position de travail appropriés, dont l’aménagement devra être matériellement et/ou financièrement soutenu par l’entreprise.
- Une organisation journalière de télétravail adaptée, limitée à 5 ou 6 heures par jour, entrecoupée de pauses tous les ¾ h ou toutes les heures. Eh oui, 25 à 30 heures par semaine ! Certains vont en faire une jaunisse alors que d’autres réaliseront qu’on est surement plus performant en 5 x 1 heure au calme qu’en 8 heures sur site émaillées de coupures incessantes et bordées de deux fois une heure de transport.
- Une présence régulière sur le site de l’entreprise.
Pour en débattre… à distance !