Il y a trois cents ans, à peu près à l'heure où j'écris ces quelques lignes, s'éteignait à Versailles Louis XIV dont la légende en a fait "le Roi-Soleil", tant son interminable règne illumine encore le rêve français de grandeur et de splendeur historiques.
Une magnificence réalisée avec la construction du château de Versailles, qui amputa le trésor public de 25% de son budget et qui fit périr un peu plus de dix mille ouvriers.
Mais il n'est donc pas surprenant que le général de Gaulle, souverain démocratique ayant "une certaine idée de la France", ait souhaité que l'ORTF consacrât l'une de ses soirées à l'évocation de son illustre prédécesseur.
C'est ainsi qu'en 1966, le directeur de la télévision de l'époque, Claude Contamine me demanda de réflechir à la question puisque nous avions déjà, en 1965, produit deux téléfilms documentaires sur "La Fronde" que la critique avait appréciés.*
Partant du livre de Philippe Erlanger, je demandais à Jean Gruault d'écrire un premier scénario et, sur les conseils de Pierre Kast**, nous proposâmes ce chantier à Roberto Rosselini, qui était à Paris pour trouver le financement de son prochain film ; le grand cinéaste italien sauta sur l'occasion et accepta de se lancer dans l'aventure, avec son scénariste du moment, Jean-Dominique de la Rochefoucauld.
Ce fut donc "La prise du pouvoir par Louis XIV", téléfilm devenu film de cinéma, qui ne fait pas partie de la collection "Présence du passé" mais qui lui est redevable.
Articulé après la mort de Mazarin sur les premières années du règne, cette oeuvre a le mérite d'analyser le processus autocratique d'un souverain, qui sera dans l'obligation de règner à titre personnel, en dépit de la vaine agitation d'une aristocratie dont le seul souci était de maintenir ses privilèges.
Le choix du comédien Jean-Marie Patte pour incarner "le Roi-Soleil" fit couler beaucoup d'encre ; mais on ne peut qu'approuver le souci de vérité de ce grand réalisateur, qui avait participé à la superbe floraison du néo-réalisme italien des années cinquante.
Il semblerait que le Président de Gaulle, hormis la chasse à courre, n'ait pas vraiment aimé ce film ...!
Sans doute aurait-il préféré les roucoulades de Stéphane Bern.
L'autocratie ne se donne pas en spectacle.
* écrits par Bernard Revon (à partir des mémoires du Cardinal de Retz) ; réalisés par Claude de Givray.
** il était en train de préparer son triptyque "La naissance de l'empire romain" pour la collection "Présence du passé".