Chaque année, le concert du nouvel an à Vienne, retransmis en eurovision, se termine invariablement par cette "marche de Radetzky". Une composition de Johann Strauss en hommage au Maréchal Joseph Radetzky, qui fut l'un des bourreaux du "printemps des peuples" en 1848, en tant que commandant en chef de l'armée de l'empire austro-hongrois. Curieuse manière de souhaiter la bonne année !
De plus, cette marche militaire évoque pour moi un souvenir d'enfance qui est resté gravé à jamais dans ma mémoire : le kiosque de la place du Président Wilson à Dijon où la musique de la Wehrmacht se produisait en 1942 afin d'égayer les occupés.
Mais le choix de cette musique ne me semble pas fortuit. A voir les mines satisfaites et réjouies du gratin de la bourgeoisie viennoise qui assistait au concert, il n'était pas interdit de penser que nous avions là un modèle de cette Europe bienpensante que le capitalisme libéral veut construire, malgré la crise, et probablement au détriment des peuples défavorisés. Une Europe du fric, propre et confite en égoïsme.
Certes on aurait pu choisir Beethoven ou Mozart...mais la tradition est immergée dans le "Danube bleu" !
Cela me rappelle un texte peu connu de Karl Marx qu'il me plait de citer : "Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas de plein gré, dans des circonstances librement choisies ; celles-ci, ils les trouvent au contraire toutes faites, données, héritage du passé. La tradition de toutes les générations mortes pèse comme un cauchemar sur le cerveau des vivants. Et au moment précis où ils semblent occupés à se transformer eux-mêmes et à bouleverser la réalité, à créer l'absolument nouveau, c'est justement à ces époques de crise révolutionnaire qu'ils évoquent anxieusement et appellent à leur rescousse les mânes des ancêtres, qu'ils leur empruntent noms, mots d'ordre, costumes, afin de jouer la nouvelle pièce historique sous cet antique et vénérable travestissement et avec ce langage d'emprunt."
Et l'auteur du "Capital" ajoute : "Les révolutions bourgeoises comme celles du XVIIIe siècle, s'élancent toujours plus rapidement de succès en succès, leurs effets dramatiques se surpassent, hommes et femmes semblent enchassés dans des diamants de feu, chaque jour l'esprit est en extase : mais leur vie est éphémère, leur point culminant est bientôt atteint, et la société est prise d'un long mal aux cheveux avant d'apprendre, une fois dessoûlée, à assimiler les résultats de son Sturm und Drang."
Maréchal Radetzy, nous voilà ! Votre "marche" pourrait bien être l'hymne de cette Europe libérale, la Merkhollande...