"Libérée, la parole des femmes a permis de prendre conscience de l'ampleur des violences ou du harcèlement qu'elles subissent au quotidien. Comment expliquer cette prolifération de comportements sexistes alors que les pratiques sexuelles ont, elles, évolué vers plus d'égalité entre les partenaires au cours de ces dernières décennies ?"
C'est ainsi que Michel Bozon introduit sa réflexion sur les "transformations de la sexualité, permanence du sexisme" à un moment où l'actualité est riche en faits divers ayant pour sujets les violences, parfois mortelles, que subissent les femmes.
S'appuyant sur les travaux de Françoise Héritier ("Masculin/féminin. La pensée de la différence") et sur toutes les enquêtes menées par les équipes de l'Institut national d'études démographiques, Bozon s'interroge d'abord sur "l'inégalitarisme enraciné dans la différence des corps", puis il constate que "la passivité féminine a cessé d'être la norme" et il conclut en termes politiques :
"Le fait que le sexisme s'exprime sur le terrain de la sexualité n'indique donc pas que celle-ci serait par essence sexiste, ou serait à l'origine du sexisme, ou que les adolescentes et les jeunes femmes devraient se tenir à l'écart de la sexualité, ou que notre époque serait devenue sexuellement plus violente. L'indignation que provoque la révélation de ces comportements de harcèlement, d'agression et de violence marque au contraire une révolte, liée au progrès de scénarios sexuels égalitaires, et un retournement historique de la tendance ancienne à blamer les victimes. En décalage avec des pratiques interpersonnelles plus égalitaires, la violence basée sur la sexualité ou sur des propos sexuels n'a pas principalement des buts sexuels. Elle sert des objectifs de pouvoir, de rappel des frontières et des privilèges de genre, de rabaissement de celles qui s'affirment. Empêcher cette violence est une tâche politique qui nous concerne tous et toutes."
Lorsque l'on analyse les débats des Clubs rouges de la Commune de Paris (mars-avril-mai 1871), on trouve la même problématique sur les enjeux de pouvoir, une problématique que pointent Elisabeth Dmitrieff et Nathalie Lemel, les deux animatrices de "l'Union des femmes", cette association qui a inspiré Simone de Beauvoir et qui a jeté les bases du féminisme moderne.
Car le climat libertaire de la révolution communaliste a obéré voire éradiqué toute tentation sinon toute tentative de sexisme puisque les femmes ont réussi à imposer la parité dans tous les actes de la Commune, y compris dans les combats militaires.
N'en déplaise à la France réactionnaire de Versailles où s'étaient réfugiées les cocottes et les prostituées.
Il n'y a pas de sexisme dans une société qui respecte la triade républicaine.
NB/ dans le même numéro un article édifiant de Thomas Frank sur "la gauche selon Harvey Weinstein"