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Billet de blog 2 avril 2014

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14/18 : 18,6 millions* de morts. Pourquoi ?

On était légitimement en droit d'attendre une réponse à cette question au bout des cinq heures du téléfilm documentaire de Daniel Costelle, diffusé par France 2 dans le cadre de la commémoration du centenaire de la "Grande guerre"...

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On était légitimement en droit d'attendre une réponse à cette question au bout des cinq heures du téléfilm documentaire de Daniel Costelle, diffusé par France 2 dans le cadre de la commémoration du centenaire de la "Grande guerre"...

Aucune explication ni aucune analyse n'ont accompagné ce tohu-bohu d'images d'archives colorisées et sonorisées nous présentant un simple descriptif des faits ainsi que le déroulement des opérations militaires sur les différents fronts européens. Dans cette guerre interminable d'abord enterrée, puis déterrée.

Aucune raison n'a été évoquée pour nous permettre de comprendre pourquoi il y eut en France 1,5 millions de morts, 3 millions de blessés et 600 000 invalides. A cette hécatombe s'ajoutèrent des dégâts matériels considérables : régions dévastées et villages détruits.

Il fallut attendre la fin du débat qui suivait la diffusion du 5e épisode du téléfilm pour que le comédien Christophe Malavoye dise, en présence de deux historiens médusés, que "c'était le résultat ahurissant d'une querelle de famille, une querelle des familles règnantes en Europe" !

D'ailleurs ce "débat" qui avait pour cadre la sublime galerie des glaces du château de Versailles, nous a réservé d'autres surprises. Une bonne idée tout d'abord de montrer les objets de cette "mémoire des poilus", vestiges bouleversants de la souffrance de nos grands-parents, notamment cette mandoline dont la caisse de résonance avait été remplacée par un casque.

Puis la révélation par Costelle lui même que la plupart des archives montrées avaient été tournées à des fins de propagande, ce qui obère naturellement la véracité du témoignage filmé. Ainsi la formule du "tout archives" si elle est payante sur le plan du spectacle n'est pas propice à l'analyse ; il y a davantage de substance dans les films de fiction qui s'adressent à l'émotion et déterminent l'esprit critique (je pense en particulier aux "Sentiers de la gloire" ou à l'admirable "A l'Ouest rien de nouveau").

Que retenir de cette programmation ? Ce magnifique travail de recherche des archives ne peut malheureusement pas être mis au crédit de l'Histoire car il a été dénaturé par cette "esthétique" des jeux video qui est en train de polluer tous les programmes de télévision. Espérons néanmoins qu'il aura réussi à éveiller la curiosité des nouvelles générations pour ce passé récent et malgré tout bien lointain.

Cela étant, quelques jours avant l'armistice, en octobre 1918, Henri Barbusse écrivait :

"Je crois, malgré tout, à la victoire de la vérité. Je crois à l'importance désormais tangible de ces quelques hommes vraiment fraternels qui, dans tous les pays du monde, dans le va-et-vient des égoïsmes nationaux déchaînés, se dressent, fixes comme les statues magnifiques du droit et du devoir. Ce soir, je crois, jusqu'à la certitude, que la société nouvelle s'édifiera sur cet archipel d'hommes. Même si nous devons encore souffrir à perte de vue, l'idée ne peut pas plus cesser de battre et de s'accroître que le coeur humain, et la volonté qui s'élève déjà par places, on ne peut plus la démolir.

J'annonce l'avènement fatal de la république universelle...Mais si les grands pouvoirs d'ombre s'obstinent à rester à leur place, si ceux qui crient clairement criaient dans le désert, ô peuples, infatigables vaincus de l'infâme histoire, j'en appelle à votre justice, j'en appelle à votre colère. Sur les vagues disputes qui ensanglantent les grèves, sur les pillards de naufrages, sur les épaves et les récifs, et les palais et les monuments fondés dans le sable, je prévois la venue de la marée haute. La vérité n'est révolutionnaire qu'à cause du désordre et de l'erreur. La révolution, c'est l'ordre."

selon Wikipedia, les pertes humaines de ce premier conflit mondial sont 9,7 millions de morts militaires et de 8,9 millions de victimes civiles

NB/ ce programme a réuni 5,5 millions de téléspectateurs, soit 20,4% de l'audience nationale

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