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Billet de blog 4 mars 2024

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"Nous sommes tous des juifs alsaciens !"

C'est avec cette apostrophe à forte connotation de Mai 68 que se terminait "Dreyfus ou l'intolérable vérité", un film qui fut d'abord interdit sous Pompidou puis finalement autorisé (sous conditions) après l'élection de Giscard d'Estaing...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

...cet essai historique et politique, rendu lisible grâce à la compétence journalistique de Guylaine Guidez, et dont la vitalité cinématographique doit beaucoup au regard de Cécile Decugis, la Chef-monteuse du film de Godard "A bout de souffle", est avant tout un virulent pamphlet contre l'antisémitisme, cette cellule-souche de tous les racismes.

C'est pourquoi je me suis attaché, dans la dernière partie du film, à analyser les causes de l' invraisemblable vague de l'antisémitisme en France avec notamment le succès du livre de Drumont "La France juive", du journal "La libre parole" ainsi que de la floraison des ligues xénophobes.

Après d'ingrates recherches, j'ai acquis la certitude que cette grande campagne contre "la menace juive" (incarnée en particulier par la puissance des Rothchild) était financée par l'impérialisme allemand et son nouveau Chancelier, Caprivi, soutenu par les magnats de la Ruhr.

L'antisémitisme utilisé comme arme politique, une arme insidieuse et efficace car elle jetait le discrédit sur l'armée française avec ses traîtres galonnés, qui venait pourtant se doter du canon de 75 : j'ai émis cette hypothèse et aucun historien ne m'a démenti. 

Le film avait été tourné en 16 m/m. Il fallait donc le gonfler en 35 m/m pour lui permettre une sortie en salles.

Jacques Charrier demanda donc une aide au CNC, qui fut accordée avec réticence. Mais le Ministère de la Culture (Michel Guy) répondit qu'il ne pouvait la verser car "les crédits de l'année étaient épuisés" !

Pourtant, "Dreyfus ou l'intolérable vérité" , distingué par le prix Méliès, sortit en 16 m/m dans deux salles classées "art et essai" : le Lincoln et le Dragon ...

Au cours de l'un des multiples débats qui suivirent la projection du film, mon ami Marcel Ophuls avait déclaré de sa voix puissante : "Voilà un film qui est une arme de dissuasion massive contre l'antisémitisme !"

Mais jusqu'à présent les pouvoirs publics ont ignoré cette maïeutique...car on ne naît  pas raciste, on le devient.

Cinquante ans après, le film reste interdit d'antenne publique.

Jean A.Chérasse

NB / Ce témoignage est destiné aux archives de la Cinémathèque française

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