Je l'avais rencontré en 1964 à Rio de Janeiro car je produisais pour l'O.R.T.F. "Les carnets brésiliens" de Pierre Kast. C'était une série de treize films de trente minutes, proposée par le réalisateur du "Bel âge" et de "La brûlure des mille soleils" pour une circumnavigation documentaire de cet immense pays dont on percevait les échos grâce au film de Marcel Camus "Orpheu Negro".
Pilotée par le délégué de l'ORTF au Brésil, le journaliste Joseph Paletou, notre petite équipe fut accueillie dans l'atelier de l'architecte par sa fille Ana Maria. La grande baie vitrée permettait de contempler la baie de Copacabana : nous étions dans la carte postale !
Oscar Niemeyer était en train de travailler à la conception de la cathédrale de Brasilia. Je me souviens d'un petit homme nerveux et mince, avec un regard trés chaleureux. Il s'exprimait assez bien en français, avec l'accent carioca, ce qui ajoutait à son charme et à sa séduction.
L'entretien filmé porta sur l'architecture de Brasilia et sur la nécessaire recherche des courbes afin de rendre les immeubles d'habitation plus humains en brisant les lignes droites. Puis Niemeyer évoqua la mémoire d'un leader brésilien qui "avait changé sa vie" : Luis Carlos Prestes, "le chevalier de l'espérance". Disciple de Bolivar, communiste libertaire, il avait été son mentor et son ami. Je compris alors que l'engagement politique de l'architecte était consubstantiel à sa vocation de bâtisseur.
Je devais le revoir quelques années après à Paris où il s'était exilé suite à la prise du pouvoir au Brésil par une dictature militaire.
Il vient de disparaitre mais laissera en ce bas monde beaucoup plus que des cailloux du Petit Poucet...