Non, "l'abdication" d'Aquilino Morelle n'est pas "le Mémorial de Sainte-hélène" et son auteur ne peut être comparé à Emmanuel Las Cases, comte d'Empire et fidèle ami d'infortune et d'exil de Napoléon 1er. Ce serait plutôt "le coup de pied de l'âne" d'un collaborateur qui veut se venger d'un traitement indigne qu'on lui a fait subir...
Il s'en est expliqué longuement, ce matin, sur France Inter, mettant en avant son profond désaccord politique avec le Président qu'il pointe comme étant la cause principale de son renvoi de l'Elysée.
Et au passage, il distille quelques mises au point qui sont, telles des gouttes de poison, destinées à plomber encore plus (si besoin en était) ce quinquennat désastreux : l'absence de volonté de gouverner, l'inertie européenne, l'esprit de synthèse devenu la martingale du renoncement, etc...
En 2012, j'avais dans un billet où j'évoquais ma brève collaboration avec Claude Manceron, rapporté l'essentiel des propos que m'avait tenu mon ami écrivain au sujet de l'arrivée à l'Elysée du couple d' énarques Hollande/Royal. "Regarde les bien ces deux-là, ils ont de l'avenir...Mais je parierai plutôt sur la jeune femme que sur son compagnon, qui est un beau-parleur, un ambitieux sans aucune conviction !'"
Le jugement à l'emporte pièce de Manceron s'est donc avéré, et nous avons eu à subir, quelques années après, la prestation technocratique d'un homme, imbu de ses connaissances économiques théoriques plus ou moins bien assimilées à l'ENA ou à HEC, mais totalement dépourvu de fibre sociale, morale et politique.
A l'instar de Julien Benda*, Aquilino Morelle a donc apporté une confirmation de cette prémonition et qui révèle le degré de décrépitude de la république bourgeoise, un bourbier où elle continue de s'enliser et qui va la conduire vers un état proche du bas-empire romain.
En fait, l'épisode Cahuzac ainsi que l'affaire Bygmalion auraient du nous alerter : le parti socialiste et l'UMP ressemblent étrangement aux écuries d'Augias. Il n'est donc pas étonnant que l'on assiste au dézinguage d'un adorateur du cirage de pompe !
Il y a cent-quarante-cinq ans, l'une des plus grandes figures de la Commune de Paris, l'intellectuel Gustave Flourens, écrivait ceci :
"Le principe d'égalité peut seul sauver l'humanité, parce qu'il est la justice. Il peut seul fonder l'ordre et la liberté, déshabituer du brigandage les nations et les individus, résorber la bourgeoisie dans le peuple, réformer l'individu par l'éducation, procurer à chacun le bonheur véritable, qui consiste non dans la rapine, mais dans l'accomplissement de tous les devoirs, dans la jouissance de tous les droits du citoyen, créer enfin un nouveau monde, une jeune Europe toute différente de l'ancienne."
* auteur de "la trahison des clercs" (1927) qui dénonçait la démission des intellectuels