Borgen ("Le château") est le surnom que donnent les Danois au siège de leur Parlement et aux bureaux du Premier Ministre à Copenhague. C'est aussi le titre d'une série télévisée danoise (10 x 55') dont le dernier épisode a été diffusé par la chaîne ARTE. Cette série, créée par Adam Price, a comme sous-titre "Une femme au pouvoir" ; elle relate l'accession au poste de Premier Ministre de Birgit Nyborg et les aléas de sa gouvernance pendant un an. Parmi ces aléas, cette femme d'Etat au caractère bien trempé tente en vain de concilier sa vie personnelle et sa vie politique ; elle sera finalement obligée de sacrifier son couple à sa fonction.
Admirablement interprété par Babett Knudsen (Nymphe d'or de la meilleure actrice au festival de Monte-Carlo 2010), cette excellente série, dans une version française de qualité, est l'illustration à peu prés parfaite de la célèbre définition de la démocratie par Winston Churchill : " ... la pire forme de gouvernement, à l'exception de toutes les autres essayées."
En effet, concernant la prise du pouvoir et l'exercice du pouvoir, nous assistons dans le cadre de ce pays scandinave (dont l'exemplarité est souvent mise en exergue) à une vision purement politicienne de l'observation politique, avec ses luttes d'influence, ses coups tordus, et sa presse people qui propage des rumeurs. Le peuple danois n'est presque jamais présent dans cette histoire alors qu'il devrait en être l'acteur principal sinon l'enjeu central...En effet à quoi devrait servir la politique sinon à répondre aux besoins et aux aspirations des citoyens ?
Telles sont les limites de "Borgen" qui est aussi l'héritière d'un trés bon triptyque documentaire français, intitulé "La montée au pouvoir des femmes" de Guylaine Guidez (1992) dont la diffusion fut sabotée* à l'époque par une télévision française qui se disait allergique aux séries européennes. Le premier volet, intitulé "La révolte des poupées", faisait rapidement l'historique de la mobilisation féminine en Europe pour sortir du carcan des traditions ; le second épisode, intitulé "Le syndrome d'Antigone" montrait que la promotion des femmes en politique dépendait souvent de leur parentèle ; enfin, la dernière partie, intitulée "Les pionnières", nous permettait d'être de plain-pied avec des "femmes de pouvoir", que ce soit Vigdis Finnbogadottir (Islande), Gro Harlem Brundtland (Norvège) ou...Edith Cresson, victime de l'hostilité de son propre parti et du machisme ambiant. Birgit Nyborg , l'héroïne de Borgen, aurait pu faire partie de ce casting.
Ce qui paraissait exceptionnel ou incongru il y a vingt ans, est aujourd'hui une réalité et une évidence heureuses. Dans ce monde déboussolé que secoue un capitalisme qui n'en finit plus de s'autodétruire... l'intelligence et la sagesse des femmes seront elles notre viatique ?
* la responsable des documentaires d'Antenne 2 à l'époque, Madame Laure Adler, porte une grande responsabilité dans le sabotage de cette série dont elle ne diffusa que deux épisodes, dans le désordre. On a dit (et écrit) qu'elle avait agi par dépit ou par jalousie professionnelle (elle publiera peu après un livre sur les femmes en politique) ; toujours est-il qu'elle a porté un coup funeste à la carrière de cette série en France alors que sa diffusion internationale a connu un trés grand succès. "Vous ne saurez pas qui vous a frappé avant qu'il ne soit trop tard" dit le spin doctor du Premier Ministre danois de "Borgen" !