Il y a cent-quarante-cinq ans, le Journal Officiel de la Commune publiait un long article intitulé "Une révolution populaire", sous la signature de Louis Xavier Ricard, ami de Paul Verlaine avec qui il partageait la responsabilité du bureau de presse de l'Hôtel de Ville.
Ce texte, daté du 7 avril 1871, peut nous permettre non seulement de mieux comprendre ce que fut la révolution communaliste mais aussi de percer le brouillard qui empêche aujourd'hui toute vision lucide de notre situation politique. C'est un clin d'oeil de l'histoire tant son contenu me semble pertinent et prémonitoire. En voici des extraits :
"Les moments de décadence ne sont pas irréparables ; ils élaborent pour l'histoire future une race nouvelle dont le type s'est lentement préparé à l'écart. Les mouvements anarchiques de l'histoire offrent à cette race ignorée ou soupçonnée l'occasion de se développer et de remplacer dans le monde renouvelé les vieilles races perverties ou disparues.
Il vaudrait mieux que le progrès d'accomplît sans nuire à personne, individu ou peuple. Mais il n'est pas possible, même aux meilleurs et aux plus vertueux, de dominer ou d'éviter les lois logiques et nécessaires qui président aux évolutions historiques. Il se présente toujours, dans la vie d'un peuple ou d'un individu, un moment définitif, une crise suprême, où se donnent rendez-vous contre lui toutes les fatalités de son passé. S'il manque de sang-froid devant cette agression de ses anciennes erreurs et de ses vieilles fautes ressucitées pour le perdre, il sera irrémissiblement détruit...
Les grands mouvements d'un peuple ne sont efficaces et durables que s'ils sont mus et soutenus par la force intime et personnelle qui le pousse à travers tant d'aventures à l'accomplissement de sa destinée.
Une révolution légitime et nécessaire n'est qu'un développement ; car il n'y a point, en réalité, de commenement précis, ni de conclusion dans les affaires humaines, qui se mêlent les unes aux autres dans une perpétuelle et confuse génération. Mais une révolution est inopportune ou inutile qui, tentée seulement par quelques uns ou imposée par surprise, contredit l'idée nationale et interrompt le courant de l'histoire.
C'est à l'histoire, qui établit la généalogie des révolutions, qu'il appartient de démontrer si les tendances d'une époque et l'idée qu'elles révèlent continuent la secrète logique des choses, ou ne sont qu'une déviation insensée, qu'une perversité passionnelle d'une génération abêtie ou affolée. Car le progrès ne se poursuit pas en ligne droite ; et l'homme se retarde souvent dans des moments de trouble et d'imbécilité pendant lesquels il perd l'intelligence et jusqu'à l'instinct de sa destinée...
La France en est à cet instant. Demandez à l'histoire si cette révolution, dont certains se scandalisent, est un effort inutile et insensé, inexcusable ou l'épanouissement d'une idée, dont les racines, nourries de notre sueur et de notre sang, s'enfoncent aux profondeurs de notre vie nationale."