On se souvient de cette réplique fameuse murmurée par Galileo Galilei, âgé de 70 ans, le 22 juin 1633, après le verdict de l'Inquisition qui le condamnait à la prison à vie pour avoir soutenu la grande découverte de Copernic ; cela me fait penser aujourd'hui - toutes proportions gardées -au tollé d'imprécations qui tentent d'accabler Emmanuel Todd après la publication de son livre iconoclaste.
Haro sur le petit-fils de Paul Nizan, auteur d'"Aden Arabie" et l'imprécateur des "Chiens de garde" !
Que ce soit l'anathème jeté à la figure de l'historien-sociologue par le premier ministre Emmanuel Valls ou que ce soit l'éditorial au vitriol de Joseph Macé-Scaron dans le dernier numéro de "Marianne" qui traite Emmanuel Todd d'"intello zombie".
Et pourtant, encouragé par le billet de notre ami Pierru et aussi après avoir lu l'excellente analyse de Joseph Confavreux j'ai pris connaissance de "Qui est Charlie ? Sociologie d'une crise religieuse".
J'ai été vivement intéressé par cette radiographie de la société française et je crois qu'il s'agit là d'un travail sérieux, fruit d'une méthode dont l'école sociologique, fécondée par l'esprit des "Annales", garantit la véracité.
Mais à l'instar de Confavreux , j'estime qu'il y a deux livres dans cet ouvrage et que son enveloppe externe, un peu trop provocatrice, peut nuire à la compréhension générale de la thèse développée qui a le grand mérite de pointer cette bienpensance social-libérale qui nous fait prendre des vessies pour des lanternes dans un pays qui semble n'avoir pas encore assimilé la séparation de l'Eglise et de l'Etat.
Par ailleurs, le fait d'avoir sanctuarisé officiellement cet hebdo satirique à partir d'un numéro qui caricature le prophète des Musulmans ne peut qu'alimenter la vague de xénophobie religieuse qui pollue l'air du temps.
En tout cas, si le 11 janvier 2015 a bien été "une manifestation emblématique de fausse conscience", il n'en reste pas moins l'expression d'une réaction émotionnelle populaire qui fait honneur à la sensibilité civique française.
Dans une lumineuse interview, publiée dans "Astérique", la lettre de la SCAM*, Julia Kristeva dit ceci :
"Les nations sont comme le patient déprimé : vous ne pouvez pas lui demander de critiquer sa famille et son histoire tout de suite, il faut d'abord le rassurer narcissiquement. Il est urgent de rassurer les nations avant de les réunir dans cette polyphonie que pourrait être l'Europe fédérale. C'est à l'Europe des cultures qu'il revient de mener ce processus vital : sans succomber au populisme, mais la faisant pariant sur l'amour du point d'interrogation qui a porté en renaissance de notre continent".
"Le vent se lève !...il faut tenter de vivre !" **!
* une interview menée par Antoine Perraud
** Paul Valéry (le cimetière marin)