Ainsi le choix de la suprématie de la valeur d'échange induit la dépossession du producteur qui voit lui échapper une part croissante de son travail et qui détermine sa passivité en l'obligeant à une contemplation d'un monde falsifié qui en vient à se substituer à son propre monde, dont il est à son tour dépossédé par l'image qui lui en est renvoyée.
La société du spectacle devient donc un miroir de la dépossession.
Car les classes possédantes souhaitent régner sur les consciences afin de ne plus pouvoir être contestées dans des formes non institutionnelles, celles qui pourtant requièrent une contestation raisonnable collective enracinée dans une vie libre et non aliénée !
Il faut bien se rendre compte que le pouvoir du spectacle sur la société ne s'incarne pas seulement de manière économique et régalienne, il veut aussi rester maître du discours sur le réel et ses représentations au point de pouvoir neutraliser par avance tout discours non conforme à son entendement et toute revendication visant la justice sociale. Or, plus les obstacles s'affaiblissent, plus le pouvoir domine. Le spectacle qui en résulte induit un sentiment de lassitude et de résignation bienvenue.
L'échec du spectacle est alors aussi sa victoire. Il est subi sans réaction et sans adhésion sinon celle d'une "élite" qui, ne pouvant plus se dissimuler derrière des justifications probantes, s'efforce de rendre non crédible toute critique réelle des effets délétères du spectacle sur le monde.
Arrogance ou cynisme ? Rappelons-nous ce que disait Rousseau à propos de Machiavel : « feignant de parler au prince, il parlait en réalité au peuple en lui apprenant à démasquer les artifices de la tyrannie. »
Il nous faut nous réapproprier l'histoire...
Un miroir peut en cacher un autre.