Une folie médiatique s'est emparée des réunions de la place de la République à Paris avec une incompréhension telle qu'on a l'impression que cette "Nuit Debout" est consécutive à l'arrivée d'une soucoupe volante devant la sculpture de Léopold Morice, et que de cet engin est descendu un ET qui est venu haranguer la foule avec un mégaphone...
Et les doctes experts qui ont leurs ronds de serviette chez Yves Calvi (C dans l'air) ont été bien penauds dans leurs gloses et leurs discussions !
Pourtant, le phénomène n'est pas original et il s'est produit assez souvent dans l'histoire de France, à des moments de crispation ou de verrouillage ou bien lors des fractures sociétales notamment causées par l'incroyable cécité du pouvoir en place.
Beaucoup plus qu'à Mai 68, "Nuit Debout" me semble comparable à ces "Clubs rouges" qui se sont installés dans la plupart des églises de Paris, après le coucher du soleil, lors du printemps de 1871.
Ces réunions quotidiennes et vespérales étaient ouvertes à tout le monde. On pouvait y participer en famille, avec les enfants, et y apporter de quoi boire, manger et fumer. D'ailleurs, les bénitiers étaient remplis de tabac, notamment à St Germain l'Auxerrois.
Les sujets abordés étaient extrêmement variés mais tournaient principalement autour des nouvelles idées et des pratiques de la vie en communauté, en particulier sur toutes les formes d'assistance, de solidarité et de fraternité.
Les femmes, qui n'avaient pas encore d'existence électorale, y ont obtenu la reconnaissance politique et ont largement contribué à créer ce climat de "liberté sans frontières", cher à Jules Vallès.
Je ne sais pas si "Nuit Debout" permettra peu à peu d'instaurer la "fête nuptiale de l'idée et de la révolution" comme ce fut le cas pour les Communeux avant qu'ils soient impitoyablement massacrés par les Versaillais, mais je souhaite ardemment que ce nouveau happening politique débouche sur la prise de conscience que nous devons radicalement tout changer.
"Il faut être soi, jeter au loin les livres et les drapeaux lourds, affirmer, faible ou forte, sa personnalité et ne sacrifier le caractère et les droits de l'individu ni au besoin de gloire, ni aux raisons d'Etat."*
* Jules Vallès