« L'Atome et la France », c'est le titre d'un remarquable essai historique de Robert Belot, qui vient de paraître aux éditions Odile Jacob, avec comme sous-titre : « Aux origines de la technoscience française ».
A un moment où il est question de réduire la part du nucléaire dans l'électricité nationale, ce livre vient à point pour nous rappeler la genèse de la nucléarisation de la France, avec la fondation du Commissariat à l'énergie atomique en 1945, sous le double patronage du gaullisme et du communisme.
En effet, écrit fort justement l'historien belfortain* « la Libération est aussi la libération de la science et la réconciliation avec l'idée de progrès. C'est à l'évidence une manière de renouer avec l'ambition émancipatrice de la culture républicaine, mais aussi une volonté de tourner la page de l'obscurantisme incarné par l'Europe antidémocratique. »
Et voilà donc cette Encyclopédie de la renaissance française, imaginée par Paul Langevin, lancée par Henri Wallon qui, tout en se référant à Diderot et à d'Alembert, prône une "encyclopédie dialectique" mêlant "sciences de la nature et sciences humaines".
Cette quête du progrès est martelée par le PCF, notamment par Maurice Thorez dans un discours qu'il prononce le 7 avril 1946, en hommage au pionnier de l'école laïque, Jean Macé : « L'enseignement laïc en appelle à la raison, à la science. En ce sens la doctrine de la laïcité se rattache à la philosophie matérialiste des grands encyclopédistes du XVIIIe siècle dont l'oeuvre révolutionnaire avait préparé les esprits de leur temps à une transformation sociale et politique que l'évolution des rapports de production rendait nécessaire et inévitable. »
Le prix Nobel Frédéric Joliot-Curie est donc légitimement adoubé dans son activité de recherche (la création de la pile ZOE), et soutenu dans ses fonctions de Haut-Commissaire où il devra en découdre avec les "nucléocrates".
La tâche de ce "pourvoyeur de rêves" sera évidemment rendue trés difficile dès que la guerre froide s'installera sur l'Europe, telle une chape de plomb mais rien ne pourra altérer la créativité et le dynamisme de l'un des fondateurs de la technoscience française.
Car ce grand militant communiste était, comme son camarade le biologiste Marcel Prenant, convaincu qu'il "n'y a pas d'humanisme sans la technique"..."Aussi devons-nous affirmer tous ensemble, non seulement du point de vue du bien-être matériel mais du point de vue le plus élevé de l'humanisme, la nécessité fondamentale du progrès technique, et aussi de la recherche scientifique qui, à notre époque plus que jamais, en est le moteur décisif."
Je recommande chaleureusement la lecture de cet essai qui est le passionnant roman de notre passé immédiat, et je le recommande tout particulièrement aux anti-communistes.
* professeur des universités, auteur de nombreux ouvrages excellents, notamment sur Henri Frenay et Auguste Bartholdi