Il avait appris son métier au Service cinématographique des armées. On lui doit le meilleur témoignage sur la guerre d'Indochine avec "La 317e section" (1964), le repli dans la jungle d'une petite unité combattante, une fiction (interprétée notamment par Bruno Cremer et Jacques Perrin) qui avait la force et la véracité d'un documentaire. Avec "La section Anderson" (1967) son talent fut reconnu par les américains qui lui attribuèrent un Oscar. Je l'avais rencontré à ce moment là car l'ORTF désirant produire un programme sur la Chevalerie, j'avais proposé son nom ...
"Nous souhaiterions vous voir réaliser un film sur Bouvines* ou Azincourt**", lui avais-je dit. Il m'avait répondu aussitôt : "Je préférerai évidemment Bouvines, car en matière de défaite, j'ai déjà donné !..."
Car en 1954, il était l'un des caméramen de l'armée à Diên Biên Phu. Il avait vécu l'enfer de cette bataille absurde et avait été fait prisonnier. Trente-sept ans après, il la reconstituera. Il réalisera une magnifique fresque guerrière qui est aussi une méditation sur les sacrifices inutiles de cette sale guerre coloniale, l'opprobre de la France.
Pourtant Schoendoerffer (dont je ne partageais pas les idées même si nous pouvions nous rejoindre sur Saint-Just ou Rossel) n'était ni un nationaliste ni un militariste. Il était un peu le "Vigny du cinéma français" comme le qualifie Jean Tulard, son collègue de l'Institut. Ainsi les deux films (superbes) qu'il réalisa avant "Diên Biên Phu", "Le crabe tambour" (1977) et "L'honneur d'un capitaine" (1982) semblent être des avatars de "Servitude et grandeur militaire".
Homme d'image et de plume, Schoendoerffer était à coup sûr un homme d'honneur.
* victoire de Philippe-Auguste (1214)
* effroyable défaite du parti français des Armagnacs (1415)