Peu à peu, mais trop lentement à mon goût, une juste mémoire est en train de poindre avant que l'on ne commémore le cent-cinquantième anniversaire de la Commune de Paris de 1871.
Je pense que j'ai fait ma part dans ce nouveau regard sur ces événements en dessillant les yeux de toutes celles et de tous ceux qui étaient anesthésiés par les falsifications ou les omissions de l'histoire enseignée ou bien qui restaient abusés par la propagande lénino-stalinienne.*
Avec ce magnifique album publié par Locus Solus, une double injustice mémorielle est pulvérisée : il met enfin l'accent sur le rôle majeur joué par la population féminine au cours du siège de Paris, la trahison des classes dominantes, et la mise en place d'un pouvoir communaliste, et il distingue une ouvrière relieuse bretonne, Nathalie Perrine Lemel née Duval à Brest en 1827.
Divorcée d'un mari alcoolique, elle se mit en ménage avec Eugène Varlin et créa avec lui "La Marmite", une série de "restaurants du coeur" qui réussirent à fournir chaque semaine des centaines de repas aux gens privés de ressource ; elle s'attira ainsi une immense popularité qu'elle valida en fondant en Avril 1871 avec Elisabeth Dmitrieff, l' Union des femmes pour la Défense de Paris et les soins aux blessés.
Cette association dont l'intitulé est bien modeste, fût en réalité un conseil féminin bis du Conseil de la Commune. Par ses prises de paroles dans les quartiers et dans les Clubs rouges, par son action fraternelle sur le terrain et aussi, par sa courageuse participation aux combats contre l'armée versaillaise, elle a joué un rôle déterminant pour l'instauration d'un ordre libertaire, c'est à dire pour le fonctionnement d'une gouvernance populaire collective et paritaire dans la gestion d'une grande ville de deux millions d'habitants.
C'est pourquoi, Jules Allix (bien malmené par les historiens !) proposa début Mai 1871 au Conseil de la Commune, une proposition globale de réorganisation civique incluant le vote et l'éligibilité des femmes...mais il était trop tard, l'étau versaillais se resserrait, le beau rêve des communeux allait bientôt être fracassé.
Le travail de Roland Michon est exemplaire car il restitue bien l'essentiel de cette saga révolutionnaire nonobstant le côté parfois un peu trop didactique des dialogues insérés dans les phylactères.
Et les dessins de Laëtitia Rouxel , fins et expressifs, font souvent la nique à ceux de Pilotell.
Louise Michel, Nathalie Lemel, Elisabeth Dmitrieff, André Léo, Paula Mink, etc...
La révolution est un mot féminin.
* "Les 72 Immortelles" (éditions du Croquant)
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