Ayant déjà co-écrit avec Daniel Bermond (biographe de Gustave Eiffel) une savante biographie de Bartholdi (éditions Perrin), l'excellent historien belfortain Robert Belot nous propose aujourd'hui "un portrait intime du sculpteur" qui apporte un nouvel éclairage sur l'un des artistes les plus attachants du XIXe siècle, concepteur et promoteur de cette statue de la Liberté éclairant le monde qui se dresse, magistrale, à l'entrée du port de New-York.
Auguste Bartholdi est née en 1834 à Colmar ; il est donc le contemporain de Jules Vallès, qui a vu le jour deux ans plus tôt.
Sans vouloir faire un parallèle entre ces deux grandes personnalités, il n'est pas fortuit de comparer leurs réactions vis à vis des événements qu'ils ont traversé : le monde en voie de mondialisation pour l'un, l'émancipation des classes défavorisées pour l'autre.
Ainsi, Bartholdi va puiser son inspiration dans un courant d'idées où évoluait le poète alsacien Pfeffel, dans le sillage de "l'Ordre des Illuminés de Bavière" qui voulait libérer les peuples de l'oppression et des superstitions religieuses afin de leur permettre d'accéder à l'éducation et à la culture, un avatar des "l'esprit des Lumières" débouchant sur un prosélytisme altruiste qui n'est pas éloigné de la franc-maçonnerie.
Ainsi, Vallès qui va se cogner à la misère "avec ses doigts pleins d'encre", sera-t-il le porte-parole des déshérités, le "député des pauvres", l'âme de la Commune de Paris.
Dans son récit qui suit à peu près fidèlement le parcours de Bartholdi, Robert Belot introduit bon nombre d'éléments nouveaux puisés dans les archives et il analyse avec pertinence tous les obstacles administratifs que le statuaire eut à surmonter, du canal de Suez à l'aventure américaine en passant par le Territoire de Belfort auquel il a légué le plus beau symbole qu'une collectivité territoriale puisse espérer, le symbole de la résistance à l'invasion et à l'asservissement.
Le sculpteur et l'écrivain-journaliste se rejoignent en 1871 lorsque l'abominable Thiers sacrifie deux provinces françaises pour maintenir la paix sociale après la raclée que nous a infligée l'armée prussienne.
Ils ont tous les deux en commun la nécessaire quête de fraternité. Pour Bartholdi il s'agit d'une fraternité politique, pour Vallès elle doit non seulement être politique mais elle doit être aussi une fraternité sociale.
L'alsacien crie sa révolte dans l'expression monumentale, l'auvergnat distille le temps des cerises dans son galetas.
Ils ont tous les deux, au coeur, une plaie ouverte...
Jean A.Chérasse
NB/ I.D. l'Edition
9 rue des Artisans, 67210 Bernardswiller
info@id-edition.com