...mais il n'arrive pas seul ; il est escorté par une "commission pour assurer l'action commune de l'Assemblée et du pouvoir exécutif", laquelle est placée sous la présidence du député orléaniste de Seine et Marne, Jules de Lasteyrie. Il s'agit en fait d'un véritable "Conseil de surveillance" chargé de cornaquer Adolphe Thiers, dont la première tache est de neutraliser la fronde révolutionnaire qui couve dans Paris.
En effet, la nouvelle Assemblée nationale (aux 2/3 monarchiste) qui veut réinstaller un pouvoir royal, se méfie de cette capitale républicaine qui vient de subir un siège éprouvant à l'issue duquel elle craint une révolte des faubourgs ainsi que des troubles consécutifs aux décisions qu'elle a prises en abolissant le moratoire des loyers...
La mission de Thiers est donc particulièrement délicate dans la mesure où il lui faut obtenir le désarmement de la Garde nationale, qui est un préalable au maintien de l'ordre et de la paix civile. Il va tenter de négocier avec les maires d'arrondissements et les officiers élus des légions de cette "armée du peuple" comme l'a fort bien analysé Henri Guillemin mais il va vite se heurter à l'intransigeance de Jules de Lasteyrie.
Qui est ce boutefeu royaliste ? C'est le petit-fils de Gilbert du Motier de La Fayette, "le héros des deux mondes", ancien chef de la Garde nationale ; il avait été couvert d'opprobre en 1792 par les sans-culottes, qui l'avaient condamné comme "traître à la patrie". Lasteyrie a donc un compte à régler avec la Garde nationale, et il va profiter de l'occasion pour venger son aïeul...
Il exige donc que les fusils et les canons de la Garde nationale soient remis aux troupes régulières de la garnison de Paris et, se basant sur un rapport du préfet de police Cresson, il suggère même que l'on arrête préventivement les "meneurs" et "les têtes brûlées".
Thiers tergiverse mais il cédera suite à l'argument financier que Lasteyrie fait valoir : "On dépense 6 à 700 000 francs par jour pour entretenir cette milice civile. Il faudrait pouvoir en faire l'économie..."
Après avoir donné l'ordre d'arrêter Blanqui, considéré comme étant le principal chef d'une éventuelle insurrection, Adolphe Thiers examinera ensuite avec les chefs militaires, le plan de cette opération insensée et criminelle.
L'engrenage de la guerre civile est donc enclenché !