Je l'avais rencontré à l'IDHEC (Institut des hautes études cinématographiques), en 1957 ; il y avait été admis sur titres, comme étudiant étranger. Son père étant attaché culturel à l'ambassade de Pologne à Paris, il venait nous rejoindre chaque matin, boulevard d'Aurelles de Paladines, dans une limousine du corps diplomatique. Il vient de mourir d'un cancer à Varsovie.
Nos parcours professionnels ne se sont rencontrés qu'une seule fois, en 1974, lorsque nous nous retrouvâmes aux Buttes Chaumont, sur le plateau de Pierre Bouteiller qui nous avait invités pour la sortie de nos films "Dreyfus ou l'intolérable vérité" et "L'important c'est d'aimer".
Je garde d'Andrzej le souvenir d'un homme trés beau mais tourmenté, au visage sculpté par l'angoisse ; mais il était aussi un être généreux pourvu d'une grande humanité et d'une fraternelle gentillesse.
Après l'IDHEC, il était retourné en Pologne où il avait été l'assistant de Wajda. Puis il avait fait ses débuts dans la mise en scène avec 'La troisième partie de la nuir", un film remarquable sur la guerre et les amours contrariés.
En 1972, il signe un chef d'oeuvre du cinéma fantastique "Le diable".
Avec "L'important c'est d'aimer" qu'il tourne en France, Zulawski aborde le thème principal de son oeuvre : l'irrationnalité des sentiments. Le film (admirablement interprêté par Romy Schneider et Klaus Kinski) est un dérisoire chemin de croix avec ses personnages pathétiques et humiliés. L'héroïne ne trouve le ton juste pour dire "je t'aime" que lorsque son amant a le visage ensanglanté !
C'est avec "Possession" qu'Andrzej signera son oeuvre majeure car il va radiographier le chaos d'un couple qui se déchire, dans un film flamboyant, exacerbé, hystérique, qui joue sur l'outrance et la violence de manière à proprement parler visionnaire.
Ce film permettra à Isabelle Adjani d'obtenir le prix d'interprétation féminine au festival de Cannes en 1981.
Puis ce sera la rencontre du cinéaste polonais avec Sophie Marceau (qu'il va épouser) et cet "Amour braque" qui est un film frénétique avec une caméra prise de folles envolées, où les images et le sons se bousculent, dans un véritable délire !
Après "La femme publique" (avec Valérie Kaprisky) et l'adaptation d'oeuvres musicales beaucoup moins paroxystiques, Zulawski s'orientera vers le théâtre et le roman où ses traces ne sont pas négligeables.
Mes condoléances à son fils Vincent.
Adieu cher ami passionné et baroque.
Jean A.Chérasse