...et c'est en analysant ce système qui forme et privilégie une élite spécialisée dans l'exercice du pouvoir que la philosophe allemande naturalisée américaine Hannah Arendt a écrit un brillant essai, intitulé "Qu'est-ce que la politique", qui sera publié à titre posthume en 1995.
En effet, le mal récurrent dont souffrent la plupart des démocraties a sa cause dans le fait que la politique est considérée comme une profession.
Nos sociétés contemporaines en régime d'oligarchie libérale sont obérées par un désengagement massif d'une population pour laquelle la liberté consiste beaucoup plus dans la consommation que dans l'action politique.
Or faire de la politique et être libre, c'est une seule et même chose, préconise Hannah Arendt :
"Au sens grec, le politique doit donc être compris comme centré sur la liberté, la liberté étant elle-même entendue de façon négative comme le fait de-ne-pas-gouverner-ni-être-gouverné, et positivement, comme un espace qui doit être construit par la pluralité et dans lequel chacun se meut parmi ses pairs".
La politique, c'est la liberté créatrice des hommes instituant leur espace commun, et "c'est le fait que tous ont les mêmes titres à l'activité politique".
Partant du désastre et du désespoir dans lesquels la politique des Etats elle-même nous a précipités, Arendt montre que cette identification politique-liberté ne fait plus du tout partie de nos habitudes de pensée : "la politique a-t-elle finalement encore un sens ?"
En tout cas ce ne sont pas les grandes jactances du pouvoir qui pourront "réarmer" la politique.
Ps/ "Qu'est-ce que la politique ?" (éditions du Seuil)