Voici un homme qui, depuis un demi-siècle, exerce un magistère sinon une fascination sur l'intelligentzia. Pourquoi? Dans son dictionnaire des réalisateurs (Robert Laffont,coll. Bouquins) Jean Tulard commence la notice qu'il lui consacre par cette double interrogation : "Fossoyeur du cinéma ? Génie novateur ?"
Ce cinéaste,qui méprise les "professionnels de la profession",s'est imposé sur la scène médiatique dans les années soixante au cours d'une décennie où sa créativité et son originalité furent indiscutables. "A bout de souffle" ,dont la réussite est aussi celle de Belmondo,jetait un pavé d'insolence sur les écrans jusqu'à "La chinoise" annonçant Mai 68 et "Week-end",dénonçant la société de consommation et la dictature de la bagnole...
Les films de Godard étaient bien des miroirs de leur époque (la fin des "trente glorieuses") et en constituent les points de repère. Arrive Mai 68 que le cinéaste comprend mal car,étant quasiment quadragénaire,il est dépassé par l'événement. Il s'efforce de s'y intégrer et même de le dépasser avec une série de films qu'il co-signe avec Gorin : ce sera le début d'une errance cinématographique qui dure encore.
Alors que les grands cinéastes de la même génération (Alain Resnais,Jacques Demy,Michel Deville pour ne citer que ces trois là) poursuivent leur travail avec des oeuvres importantes,Godard plonge dans la marginalité et se réfugie dans le discours. Un discours que cet autodidacte qui a mal assimilé les grands "fondamentaux" de la culture,distille en plaisanteries et en aphorismes voyou qui plaisent aux journalistes. Le prophète de la "nouvelle vague" serait-il devenu un charlatan ?
Je n'ai pas vu son dernier film mais je viens de lire l'excellent article qui lui est consacré ,et j'ai naturellement suivi l'entretien enregistré par Mediapart. Tous ces éléments me donnent à penser que mon point de vue n'est pas erroné .
"Film Socialisme" serait-il la dernière facétie de Godard ?