N'en déplaise aux thuriféraires de Napoléon et aux cocardiers, je trouve que la commémoration du bicentenaire de la bataille de Waterloo est à la fois grotesque et pathétique.
Dans le billet rendant hommage à mon ami Jean Herman, je citais la collection "Présence du passé" que j'initiais en 1965 répondant au souci de proposer au grand public, une émission de sensibilisation à la connaissance de l'Histoire.
En effet, en contrepoint de l'admirable série de Castelot/Decaux/Lorenzi "La caméra explore le temps" qui bénéficiait d'une grande audience, il y avait la place pour une série documentaire historique, de deuxième partie de soirée, introduisant les paramètres de l'heuristique et de la critique.
C'est ainsi qu'est née la collection "Présence du passé" dont le premier sujet fut "Les cent jours".
Trés bien réalisée par Georges Dumoulin, l'émission donna lieu à un triptyque composé de "l'île d'Elbe", "Le vol de l'aigle" et "Waterloo".
Concernant cette fin tragique de l'Empire, nous avions Jean Mauduit, Bernard Revon et moi-même, opté pour un traitement à la fois élégiaque et dérisoire de l'événement dans la mesure où cette inutile et fantastique boucherie est l'un des jours les plus sombres de l'Europe en même temps qu'il a profité à la rapide fortune des Rothschild.
A l'instar du surréaliste Ado Kyrou qui avait réalisé un document iconoclaste sur la commercialité des grognards ("La déroute", film projeté pour les touristes au Mémorial de Waterloo), nous avons suivi caméra sur l'épaule, les frères Brassine, aubergistes à Braine l'Alleud, qui nous ont fait visiter le champ de bataille en évoquant tous les détails pittoresques ou épouvantables de ce gigantesque affrontement sur "la morne plaine" immortalisée par Victor Hugo.
Et l'ORTF a diffusé ce progamme non conformiste et parfois insolent, qui remettait les pendules à l'heure. Il stigmatisait cette guerre inutile et criminelle pour le seul enjeu du maintien d'un autocrate, et compromettait pour longtemps le désir d'union des pays de la vieille Europe.
C'est la télévision publique sous le régime gaulliste qui a permis cela !
On préfère aujourd'hui l'histoire qui se donne en spectacle.
Colorisé, bien entendu...
Jean A.Chérasse