...en esquissant un parallélisme entre Gérard Philipe et Alain Delon, qui imprégnèrent nos imaginaires et nous donnèrent ainsi "une certaine idée du Français", Régis Debray a voulu nous révéler deux images iconiques comparables qui sont devenues des modèles d'identification, des "hommes-sémaphores" porteurs d'espoirs, de dignité mais aussi de nostalgie...
"Ce qui ne va pas sans une certaine mélancolie, puisque tel est le nom donné au bonheur d'être triste".
J'ai eu la chance de rencontrer Gérard Philipe lorsque j'étais étudiant à l'IDHEC : il a accepté de m'aider à réaliser mon premier film, intitulé "Un charlatan crépusculaire", tourné sur des décors de Jean-Jacques Faury* pour illustrer des poèmes de Guillaume Apollinaire.
Ce petit film témoigne de ce bel esprit de fraternité qui nous portait dans les années cinquante alors que les ruines de la guerre étaient encore fumantes.
Toute ma génération (je suis nonagénaire) a été amoureuse du Cid et du Prince de Hombourg, incarnés par Gérard Philipe.
Trente ans plus tard, le héros romantique a laissé la place au Samouraï, incarnant le Français modèle à Shanghaï et à Tokyo; "Soit une autre sorte de beauté. Une autre façon de se tenir droit, le jarret tendu, face à la vie."
J'ai connu Alain Delon lorsque j'ai dirigé "le nouveau Cinémonde". Il s'était replié sur son ego, ne comptant que sur soi, loin de la foule, un homme libre, irréductible et solitaire. "Un ange-démon" comme le nomme Régis Debray.
Un individualiste forcené, toujours en compétition, cynique et impassible ; un gagneur...
Autrement dit, la projection iconique d'un repère pour la jeunesse est passée en cinquante ans de la gauche à la droite, voire à l'extrême-droite.
Néanmoins pour moi, il restera Monsieur Klein.
* il fut le décorateur de Jean-Christophe Averty