Tandis qu'Antoine Perraud pointe avec son humour ravageur cette "presse déboussolée qui cherche un passé sensationnel" (les années 30 pour le Nel Obs, 1789 pour Le Point), l'oracle politique de "Marianne", Jacques Julliard, publie un édito au vitriol, intitulé : "Une stupidité, la VIe République".*
J'ai le plus grand respect pour l'érudition de cet historien et je lis attentivement chaque semaine, son analyse de l'actualité que je trouve presque toujours pertinente. Mais là, il me semble non seulement qu'il fait fausse route mais aussi qu'il s'est laissé emporter par sa passion sociale-démocrate tant il est ulcéré de l'échec prévisible de son héros.
Comment un esprit aussi mesuré que celui de Jacques Julliard peut-il traiter de "crétinisme institutionnel" la seule idée neuve, originale et salvatrice susceptible de sortir la gauche de l'ornière tragique dans laquelle elle est en train de s'enliser ?
Faut-il rappeler à cet éminent auteur de l'histoire des gauches la lucidité d'un Proudhon, après la révolution de février 1848, face à cette constitution de la 2e République qui allait nous amener Louis-Napoléon Bonaparte ?
Faut-il refaire l'historique de la genèse de cette Ve République et de son régime taillé comme un costume sur mesures pour le général de Gaulle ?
Faut-il évoquer, avec le rappel du taux croissant des abstentions aux diverses élections, le gouffre qui ne cesse de se creuser entre "le pays réel" et le "pays légal" ?
Pour tenter d'éviter le désastre, une réforme constitutionnelle est absolument indispensable. Et Jean-Luc Mélenchon n'est pas le seul à s'inspirer de Jaurès et de Marceau Pivert plutôt que de suivre Alexis de Tocqueville et Michel Debré.
En restant les bras croisés, Monsieur Julliard, nous aurons à coup sûr, ce gouvernement Copé-Le Pen que vous craignez.
Il n'y a pas de rapprochement possible entre "gauche modérée" et "gauche radicale". Vous le savez bien.
Un Président élu à gauche qui fait une politique de droite, n'est plus un homme de gauche. C'est un politicien technocrate.
La démocratie française est étouffée.
Il faut rendre la parole au peuple !
*"Marianne", n°835 (du 20 au 26 avril 2013)