Elle avait dix-huit ans la môme Simone Roussel lorsque Jean Gabin lui déclara sa flamme sur le quai des brûmes, mais celle qu'on devait connaître sous le pseudo de Michèle Morgan n'était qu'à l'aube d'une longue carrière dont les principales étapes sont, à mon avis, "Remorques" en 1940, "La symphonie pastorale" en 1946, et "Fortunat" en 1960 où elle a comme partenaire un Bourvil absolument bouleversant.
Elle avait tourné en 1955, sous la direction de Claude Autant-Lara, "Marguerite de la nuit', d'après une nouvelle de Pierre Marc Orlan, un film quasiment oublié aujourd'hui, qui est une variation sur le mythe de Faust et dont les autres interprètes étaient Yves Montand et Jean Debucourt, avec également, dans le rôle d'une comtesse russe, Louisa Colpeyn, mère de l'écrivain Patrick Modiano.
J'ai vu ce film dans un cinéma de Tizi-Ouzou, à cette époque maudite où le gouvernement d'un certain Guy Mollet, avait envoyé le contingent des appelés au service militaire, en Algérie pour participer à la dernière de nos grandes aventures coloniales...
...et je me souviendrai toujours de l'apparition magique de la sublime actrice, parangon de la séduction et de la grâce, dans l'écrin banal et somme toute assez trivial d'une boite de nuit de Pigalle : présence insolente du rêve chassant la médiocrité ordinaire.
Jeanne d'Arc, Jeanne Hachette ou Marianne ? Elle aurait pu incarner la Communeuse Elisabeth Dmitrieff.
Car il n'y a aucun raccolage, aucune perversité chez Michèle Morgan : elle est franc-jeu et paye comptant.
Elle est la pureté et la loyauté féminines ; mais aussi le mystère.
Ses "beaux yeux" sont le miroir de son âme.
Adieu Marguerite de la vie !