...car elles fuient, les années." C'est avec une citation du poète romantique allemand Heinrich von Kleist, qu'Emmanuelle Riva a remercié hier soir l'Académie des Césars qui venait de lui décerner la statuette de la meilleure actrice dans le film de Michael Haneke "Amour", grand vainqueur de la cérémonie.*
Cette 38e édition des Césars, qui s'est déroulée avec moins de trivialité que les précédentes, a été marquée par la gravité. Comme si, l'art cinématographique voulait de son côté témoigner de la détresse humaine, aux prises avec la maladie, la décrépitude ou la précarité engendrée par la crise.
Il n'est donc pas fortuit que les membres de l'Académie aient choisi comme "meilleur premier film", " Louise Wimmer" réalisé par Cyril Mennegun. L'excellente comédienne Corinne Masiero y interpréte le rôle d'une femme qui survit en faisant des petits boulots ; mais ses revenus ne sont pas suffisants pour qu'elle puisse louer un petit appartement, elle est donc obligée de dormir dans sa voiture...
Quant au film de Jacques Audiard "De rouille et d'os" (avec Marion Cotillard et Mathias Schnoenearts) il est aussi l'histoire pathétique d'un retour à la vie malgré la tragédie d'un handicap physique consécutif à un accident.
Enfin, si l'on considère les documentaires et les films de court métrage qui sont un peu les oubliés ou plutôt les parents pauvres de cette cérémonie annuelle, on peut affirmer (je les ai tous visionnés) qu'ils sont à l'unisson. Car ils posent les véritables problèmes de notre société tiraillée entre le progrès technologique et la préoccupation écologique, l'incertitude de l'avenir, la peur de l'intolérance religieuse, la violence, l'orientation professionnelle et le spectre du chômage...
Nostalgie du "cinoche" avec le grand acteur américain Kevin Costner à qui était remis un "César d'honneur".
Petite bouffée d'oxygène avec le charmant ludion Jamel Debbouze, dont l'humour bon enfant a aimablement ponctué la soirée.
Avec "Hiroshima mon amour", Emmanuel Riva nous avait mis en garde contre l'horreur du feu nucléaire. Avec "Amour" elle nous dit simplement : "Ami, ne néglige pas de vivre, car elles fuient les années".
Mais survivrons-nous à l'horreur du feu capitaliste ?
NB/ la soirée a été suivie par 2 584 000 téléspectateurs, soit 12,5% de l'audience nationale
* le film a obtenu toutes les consécrations : scénario original, réalisation, meilleur rôle féminin, meilleur rôle masculin (Jean-Louis Trintignant), meilleur film