...et pendant ce temps là, les exclus du suffrage universel (volontaires ou pas) et cette "France d'en bas" qui s'attend au pire, retiennent leur souffle en observant à la fois médusés et indifférents, les querelles de chiffonniers qui agitent le petit monde du Palais Bourbon pour la formation des équipes préposées à la jactance parlementaire.
Il se trouve qu'au même moment, je suis encore plongé (mais plus pour trés longtemps) dans mon marathon Communeux, ce qui me permet de mieux supporter cette mortifère médiocrité de l'actualité ainsi que ces bulles d'ignominie de la république bourgeoise bcbg qui viennent crever à la surface : les turpitudes du Modem, la tragédie de Calais et l'incroyable déni de justice concernant Rémi Fraisse, etc...mais remontons le passé.
En 1897, "La Revue blanche" avait publié une grande enquête sur la Commune en interrogeant 17 publicistes, 13 anciens membres du Conseil de la Commune ainsi que 16 autres témoins ; Félix Fénéon leur posait trois questions, dont la dernière était : "quelle a pu être l'influence de la Commune sur les événements et sur les idées ?"
Je vais seulement citer quelques fragments des réponses qui me semblent tutoyer aujourd'hui :
"Les vingt-cinq années qui se sont écoulées depuis n'ont fait que me convaincre de plus en plus que le prolétariat n'arrivera à s'émanciper réellement qu'à la condition de se débarrasser de la République, dernière forme, et non la moins malfaisante, des gouvernements autoritaires. Mais s'il s'entête dans la folle espérance d'arriver à son émancipation par la fameuse conquête des pouvoirs publics, il se ménage certainement une nouvelle et sanglante déception dont il pourrait bien ne plus se relever de longtemps." (Gustave Lefrançais)*
"Il est à peine besoin d'affirmer que deux millions d'hommes et de femmes ne s'insurgent pas sans motif, ne se battent pas durant neuf semaines et ne laissent pas trente-cinq mille cadavres sur le pavé sans en avoir de bonnes raisons...La République de nos rêves n'était pas assurément pas celle que nous avons. Nous la voulions démocratique et sociale, et non pas ploutocratique. République était pour nous synonyme de régénération. L'impuissance des vieilles formules, l'incohérence des institutions et des faits éclatent aux yeux. L'heure approche où le programme du 18 mars va s'imposer par l'irrésistible force des choses. Cette heure sera pour nous, qui avions voulu l'avancer, celle de la justice historique. (Paschal Grousset)**
"La Commune a donné un drapeau aux peuples de l'Europe...Cette révolution anticipée, mais qui n'est qu'un précurseur, indique clairement à notre France, en apparence dégénérée, qu'elle ne doit plus rien espérer des hommes qui la gouvernent. (Antoine Brunel)***
"La Commune a dressé pour l'avenir, non par ses gouvernants mais par ses défenseurs, un idéal bien supérieur à celui de toutes les révolutions qui l'avaient précédée ; elle engage d'avance ceux qui veulent la continuer, en France et dans le monde entier, à lutter pour une société nouvelle dans laquelle il n'y aura ni maîtres par la naissance, le titre ou l'argent, ni asservis par l'origine, la caste ou le salaire. Partout le mot "Commune" a été compris dans le sens le plus large, comme se rapportant à une humanité nouvelle, formée de compagnons libres, égaux, ignorant l'existence des frontières anciennes, et s'entr'aidant en paix d'un bout du monde à l'autre." (Elisée Reclus)****
Ces échos d'une autre époque ne sont-ils pas propres à lutter contre cette canicule politique qui nous agresse ?
* instituteur, élu au Conseil de la Commune par le IVe arrondissement
** médecin, Corse, élu au Conseil par le XVIIIe arr.
*** officier de carrière, élu au Conseil par le VIIe arr.
**** célèbre géographe, anarchiste, condamné à la déportation en Nouvelle-Calédonie sa peine fut commuée en dix ans de bannissement.