Car effectivement, il y a deux périodes différentes dans le parcours politique de cet homme d'Etat qui fut une des grandes figures de la République : il faut donc les rappeler.
Le Rocard que j'estime et duquel je me suis senti proche est celui qui succéda en 1967 à Edouard Depreux comme secrétaire général du PSU (parti socialiste unifié), fondé en 1960 par un groupe de militants anti-colonialistes luttant pour que prenne fin la guerre d'Algérie.
Cette nouvelle formation politique se situait entre la SFIO et le PCF et se proclamait l'héritière du socialisme libertaire de la Commune de Paris en proposant de substituer à l'affrontement des classes sociales, l'autogestion et le fédéralisme. Lorsque Michel Rocard fait acte de candidature à la Présidence de la République en 1969, il affiche ces idées et annonce la couleur.. rouge. Il recueillera 3,6% des voix.
Au début des années 70, le jeune militant plein de révolte va faire place au technocrate de "gauche". Il va quitter le PSU en 1973 pour rejoindre le nouveau parti socialiste qui a jeté la SFIO à la poubelle, et commence sa carrière de "gourou de la deuxième gauche".
Je l'ai rencontré plusieurs fois à cette époque ; nous avons échangé nos analyses et nos idées, et pris acte de nos divergences. Profondes.
Il m'a confié qu'il avait renoncé aux idées utopiques et généreuses de la révolution communaliste car il avait décidé d'opter pour une carrière de responsable politique au service de l'Etat. Et "qu'il fallait savoir terminer sa légitime insurrection de jeunesse"...
On connait la suite, avec un parcours sans taches ni malhonnêteté, mais un cheminement vers le réformisme social-démocrate et le compromis de classes. Une circumnavigation dans la république bourgeoise.
C'est pourquoi le combat des disciples sera plus un choc des égos qu'une conjuration des égaux.
# une gauche disqualifiée.