...car avec le recul (cent ans), l'essentiel de ce Congrès de Tours, lors des fêtes de fin de l'année 1920, n'est pas la scission du parti de Jaurès entre la SFIC et la SFIO, mais l'intrusion dans la conscience politique des classes laborieuses, d'un virus redoutable destiné à les paralyser : le virus de la disjonction, ou pour mieux l'identifier la bolchevisation.
Car il s'agit bien de cela et la longue histoire douloureuse du PCF nous en fournit la preuve : le Comité directeur de sa cellule-souche, la SFIC, est comparable au Conseil de la Commune de 1871 et tout indique que cette nouvelle formation, issue d'un enthousiasme militant, va promouvoir les bases d'une action révolutionnaire en faveur de la création d'une république sociale...
L'espoir sera de courte durée : la plupart des fondateurs de ce parti en seront exclus ou démissionneront car il se métamorphosera peu à peu en secte militaire, pilotée par l'Internationale moscovite, en laissant ça et là des groupuscules marginaux, qui s'acharneront à détruire l'image même du Communisme.
Et une descente aux enfers identique se produira pour "la vieille maison" qui finira par sombrer dans la collaboration de classe tout en se réfugiant dans un saint-simonisme technocratique.
La bourgeoisie peut se frotter les mains : avec le parlementarisme elle a mis en oeuvre une machine de guerre qui lui permet d'éliminer légalement toute opposition. C'est ce que j'ai appelé "le Thiers-Etat" dans mon travail historique sur la Commune, les Versaillais ayant bien compris qu'une république conservatrice s'appuyant sur des notables nantis était aussi bien, sinon meilleure, qu'une monarchie restaurée.
Ainsi, le mouvement ouvrier blessé et traumatisé par la sanglante répression de 1871, est peu à peu tombé dans le piège du parlementarisme, avec toutes les conséquences qu'il implique.
La conscience prolétarienne s'est divisée, émiettée, éparpillée, elle est devenue perméable au nationalisme voire au chauvinisme...et à la résignation consommatrice.
Tours aurait pu marquer un point final à cette dérive : il a au contraire été la source de la disjonction, de la division.
J'ai écrit ce petit livre pour tenter de comprendre (enfin, à mon âge) les raisons pour lesquelles la ferveur communiste de ma jeunesse a été bafouée, ridiculisée, obérée...
Je reste néanmoins optimiste.
Jean A.Chérasse