...mais ce qu'on ne sait pas la concernant, c'est son engagement auprès de René Vautier* dans le grand combat pour la décolonisation algérienne, sa participation au réseau Jeanson qui lui valut d'être arrêtée en Mars 1960, d'être condamnée à cinq ans de prison (elle avait hébergé des militants du FLN) et d'être jetée à la Roquette où elle croupira deux longues années.
Un an auparavant, elle avait été la chef-monteuse du premier film de Godard "A bout de souffle" dont l'originalité d'écriture lui doit beaucoup...car si l'on visionne "Tous les garçons s'appellent Patrick", court-métrage du même réalisateur dont elle avait assuré le montage, on y retrouve la même rythmique dans l'ajustement des séquences et dans la transgression des gros plans.
Un savoir-faire technique qu'elle avait pu mettre au point avec "Les mistons" de Truffaut et qu'elle pourra affiner avec "Tirez sur le pianiste", juste avant d'être coffrée...
Gravement traumatisée par son incarcération, elle fut néanmoins l'objet de la sollicitude de l'équipe des "Cahiers du cinéma", et en particulier de François Truffaut qui l'empêcha de couler ; puis elle fut récupérée par Pierre Kast qui lui confia le montage de son triptyque "La naissance de l'Empire romain", téléfilm documentaire de la collection "Présence du passé".
C'est à ce moment là que je l'ai rencontrée, avec mon ancien collègue prof Maurice Schérer, qui devait en 1969, signer sous le pseudonyme d'Eric Rohmer, son premier chef d'oeuvre, "Ma nuit chez Maud" dont elle avait assuré le montage.
Ce film marqua le début d'une longue et fructueuse collaboration entre Rohmer et Cécile Decugis.
Pour ma part, ayant fait partie de la charrette des exclus de l'ORTF en juin 1968, j'avais décidé de retourner au cinéma ; les deux films de long métrage qui ont marqué ce retour, ont tous les deux bénéficié de la collaboration inestimable de Cécile Decugis : "Dreyfus ou l'intolérable vérité" (prix Méliès 1975) et "La prise du pouvoir par Philippe Pétain" (1980).
Adieu Cécile, sans doute ne correspondais-tu pas à la "jolie rousse" d'Apollinaire, mais tu étais tout de même super !
Jean A.Chérasse
* elle avait notamment réalisé avec Khalifa en 1957, "Les réfugiés", sur les déplacements de population algérienne en Tunisie suite aux opérations militaires...