Ces deux hommes qui avaient pris le parti de "la canaille" étaient pourtant de purs produits de l'éducation bourgeoise mais l'université les avait ouvert à la connaissance des turpitudes du monde et au destin inexpiable de l'exploitation de l'homme par l'homme.
Ils s'étaient rencontrés à la Sorbonne occupée par les étudiants au cours du joli Mai 1968 et avaient sympathisé ; à l'issue de la grande manif mémorable du stade Charlety, ils avaient décidé de passer aux travaux pratiques et de s'orienter vers le combat politique.
L'un (Motchane) , partisan d'une stratégie entriste, fonde avec Jean-Pierre Chevènement et Alain Gomez, un petit groupe de pression accolé à la SFIO qui deviendra le CERES, l'autre (Sauvageot) vice-président de l'UNEF , rejoint le PSU de Michel Rocard dont la trajectoire électoraliste sera vite brisée par l'émergence de François Mitterrand.
Ces deux hommes quasiment inconnus aujourd'hui, sont deux héros romantiques des dernières batailles perdues de la gauche.
A l'instar du "Jean-Christophe" de Romain Rolland, ils se sont tous les deux battus avec acharnement contre les inégalités et l'hypocrisie afin que l'humanité soit réconciliée, n'hésitant pas à ruer dans les brancards et à se rebeller contre la bureaucratie sclérosée des vieux partis politiques, choisissant d'affronter plutôt "les cercles de l'enfer" que de se laisser séduire par les pantouflages politiciens ou les sinécures.
Sans doute, auraient-ils souscrit à ce qu'écrivait le grand écrivain précité, il y a quatre-vingt ans :
"L'air est lourd autour de nous. La vieille Europe s'engourdit dans une atmosphère pesante et viciée. Un matérialisme sans grandeur pèse sur la pensée et entrave l'action des gouvernements et des individus. Le monde meurt d'asphyxie dans son égoïsme prudent et vil. Le monde étouffe."
Je me souviens d'une conférence de Didier Motchane qu'il avait conclue par ces mots de Romain Rolland :
"Même sans espoir, la lutte est encore un espoir !"