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Ecrivain, initiatrice d'ateliers d'écriture, présidente de l'association L'Ermitage

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Billet de blog 10 avril 2013

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En épouillant ma bibliothèque…

En épouillant ma bibliothèque, je mesure l'ampleur de la révolution numérique. La dernière fois que j'ai déménagé, c'était en 99. Treize ans, une paille. J'étais déjà à cette époque une fervente d'internet (j'ai acheté mon premier modem au début des année 90, un qui faisait des couiiiics crouic ziiiiimmm pout pout pout à n'en plus finir), mais il ne me serait pas venu à l'idée de profiter du déménagement pour me séparer des 18 tomes de mon Encyclopedia universalis ni des 7 volumes de mon Robert.

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En épouillant ma bibliothèque, je mesure l'ampleur de la révolution numérique. La dernière fois que j'ai déménagé, c'était en 99. Treize ans, une paille. J'étais déjà à cette époque une fervente d'internet (j'ai acheté mon premier modem au début des année 90, un qui faisait des couiiiics crouic ziiiiimmm pout pout pout à n'en plus finir), mais il ne me serait pas venu à l'idée de profiter du déménagement pour me séparer des 18 tomes de mon Encyclopedia universalis ni des 7 volumes de mon Robert. Aujourd'hui le bouquiniste ne veut pas entendre parler de ces rogatons, même Emmaüs me les refuse. C'est une amie prof qui va les prendre pour la bibliothèque de sa ZEP, histoire de montrer aux enfants ce que c'était le livre (d'après ce que j'ai compris, la bibliothèque de sa ZEP ne contient pas de livre) et la culture, dans les temps anciens.

Et ils verront, les enfants, combien la culture dans les temps anciens était lourde, vaste, épaisse et immobile. Ça va leur faire drôle, à ces petits, habitués à la fluidité des écrans, au savoir mobile et rapide comme l'éclair, sillonnant le monde de New York à Bagdad, d'Oslo à Valparaiso, ça va leur faire drôle de voir cet immense savoir coincé sur son étagère, et tellement lourd quand on le prend dans ses bras. Je me demande si ça va leur faire tellement envie…

En épouillant ma bibliothèque, je mesure aussi que le numérique accélère le vieillissement de certains livres, les analyses politiques ou sociologiques, par exemple. La durée de vie de ces livres-là excèdait rarement la décennie. En 2, 3 ans ils sont aujourd'hui dépassés. Il faut que leur propos parte au large pour qu'ils nous touchent encore, comme le magnifique cri de Viviane Forester L'horreur économique. Dieu sait pourtant ce que la malheureuse a enduré comme avanies à la sortie de ce bouquin, de la part des mâles spécialistes de la spécialité! Aujourd'hui plus que jamais sa parole vraie nous conforte, nous aide à supporter les puanteurs de l'agonie du capitalisme occidental, mais il est bien seul de son espèce.

C'est mon dix-huitième déménagement. J'ai trimballé partout mes caisses de bouquins dont le nombre augmentait évidemment d'année en année. Pour la première fois, je vais me délester d'un bon tiers de livres : et pourtant, je n'ai pas acheté de tablette, et je suis incapable de lire un roman ou un bouquin de philo sur écran…

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