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Virginie Lou-Nony

Ecrivain, initiatrice d'ateliers d'écriture, présidente de l'association L'Ermitage

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Billet de blog 13 avril 2013

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Tout le monde devrait écrire

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Sous ce titre polémique, Georges Picard publiait en 2006 aux éditions José Corti un essai décapant qui, arrachant l'écriture aux lieux où elle est traditionnellement attachée, lui rend sa nécessité originelle : écrire est une activité humaine essentielle,  pas seulement pour les écrivains, les scientifiques, les intellectuels chez qui elle est pratique quotidienne ; pas seulement en vue d'une publication ou d'une exploitation commerciale. Pour être au clair avec soi-même, écrit-il, pour savoir de quoi sa propre pensée est réellement capable, l'épreuve de l'écriture me paraît cruciale. Peut-être publie-t-on trop, mais il n'est pas sûr que l'on écrive suffisamment.

Les arguments apportés à cette profession de foi sont nombreux, et vont de la nécessité de risquer sa trace – pour que s'instaure la distance critique indispensable à une pensée libre et autonome – à la résistance au "carnaval social", au matraquage publicitaire et médiatique, aux préconisations de tous ordres qui nous outragent quotidiennement.

Le chiffre de 7 millions de personnes écrivant en France est avancé sur Internet – je ne sais pas ce qu'il vaut, je n'ai pas les moyens de vérifier. Mais depuis trente ans que j'organise des ateliers d'écriture j'ai pu mesurer combien la nécessité d'écrire s'imposait quels que soient le milieu social, l'éducation, l'activité professionnelle, et l'âge : on a besoin d'écrire pour se sentir vivant et responsable de sa pensée.

Malheureusement nous sommes sous le sinistre règne des ploutocrates, adorant veau d'or et best-seller. Un livre qui n'a pas de succès ne vaut rien, alors le pauvre bougre qui préfère passer ses soirées à noircir du papier au lieu de se vautrer devant TF1 est tout simplement au mieux un invisible, au pire un con. Dans tous les cas un allumé, fermez le ban ! La réprobation visant les adeptes d'Onan englobe les écriveurs anonymes : soupçonnés de se livrer à une jouissance illicite (qui ne "rapporte" rien), ils la paient au prix de la solitude. Ils ne trouvent d'oreilles bienveillantes que dans des ateliers d'écriture, cercles d'habitués eux-mêmes souvent fermés. On rêve d'échanges plus vastes.

Si sortir de la solitude est capital pour ceux qui éprouvent douloureusement l'isolement, inscrire dans notre réalité sociale des lieux de spiritualité laïque est indispensable pour qu'émerge, en marge d'une tyrannie consumériste et de sa contestation forcément prise au piège, des modes de pensée sauvages, exogènes. Dans l'art – lequel ne couche jamais dans les lits qu'on a préparés pour lui, disait Dubuffet – soufflent ces vents du large. Se frotter à ces pratiques, quels qu'en soient les bonheurs, ouvre des horizons neufs. Confronter sa vision à d'autres visions, à l'inverse de la consommation culturelle, mobilise les énergies créatrices et pousse à des transformations en profondeur.

Ces constats, ces nécessités ont amené un groupe composé d'écrivains et d'habitués des ateliers d'écriture à s'organiser en association pour fonder la Maison de l'Écriture. J'ai le bonheur d'être partie prenante dans cette aventure.

Destinée à tous ceux qui veulent trouver un refuge loin du fracas social pour penser, la Maison de l'Écriture ancre dans un territoire campagnard, dans un espace non seulement géographique mais social, l'impérieuse nécessité qu'existent des espaces voués à la vie de l'esprit hors de toute confession religieuse ou mercantile. Ce blog se fera l'écho des avancées de ce projet.

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