Viviane Micaud (avatar)

Viviane Micaud

Citoyenne, passionnée par la transmission des cadres de représentation qui permettent aux citoyens d'agir

Abonné·e de Mediapart

109 Billets

0 Édition

Billet de blog 10 octobre 2013

Viviane Micaud (avatar)

Viviane Micaud

Citoyenne, passionnée par la transmission des cadres de représentation qui permettent aux citoyens d'agir

Abonné·e de Mediapart

L’orientation : à la recherche de son métier et de son choix de vie

Viviane Micaud (avatar)

Viviane Micaud

Citoyenne, passionnée par la transmission des cadres de représentation qui permettent aux citoyens d'agir

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un des moments délicats de tous les systèmes éducatifs du monde est le passage de l’école des apprentissages fondamentaux vers les filières où le jeune approfondit ses points forts et/ou se prépare à son futur métier. Le métier est lié à un choix de vie.

Tous les pays ont cette articulation vers 14-15 ans. La raison est structurelle. Ce moment est lié à l’étape de la maturité humaine qui arrive vers 13 ans. (La quasi-totalité des  civilisations anciennes ont un rite de passage de l’adolescence au monde des adultes à 13 ans. En France, les rois devenaient majeurs à 13 ans.). Il est, en particulier, impossible de tenir assis sur une chaise de lycée, un jeune qui a déjà décidé que les défis intellectuels n’étaient pas pour lui.

Dans aucun pays, le lycée égalitaire pour tous n'existe. Tout bonnement, que vu la diversité des adolescents dans leur acquis, dans leur capacité de se projeter dans l’avenir, dans leur envie de s’investir dans des efforts intellectuels, c’est impossible.

Parfois, des groupies de solutions miracles pour le lycée inventent des descriptions de fonctionnement de lycée qui existeraient à l’étranger. Il faut s’avoir se méfier de ce type d’informations, surtout quand elle vient d’une personne qui a un « fonds de commerce » dont elle assure la promotion. A ce titre, le lycée finlandais que Darcos avait érigé en modèle en 2008, n’avait aucun des caractéristiques vantées et était en réalité en dysfonctionnement.  Voir  le lycée finlandais.

Par ce billet, je vais montrer qu’il existe des solutions pour faire disparaître la plupart des frustrations actuelles dans l’orientation, et donner une vraie égalité des possibilités aux jeunes qui sont prêts à s’investir pour leur réussite.

Pour cela, il faut :

1) que les partenaires se mettent rapidement d’accord sur le caractère néfaste du « dernier mot aux parents »,

2) que l’affectation en filière professionnelle par le logiciel AFFELNET soit supprimée et remplacée par une sélection basée sur la démonstration de sa motivation,

3) que les régions s’impliquent à faire le lien entre l’industrie et les filières professionnelles de manière à ce que le nombre de places en filières professionnelles soient cohérents avec l’emploi local et que les jeunes motivés puissent avoir un égal accès aux stages (hors découverte de l’entreprise) quelle que soit leur origine,

4) que le «  parcours individuel d'information, d'orientation et de découverte du monde économique et professionnel » prévu dans la loi d’orientation pour la refondation de l’école soit réalisé en prenant en compte les schémas cognitifs réels des adolescents quand ils se projettent dans l’avenir,

5) que le lycée soit réorganisé de manière à permettre des flexibilités dans les choix des parcours en « expression littéraire » et «en mathématiques » et sur les « dominantes »

6) que le redoublement soit autorisé (une fois) pour les années où l’élève tâtonne pour trouver leur voie

Les prérequis pour suivre la démonstration

Pour ma démonstration, je supposerai que le lecteur a déjà lu ces deux articles et en accepte les conclusions.

25/08/2013 – Une proposition pour le futur lycée général

Ce billet propose un lycée où l’élève choisit :

- son parcours en expression littéraire (français, histoire-géo, philosophie) entre PEL1 et PEL2

- son parcours en mathématiques entre PMb, PM1 et PM2.

- une dominante (par exemple : physique, SVT, Economie et sociale, littérature et histoire, gestion, sciences du développement durable, ….)

Cette organisation dont il faut encore valider la faisabilité permet de résoudre tous les dysfonctionnements du lycée général et technologique, en particulier la discrimination actuelle de ceux qui s’appuient sur leur compétence scientifique pour réussir.  Je vous suggère de vous reporter au billet pour comprendre les principes.

07/10/2013 – L’orientation scolaire, le deuxième piège pour Vincent Peillon après les rythmes scolaires

Ce billet explique que la doctrine du « dernier mot au parent » non seulement va rien résoudre mais introduire des dysfonctionnements nouveaux.  Le principal problème de l’orientation à la fin de Troisième est l’affectation par un logiciel aveugle dans la filière professionnelle. Les difficultés concernant l’affectation dans la filière générale et technologique sont résolues par la proposition pour le futur lycée général décrite dans le paragraphe précédent. Autoriser « l’accrochage scolaire » à des jeunes qui n’ont clairement pas les acquis pour avoir une chance raisonnable de ne pas être noyé et donc être condamné à la perte de l’estime de soi, est une proposition populiste donc le caractère nuisible est largement prouvé.

La prise en compte du chemin cognitif de l’enfant qui devient adulte

- Le premier pas d’orientation doit se faire en fin de Troisième.

L’orientation est un chemin cognitif qui se fait dans la durée. Cette réalité exclut la solution de la Seconde universelle qui regrouperait les élèves destinées au lycée professionnel, technologique et général. En effet, il faut un trimestre pour que l’équipe enseignante connaisse le jeune, une bonne procédure d’affectation demande un trimestre, c’est clairement une vue de l’esprit de faire un accompagnement à l’orientation pendant le trimestre qui reste.

Par ailleurs, il faut que le collège qui est partie prenante de la mise en place «  du parcours individuel d'information, d'orientation et de découverte du monde économique et professionnel » prévu dans la loi de refondation de l’école ait un retour sur l’utilisation de ce que le jeune fait de ces informations, de manière à améliorer le parcours en fonction des résultats. Le premier pas d’orientation doit être en fin de Troisième car la préparation à la capacité de faire ce premier choix doit se faire au collège.

- La compréhension globale du monde économique et industriel doit être donnée avant 13 ans

Le changement de « paradigme », du paradigme de l’enfant qui se repose sur les adultes qui l'entourent au paradigme de « l’adulte en devenir » qui cherche un sens à sa vie, est une période très particulière. Le jeune est à la fois très sensible aux normes sociales, celles de ses camarades et celles de son groupe familial, et à la fois, construit sa personnalité future. Les connaissances sur les grandes règles du monde du travail, les bonnes questions à se poser pour choisir sa vie d'adulte doivent être ancrées avant la 4ème, car après c’est trop tard en particulier chez les jeunes qui se sentent rejeter par le système.

Je préconise en 6ème et en 5ème un cours structuré sur la manière dont se construit et se vend un produit ou un service, avec une description des  métiers. Les secteurs économique seront étudiés les uns après les autres : usines de production, mise en place d’une pièce de théâtre, hôpital, magasin, etc.  Tous les métiers sont d’une égale dignité. Cependant en fonction de ce qu’on aime, un métier apporte plus ou moins d’avantages : plaisir de pratiquer le métier, contact humain, salaire, horaires, condition de travail, possibilité d’évoluer vers d’autres métiers.

- Le choix du métier se fait par essais-erreurs

A cause la complexité du monde économique, il est totalement impossible de donner une information neutre, complète et pertinente sur tous les métiers. Le modèle « le jeune a une information globale sur les métiers et va faire un choix au fur et à mesure des bifurcations » est faux.

En réalité, dans la majorité des cas le jeune pour choisir va approfondir  des options possibles jusqu’à ce qu’une lui convienne. Il s’agit du modèle de décision de la « rationalité limitée » de Herbert Simon, prix Nobel d’économie en 1978. 

Cela veut dire qu’un jeune pour une bonne ou mauvaise raison, va être attirée par un ou deux choix parmi le panel proposé des formations qu’il a une chance raisonnable de réussir. Puis il va choisir celle qu’il va essayer et convaincre l’établissement qui l’accueillera de sa motivation.

- Les tris secs sont délétères pour l’estime de soi des jeunes

Lorsqu’un jeune n’a pas les acquis pour la voie « présentée comme normale », il convient de mettre en place un accompagnement pour que le renoncement soit un choix vers une réussite. Pendant les années collège, les filières dérogatoires où il y a les élèves exclus de la voie normale sont une catastrophe. Les filières dérogatoires destinées aux élèves qui ont fait le choix de rattraper leurs lacunes et de construire un projet de vie et où les moyens de soutien sont en place donnent des résultats extrêmement positifs par rapport à ce qu’ils seraient devenus s’ils étaient restés dans une classe ordinaire. Aussi, la Seconde commune à tous ceux qui vont vers la voie professionnelle est à bannir. Il faut mieux une seconde professionnelle où ceux qui accueillent, sélectionnent sur la motivation du jeune pour un métier qui va lui permettre de s’intégrer avec un salaire dans le monde des adultes. Il faut instaurer le droit effectif de changer à la fin de Seconde professionnelle. C'est-à-dire un accompagnement en fin du deuxième trimestre : Est-ce que c’est bien cela que tu veux ? Si tu veux changer, voilà les alternatives.

- Il n’est pas possible d’attendre que le jeune ait fini son adolescence pour qu’il commence à s’orienter

Comme les choix se font dans une période où l’enfant se cherche, une piste est de reportée en fin de seconde le premier choix. En réalité, cela ne changera rien car pour se trouver le jeune doit se confronter avec la réalité du monde des adultes. La maturité par rapport à un choix de vie est vers 35 ans et il n’est pas envisageable d’attendre jusqu’à là.

Par ailleurs, certains jeunes ne sont pas attirés par les défis intellectuels. Ma nièce veut être animatrice sportive. Elle adore le sport et elle adore l'animation de groupes. Elle comprend qui faut apprendre la réglementation sur la sécurité et accepte cette contrainte. Mais, les cours de culture générale la gonflent profondément. Elle serait décrocheuse si on lui avait imposé un prolongement du socle de connaissance au-delà de 15 ans. Personnellement, je pense qu’environ 10 à 15% des élèves sont dans ce cas. Il y a plusieurs moyens de s’investir pour trouver sa place dans le monde des adultes. Prendre le temps d’apprendre à « questionner la question à la manière des littéraires » ou « apprendre la modélisation des sciences » avant d’être plus mûr pour choisir n’est pas le moyen qui convient à tous le monde : il faut savoir laisser le choix.

La seule possibilité est :

- la préparation en amont pour que le premier choix à tester soit réfléchi,

- le droit à l’erreur et de changer de voies,

- l’accompagnement pour encourager à utiliser des passerelles qui sont réellement mis en place,

- la mise en place de dispositif pour récupérer les fondamentaux de (PM1 et PEL1) pour tous les élèves de professionnels qui en ont la volonté de travail adéquate de manière à leur permettre d’accéder aux formations universitaires des bacs technologiques d’aujourd’hui.  (L’université aura le devoir d’offrir des modules pour rattraper le niveau PM2 ou PEL2 à ceux qui en ont le potentiel et qui ont la volonté de travail et donc de donner accès à tous les parcours).

Un  lycee general et technologique reservé a ceux qui ont acquis les bases en expression

Faire une Seconde qui accueille tous les jeunes y compris ceux qui ont des lacunes en expression demande à reporter certains apprentissages indispensables pour l’université d’un an. Le collège ne doit plus être un « petit lycée ». Tous mes écrits plaident pour faire évoluer les programmes et les contrôles associés du collège pour qu’ils soient accessibles à tous et permettent une hétérogénéité des classes. Cependant, il faut un lycée général et technologique pour préparer l’entrer dans les études supérieures et donc construire les programmes et modes de contrôles associés de la Seconde pour cela. Cela veut dire faire une Seconde où les élèves qui n’ont pas les acquis de base en expression seront noyés comme actuellement ils le sont, en 4ème et 3ème au collège. Après la refondation de l'école, nous pouvons espérer d'aller au niveau des meilleurs systèmes éducatifs, environ 5%. C'est une vue de l'esprit de considérer qu'il n'y en aura aucun.

Le redoublement possible pour un changement de parcours

Dans un collège organisé pour permettre l’hétérogénéité des élèves, le redoublement n’apporte rien.  Les comparaisons internationales recommandent de le supprimer dans l’école du socle (avec des programmes et des modes de contrôles adaptés) et utiliser les heures libérées pour aider les élèves ayant des lacunes dans les fondamentaux.

De la même manière, le redoublement entre la Première et Terminale, ou entre la Seconde et Première Pro n’est pas souhaitable.

Cependant, la suppression du redoublement au lycée ne doit pas être une doctrine. Le redoublement doit être autorisé pour les tâtonnements dans l’orientation.

Il convient de se poser la question des jeunes qui n’ont pas les acquis pour être acceptés en seconde générale et technologique et qui ne se sont pas impliqués pour choisir leur orientation professionnelle, et donc n’ont pas de point de chute. Je propose une Troisième bis comme en Finlande. La Troisième bis est une classe à part où les élèves sont accompagnés pour un projet professionnel.  Le programme est différent de la Troisième.

Par ailleurs, les élèves ont un droit à l’erreur. Tout élève a le droit de redoubler pour changer de filière, s’il a prouvé sa motivation pour la filière du professionnel où il est accepté, s’il a les acquis pour les parcours du lycée général et technologique qu’il souhaite.

Pour la même raison, il est possible de faire une terminale PEL1-PM1 avec une dominante technologique après un bac Pro.

Le redoublement de Terminale est possible en cas d’échec au Bac. Des sessions de rattrapage en septembre pourront être organisées, quand l’échec ne porte que sur un ensemble de matière.

Les lycées des métiers

Dans ces lycées, il y a des filières générales, des filières technologiques et des filières technologiques. Cette organisation permet de nombreuses synergies, en particulier de meilleur partenariat avec l’industrie. Elle permet aussi de faciliter le passage de filière pro en filière technologique sans redoublement. Car les enseignants de français et de maths ont souvent des élèves dans toutes les filières, ils sont capables de jauger la capacité de réussir des élèves et les aider à cette réussite.

La realisation du premier pas d’orientation pour tous à la fin du collège

Les moteurs de la dévalorisation de la filière professionnelle ont été :

- l’incapacité de l’éducation nationale de mettre en Quatrième et en Troisième des programmes qui permettent de ne pas exclure ceux qui maîtrisent insuffisamment l’expression créant une communauté de jeunes qui arrivent en fin de Troisième avec des savoirs extrêmement faibles et une estime de soi détruite,

- l’affectation par un logiciel aveugle dont les paramètres sont réglés par des bureaucrates, trois mois après que les jeunes aient donné leurs choix, ce qui empêche les jeunes de se projeter dans leur nouvelle formation et qui crée une hiérarchie sur les notes entre les filières du professionnel réduisant à une peau de chagrin les choix possibles des élèves les plus en difficultés,

- le fait que, depuis 1995,  les jeunes qui se destinent à un bac général et technologique n’ont pas vraiment besoin de réfléchir sur leur avenir, puisque pour eux les choix structurants sont en fin de Seconde.

Le gouvernement a parfaitement conscience du premier point. Les nouveaux programmes devront être construits dans cet état d’esprit. J’ai proposé une solution pour le deuxième point.

Le dernier point est très important. J’ai déjà argumenté que la solution « reporter en fin de seconde l’orientation, pour tous » doit être éliminée.

Il y a deux solutions :

- le choix de la dominante de Première reportée en début de Seconde (le changement de parcours seraient difficile en fin de 2nde et ce serait une régression)

- la mise en place d’un module approfondissement d’un domaine de métier de 2 heures par semaine qui correspondrait au domaine de métiers vu dans les parcours individuel de formation.

Je suis favorable à la deuxième solution, bien que la mise en place ne soit pas facile.

Pour être accepté dans un module « d’approfondissement d’un domaine de métier », il faudra faire la démonstration de sa motivation, de manière à créer, un peu artificiellement une symétrie.

Conclusion

Il y a des solutions pour améliorer l’orientation des élèves après l’école du socle.

 Certains choix du gouvernement sont extrêmement pertinents comme  :

- «  le parcours individuel d'information, d'orientation et de découverte du monde économique et professionnel » prévu dans la loi de refondation. Dans l’annexe de la loi refondation de l’école, page 29, il est écrit : « Ce parcours ne se limite plus à une option de « découverte professionnelle » proposée uniquement aux élèves destinés à l'enseignement professionnel, mais il s'adresse à tous et trouve sa place dans le tronc commun de formation de la sixième à la troisième. Au-delà, ce parcours se prolonge au lycée. »

- l'’implication des régions pour une recherche de synergie entre les industries et la proposition de formations qualifiantes qui font accéder à l’emploi.

Certains choix sont inadaptés comme le « dernier mot aux parents », ou l’affectation en filière professionnel par un logiciel aveugle qui restreint à une peau de chagrin les possibilités de choix des élèves ayant de mauvaises notes quelle que soient leur motivation pour s’en sortir et leur potentiel.

En éternelle optimiste, je pense que la société civile responsable va agir pour que les bons choix soient faits. En tous les cas, c’est vital pour l’avenir de notre pays. Nous n’avons pas le droit de jouer aux autruches.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.