Un certain nombre d'organisations ou de personnalités agissant dans l'éducation, ont signé un appel intitulé " Pour une école de la mixité sociale et de la réussite de tous les élèves". Cet appel est accessible à cette adresse. http://refondonslecole2015.blogspot.fr/
Tout d'abord je trouve cet appel constructif. Les activités scolaires qui servent à comprendre le monde, à apprendre à réussir un projet en collaborant avec ses camarades, à construire sa personnalité ou à se projeter dans le futur, sont indispensables aux jeunes. Les auteurs de l'appel, ont parfaitement raison sur ce point. Pour aider les jeunes à comprendre la société, il faut l'implication de tous, y compris de partenaires en dehors de l'école. Par ailleurs, le document indique qu'un des objectifs de l'école est de permettre à chaque jeune d'obtenir un diplôme. C'est important de l'écrire. J'ai eu l'impression que certains des signataires de l'appel l'avaient, à une époque, oublié.
Par contre, il y a plusieurs des poncifs faux ou mensonges volontaires,
- tous les pays ont un "tri social". Ce n'est pas propre à la France. C'est inévitable car certains des mécanismes à l'origine des biais sociaux dans les destins scolaires sont liés aux représentations que les familles ont de la société. La France est bien plus inégalitaire que la plupart des autres pays, cependant les principaux mécanismes ne sont liés aux pratiques éducatives. Cet appel n'apporte pas de solution à la majorité des mécanismes à l'origine des biais sociaux dans les parcours scolaires. Il est basé sur une vision simpliste, globalement fausse. Pour ce faire une idée du sujet, lisez ce billet. http://blogs.mediapart.fr/blog/viviane-micaud/160314/les-biais-lies-l-origine-sociale-dans-l-orientation-scolaire
- les concepts, notions, compétences fondamentales (lecture, écriture, calcul) se "transmettent". Et la manière la plus efficace de les transmettre est l'enseignement EXPLICITE. Malheureusement, l'enseignement explicite n'est pas ce qu'imposent les inspecteurs de l'Education nationale aux enseignants, ils préfèrent une mode pédagogique qui change de temps en temps. Pour l'enseignement des langues, en ce moment, c'est la "méthode actionnelle".
Les signataires de cet appel semblent persuader qu'en donnant des activités d'ouverture d'esprit aux enfants, automatiquement et par magie, l'élève apprendra. La plupart de ces signataires étaient dans ceux qui faisaient de la surenchère sur les activités périscolaires lors de la mise en place des nouveaux rythmes. Cette surenchère en quantité, mais pas en pertinence par rapport au besoin des élèves, était impossible à financer et a porté l'attention sur un aspect secondaire de la réforme. En réalité, les activités pour déclencher une ouverture d'esprit sont bénéfiques car elles peuvent faire changer l'élève de posture par rapport aux apprentissages.
En caricaturant, on peut mettre en évidence trois postures.
- l'élève rejette les enseignements, ne cherche pas à écouter, provoque l'enseignant ou attend que cela se passe. C'est souvent lié à une démotivation.
- l'élève n'a pas d'intérêt pour ce qu'on apprend à l'école, mais vient en partie pour être avec ses camarades. Il fait sans enthousiasme ce qu'on lui demande de faire, écoute mais n'est pas pro-actif pour sélectionner et mémoriser ce qui y a du sens. Il participe aux chahuts.
- l'élève a envie d'apprendre, il est curieux, il aime les défis intellectuels qui lui font progresser dans les apprentissages y compris scolaire.
En donnant des activités d'ouverture d'esprit on peut faire passer l'élève d'une posture à une autre. Mais, cela ne dispense d'une stratégie pour l'apprentissage des fondamentaux avec un enseignement EXPLICITE, lié aux difficultés de chaque jeune.
Le dyslexique sévère n'apprendra pas mieux par miracle, il faut qu'il soit suivi par une personne formée pour qu'il acquiert des pratiques qui permettent de comprendre son handicap et de le contourner. Un vrai dyslexique ne saura jamais lire couramment. Par contre, il peut apprendre à déchiffrer le sens des phrases avec des efforts importants.
Si un jeune n'a pas les mêmes bases de grammaire que ses petits camarades, il ne les devinera pas. Il faut les lui apprendre.
Donc, la vision portée par ce document est utile mais en complémentarité avec les autres missions et activités de l'école. Je fais l'hypothèse que de nombreux signataires ont une vision moins simpliste que le suggère à première vue ce document.