Hier, le 21 mai, j’ai regardé les informations de la chaîne Public Sénat et c’est la question que je me suis posée quand j’ai entendu les propositions des sénateurs communistes.
Leurs propositions s’appuient sur deux dénis, moteurs des dysfonctionnements de l’école et responsables de la mise en souffrance de nombreux jeunes.
Premièrement, les sénateurs communistes nient que tout cours a des prérequis. C’est-à-dire qu’il y a un minimum à avoir de connaissance, de compétence, de capacité de travail, d’envie de s'investir dans les challenges intellectuels pour avoir une chance raisonnable de tirer parti d’un cours. C'est à cause de ce déni que nous avons le collège le plus inefficace de l'OCDE. Un enfant qui arrive en 6ème en maîtrisant insuffisamment l'expression, est condamné à être devant des contrôles que, quelle que soit sa bonne volonté, il ne pourra pas réussir et de se retrouver en fin de collège, orienté vers un enseignement professionnel qu'il n'a pas vraiment choisi avec des savoirs extrêmement faibles et une estime de soi détruite.
Un prof d'histoire ne peut pas reprendre, dans son cours d'histoire, l’apprentissage des fondamentaux de l'expression. Ce n'est tout simplement pas possible. Pourtant, il y a eu pendant presque 40 ans un consensus, basé sur un échange de fonds de commerce respectifs, entre les personnes travaillant dans les services centraux de l'éducation nationale et les syndicats revendicatifs, pour imposer un même déni sur l'existence de pré-requis, rejetant la faute sur les enseignants qui ne sauraient pas s'adapter à leurs élèves. Telles que sont définis les programmes du collège d’aujourd’hui, c’est tout bonnement impossible.
Deux propositions des communistes sont basées sur cette contre-vérité, et auraient pour conséquence directe de détruire l’estime de soi de 15% des élèves de collège.
La première proposition contreproductive est de mettre dans le texte que tout élève doit pouvoir accéder aux mêmes formations, supposant l’existence de méthodes pédagogiques (que les méchants professeurs n’appliqueraient pas) qui permettent à tous de réussir. C’est faux pour tous les cours concernant les fondamentaux. Il n’est pas possible de faire travailler la lecture à un gamin de 6ème dans une classe de 28 élèves. Vous voyez le pauvre môme qui ânonne un texte devant les 27 autres, hilares, qui en profitent pour chahuter.
La deuxième proposition concerne l’inscription des cycles dans la loi, alors que Peillon a décidé de les faire passer par décret. Ils se basent sur la croyance que, grâce aux cycles, avec des méthodes adaptées, tous les élèves ont les mêmes connaissances en fin de cycle et ce n’est pas la peine de le prendre en compte dans l’organisation de l’enseignement que certains élèves n’ont pas acquis les fondamentaux des précédents cycles. C’est faux. Il y aura toujours une partie des élèves qui n’y arriveront pas et ce quels que soient les moyens : parce qu’ils faisaient un blocage, parce qu’ils ont un QI de 85, parce qu’ils viennent d’arriver en France et n’ont pas été scolarisé avant. Aussi, il faut organiser l’école en s’appuyant sur cette réalité incontournable.
Le deuxième déni concerne la psychologie des jeunes, et le passage de l’adolescence à jeunes adultes vers 15-16 ans. Si tous les pays de l'OCDE ont choisi 15 ans ou 16 ans, la date de fin de la scolarité obligatoire, il y a bien une raison structurelle. Après l'adolescence, les jeunes sont des adultes en devenir, il est impossible de les garder assis dans une salle de classe s'ils n'ont pas un but.
La proposition de faire passer l’âge de fin de scolarité obligatoire à 18 ans est gravement contre-productive.
En effet, il est possible de classer les jeunes en deux catégories :
- ceux qui acceptent l'école telle qu'elle est faite et qui continue leurs études au-delà de 18 ans et pour qui la question ne se pose pas.
- ceux qui sont en rupture avec l'école qu'il faut raccrocher. Et ce n'est pas en rendant obligatoire leur présence dans des cours qu'ils n'ont pas vraiment choisi qu'on peut les aider. Au contraire, cela accentuera leur malaise.
La solution pour le décrochage consiste à :
- Travailler sur le collège qui est le plus inefficace de l'OCDE de manière à diminuer les décrochages pour les ramener à un taux proche de ce qui est considéré comme le seuil au-dessous duquel il est impossible de descendre. (Cela arrive à tout adulte de remettre en question des choix et avoir besoin de faire le point).
- Travailler sur le raccrochage pour les jeunes de 16 ans à 25 ans, par le soutien à la construction d'un projet de vie, et l'accompagnement pour sa réalisation, en particulier par les écoles de la deuxième chance. Ceci se fait dans d’autres structures.
Je comprends que chaque groupe parlementaire ait besoin de faire un peu de populisme pour plaire à son électorat. Mais ici c’est l’avenir d’enfants dont on parle, ces propositions des sénateurs communistes m'ont semblé totalement irresponsables.